Soudan : une année de guerre insensée et de violence extrême contre la population

La guerre au Soudan a éclaté le 15 avril de l’année dernière et continue jusqu’à aujourd’hui de ravager le pays. A l’occasion de ce triste « anniversaire », nous revenons sur l’année écoulée. Malgré les chocs et les horreurs auxquels la population est confrontée au quotidien, les Soudanais·es continuent de se mobiliser pour réclamer la fin des combats et le retour à une transition démocratique.

Retour en avril 2023 : une situation fragile

Suite au coup d’État du général Al-Burhan mené en octobre 2021 contre la composante civile du régime de transition, qui devait permettre l’instauration d’une démocratie réclamée par les Soudanais-e-s durant la révolution, la population soudanaise n’a pas cessé de manifester son refus du coup d’État, à travers des manifestations, grèves et occupations. En avril 2023, sous pression et de plus en plus isolé, le général Al-Burhan (chef de l’armée soudanaise) avait réouvert les discussions autour d’une transition civile.

L’objectif était de trouver un accord pour sortir de l’impasse. Mais ces discussions – qui portaient notamment sur la réforme de l’institution militaire et le calendrier de cette réforme – ont ravivé les tensions entre Al-Burhan et son allié Mohamed Hamadan Dagalo (appelé « Hemedti), à la tête de la milice des « Forces de Soutien Rapide » (RSF). Les révolutionnaires civils demandent la dissolution de toutes les milices et la constitution d’une seule armée unifiée, qui se tienne à l’écart du pouvoir politique. Mais les RSF, devenues aussi puissantes que l’armée elle-même – n’avaient pas d’intérêt à être dissoutes et regroupées dans l’armée.

La tension s’est brutalement accentuée entre Al-Burhan et Hemedti. En parallèle d’une visite stratégique aux Émirats Arabes Unis, qui le soutiennent, Hemedti commençait à déployer ses soldats à divers endroits stratégiques, notamment à Marawi, où se trouve l’aéroport militaire de l’armée soudanaise.

Le 15 avril, le jour où tout a basculé

Ce jour aurait dû être une célébration de l’Aïd. Mais ce matin-là, les habitant-e-s de Khartoum ont été réveillé-e-s par des tirs et des explosions. La guerre venait d’éclater entre l’armée soudanaise et les RSF. Qui a tiré la première balle ? On ne le sait toujours pas. Pour la première fois dans l’histoire du Soudan, la guerre a éclaté dans la capitale, à proximité du palais présidentiel. La sidération était totale. Pensant que les affrontements dureraient à peine quelques heures, nombreux sont ceux à avoir quitté leurs maisons en imaginant y revenir le soir même. Mais ils ne sont jamais revenus.

La sidération s’est poursuivie dans les jours suivants. L’attention de la communauté internationale (États-Unis, pays européens et pays du Golfe) a principalement porté sur l’évacuation de leurs ressortissants. Le départ des étranger-e-s issu·e·s de ces pays a été vécu par la population soudanaise comme un abandon de la communauté internationale. Les Soudanais-e-s et les étranger-e-s d’autres nationalités qui n’avaient pas été évacué-e-s (notamment africaines) sont resté-e-s livré-e-s à eux-mêmes, au milieu des combats.

Entre massacres à répétitions et tentatives de négociations : synthèse d’une année de guerre
Pendant plus de trois semaines, la capitale et plusieurs villes du Darfour (Nyala, Al Fasher) et du Kordofan (Al Obeid) ont été soumises à des combats ininterrompus entre les bombardements de l’armée et les tirs des RSF. Les habitant-e-s ont rapidement témoigné sur les réseaux sociaux de cambriolages, de vols, et de viols de la part des soldats des RSF, mais aussi des militaires. Les Soudanais·e·s ont continué à quitter massivement leurs maisons, pour aller depuis la capitale vers la province (Wad Madani, Gezira, Port Soudan) mais aussi vers l’Égypte et l’Éthiopie, le Tchad et le Sud du Soudan.

En mai 2023, des négociations ont eu lieu à Djeddah avec la médiation des États-Unis et de l’Arabie Saoudite. L’objectif était de rassembler les deux généraux autour de la table. Mais l’initiative était vouée à l’échec : les RSF débutaient – au même moment – un massacre (qualifié de génocide) à Al-Geneina, ville frontière avec le Tchad, située au Ouest Darfour[1].

Le massacre d’Al-Geneina prolonge ainsi l’histoire des génocides au Darfour qui ont eu lieu au début des années 2000, avec le soutien de l’armée et du gouvernement d’Omar El-Béshir. Musab, militant soudanais en exil, pointe ainsi du doigt la double responsabilité des RSF et de l’armée dans ces massacres :

« Les militaires sont complices de tout ça, même durant le génocide au Darfour en 2003, ils étaient témoins du massacre. Les milices permettent à l’armée soudanaise de rejeter sur elles sa responsabilité. Les militaires sont censés être le premier groupe qui évite d’entrer dans une guerre, mais au Soudan c’est le contraire. »

En décembre 2023, la ville de Wad Madani est tombée aux mains des RSF, après que l’armée ait une nouvelle fois abandonné la population locale. Les destructions, bombardements, vols, pillages, se sont poursuivis dans tout le pays, s’étendant progressivement du Darfour et de la capitale vers le centre et l’Est.