Novembre 2019 Soudan, une révolution bourgeoise ?

Nouvel épisode du cycle des mouvements démocratiques bourgeois en Afrique

Mouvement Communiste/Kolektivně proti Kapitălu

Malgré l’émergence de luttes de classe défensives et l’existence de tendances libertaires au sein du mouvement démocratique bourgeois, la résultante est encore une fois la restructuration à chaud de l’État du capital en l’absence de tout mouvement politique prolétarien indépendant. Comme en Algérie, le mouvement est interclassiste, aspire à plus de libertés dans le cadre incontesté du capitalisme, est marqué par une forte participation des étudiants et des femmes et s’accompagne, quoique dans une moindre mesure, de mobilisations sur les lieux de production. Pour l’heure, les islamistes sont hors-jeu.

Une contestation massive, sociale et libertaire

Le mouvement de contestation a démarré le 18 décembre 2018 par des luttes revendicatives classistes lorsque le gouvernement soudanais, confronté à une économie en recul, à un effondrement de sa monnaie et à une inflation proche de 70 % sur un an, a imposé des mesures d’austérité et réduit les subventions étatiques sur le carburant et le pain 2 . Une vague de protestations massives s’est ensuivie dans tout le pays.

Les premiers cortèges et rassemblements ont lieu dans les villes d’Atbara et de Port-Soudan avant de gagner l’ensemble du territoire et en particulier la capitale, Khartoum. Des manifestants de toutes les régions soudanaises rejoignent cette dernière, dépassant, pendant un temps, les logiques tribales qui innervent la formation sociale soudanaise. La contestation s’étend aux provinces du Darfour, de l’Al-Jazirah, des Kordofan du Nord et du Sud, et du Nil Bleu. Sans surprise, les manifestants se recrutent principalement chez les tribus sédentaires, les nomades étant en majorité fidèles au régime. Si la révolte cible d’abord les coupures d’électricité, la pénurie de produits de base et, 1 Le Soudan est un pays où les luttes de classe défensives et les aspirations libertaires se sont exprimées à maintes re- prises depuis l’indépendance, en 1956. Les mouvements de 1964, 1969, 1971, 1985 et plus récemment de 2013, ont été souvent réprimés dans le sang.

Ces épisodes éruptifs ont été suivis de longues périodes de dictature. 2 Le prix du kilo de pain triple alors, passant de 1 à 3 livres, soit de 2 à 6 centimes d’euro. plus globalement, la dégradation des conditions de vie – les manifestants réclament des augmentations de salaire3 –, la dynamique du mouvement le porte toutefois à se doter de revendications politiques de nature démocratique bourgeoise. Les demandes en faveur d’un État laïc débarrassé de l’islam politique, assurant la liberté d’expression et organisé sur la base du parlementarisme, prônent aussi l’égalité entre les hommes et les femmes et décrètent la guerre à la corruption.

En un slogan, les Soudanais dans la rue réclament « liberté, paix et justice » ainsi que la fin immédiate du régime militaire.

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