« Je suis recyclable » est le titre accrocheur d’une campagne publicitaire de la Coordination Rochelaise du don d’organes, que l’on peut voir sur les panneaux de Charente-Maritime actuellement. Le message en est clair, mes organes peuvent sauver une vie, réparer une blessure, être utile à d’autres quand je serai cliniquement mort.
J’essaye aujourd’hui de comprendre, pourquoi cette campagne provoque chez moi un malaise, pour ne pas dire un rejet, alors même que je devrais être tout ce qu’il y a de plus ouvert sur le sujet. Pourquoi je me sens d’un coup réactionnaire devant ce slogan : « Je suis recyclable ».
Tout est pourtant vrai dans cette affirmation le corps humain est recyclable, après la mort le processus de décomposition le réduit à de nouvelles molécules assimilées par le milieu naturel, biodégradable à 100 %...
Non, ce n’est pas ça.
Je cherche encore, c’est ce mot : recyclable, appliqué à l’homme alors que la définition précise que nous donne Larousse du recyclage est : Ensemble des techniques ayant pour objectif de récupérer des déchets et de les réintroduire dans le cycle de production dont ils sont issus. Production, technique, je me rapproche de quelque chose, l’application à l’homme d’un mot conçu pour des intérêts industriels et capitalistes où derrière le mot recyclage se cache la notion de déchets mais aussi de tri, de sélection.
A présent, je sais. Ce rejet presque viscéral est intimement lié, depuis la photographie du personnage nu, jusqu’au champ lexical du recyclage, à l’empreinte, ou plutôt la blessure en moi de la Shoah.
Ce que je vois sur l’affiche, ce que je lis, moi et moi seul -et en cela je ne fais ici nulle critique de cette campagne ni de son objectif fort louable- c’est Auschwitz, ce sont des files de gens nus courant à l’été 1944 vers la mort, eux aussi sont recyclables, leurs cheveux, leurs dents en or, leurs vêtements, eux aussi ont été triés, sélectionnés, et bientôt ne seront plus que des pièces (stück) ce qui n’est qu’un synonyme de déchet.
Ce que je vois dans cette affiche et qui n’a rien à voir avec elle, est une image de cauchemar.
Thierry