
« Les idéalistes de toutes les Écoles, aristocrates et bourgeois, théologiens et métaphysiciens, politiciens et moralistes, religieux, philosophes ou poètes, sans oublier les économistes libéraux, adorateurs effrénés de l’idéal, comme on sait, s’offensent beaucoup lorsqu’on leur dit que l’homme, avec son intelligence magnifique, ses idées sublimes et ses aspirations infinies, n’est, comme tout ce qui existe dans le monde, qu’un produit de la vile matière. »
Dieu et l’État, Michel Bakounine, Genève, 1882
Origine Renart.info
Moins !, « Journal romand d’écologie politique » basé à Lausanne, s’affiche en gros titre « pour une écologie libertaire ». Son numéro d’été (n°65, juillet/août 2023) annonce en couverture des « Rencontres Internationales Antiautoritaires » célébrant le 151e anniversaire du congrès de fondation de l’Internationale antiautoritaire (1872), à Saint-Imier, dans le Jura suisse. Nos amis d’Outre-Léman publient à cette occasion un dossier d’une douzaine de pages où divers auteurs – certains plus anarchistes ou plus écologistes que les autres - s’expriment sur le sujet. Ils ne sont pas toujours d’accord mais sur le papier, ils restent polis. Ils ne parlent pas de ce qui fâche.
Ils ne pouvaient évidemment parler d’avance de ce qui s’est réellement passé à Saint-Imier, lors de ces cinq jours de « rencontres antiautoritaires » (19-23 juillet). De ces meutes d’assaillants queer, agressant le stand de la Fédération anarchiste pour voler, déchirer, brûler des livres, insulter et frapper des compagnons de la F.A, sous le regard neutre et bienveillant des organisateurs. Sinon avec leur complicité tortueuse et bureaucratique - mais toujours polie. Pour un compte-rendu circonstancié, lisez ce qui suit. Il se trouve qu’on y était. Sinon, ne manquez pas le prochain numéro de Moins ! qui reviendra sans doute en détails sur ce moment « d’écologie libertaire » réelle et concrète.
Morceaux choisis d’un façon non-objective....
L’ambiance de Saint-Imier 2023 n’a rien à voir. Il ne s’agit plus d’un Congrès, avec des délégations internationales dotées de mandats impératifs, venues signer des résolutions, mais d’un festival en libre-service où chacun musarde à son gré, en touriste politique. Il n’y aura pas de déclaration finale sur la guerre en Ukraine par exemple, ni sur le réarmement international, ni sur la guerre mondiale faite à la nature, ni – surtout – sur la révolte des femmes iraniennes contre le port du voile et la dictature islamiste.
Récapitulons :
Des livres déchirés.
Des livres brûlés.
Des bandes cagoulées qui renversent des livres et des gens.
Un procès expéditif sans droit de la défense.
Des jugements sur la base d’une appartenance biologique.
Une expédition punitive.
Des agresseurs transformés en « agressés ».
Et des agressés sommés de faire leur autocritique.
Comment appelle-t-on ça déjà ?
Personne n’ose le penser à pleine voix, on le susurre à peine puis on se rétracte, pour ne pas envenimer la situation : « Ce serait pas un peu facho quand même ? » A Saint-Imier comme ailleurs depuis dix ans on se demande comment qualifier de tels agissements et comment y répondre. La réponse à la deuxième question découlant de la première. Ces collectifs sont si bêtes et butés, fonctionnant par mots-clés et mots d’ordre, jouant du chantage à l’agression à la première contradiction, qu’on n’imagine pas que des arguments rationnels développés au-delà d’un touitte d’indignation puissent suffire.
Plutôt qu’un festival des oppressions, je vois une foire aux ressentis. Chacun son ressenti, hein, son petit ressenti à soi, minuscule et inintéressant, mais qu’on expose partout et au nom duquel on réclame de la visibilité, de l’écoute et des droits. Un atelier « Reclaim emotions » n’exploret-il pas
« la signification politique des émotions et comment elles soutiennent notre militantisme, notre résilience collective et personnelle. [...] Devenir alphabétisé émotionnellement nous permet de développer des stratégies de transformation et des pratiques critiques d’auto-soins afin de prévenir le burn out militant et de construire des structures régénératrices. »
Bienveillance et « intersectionnalité » (encore un concept américain ), ainsi s’écrit le nouveau programme politique de la gauche : écoute, empathie, tolérance, réconfort... pour les minorités, les victimes, les exclus, les pauvres, les dominés, et pourquoi pas les animaux non-humains si vous avez des « valeurs » écolos. Et pourquoi pas les robots, les Intelligences Artificielles et les cyborgs, si vous avez des valeurs transhumanistes.
Cette bouillie niaise et toxique a été si bien répandue contre les idées d’émancipation, qu’il paraît désormais impossible à beaucoup de faire de la politique autrement qu’à partir de « récits minoritaires » et de leurs « savoirs situés », entassés en brinquebalantes « oppressions systémiques ».
Quoi qu’on pense de chacune des personne annulées, elles ne représentent ni l’État technocratique, ni l’industrie du nucléaire, ni aucun des groupes de pression liés à la destruction des conditions de vie sur terre. Une partie du problème se trouve dans la confusion entre conflit (politique) et agression (personnelle), entre la critique des idées et la violence aux personnes. Faites passer votre contradicteur pour un agresseur, le voilà qui disparaît avec sa contradiction. Exemple. De façon systématique, et comme à Saint-Imier, la critique de l’idéologie, des figures, des mouvements et des États islamistes est travestie en discrimination contre les musulmans eux-mêmes (« islamophobie »). Sinon en « racisme » - comme s’il existait une « race musulmane ».
De même, la critique des intellectuels, des idées, de la politique queer est systématiquement travestie en « phobie » - transformant ainsi des arguments rationnels en « panique » irrationnelle - en « phobie » envers des « personnes concernées », en attaques contre elles, voire en « complicité de meurtres » ! (tant qu’on y est, hein !)
La pratique d’intoxication intellectuelle qui consiste à travestir le débat d’idées en attaques contre des personnes, doit porter un nom. Le chantage à la micro-agression ?
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