Jean-Manuel Traimond. Photos Christiane Passevant
Les limbes de Paris
Guide méchant [et parfois moche] de Paris

C’est en ces termes que Hugo décrivit la première zone, autour des fortifications de Thiers.

René Sédillot décrit l’un des mécanismes qui conduisirent à l’installation, au XIXe siècle, des industries autour de Paris, dans ou à côté de la zone :

« En certaines bourgades surgissent des « manufactures » surtout au nord, qui est le côté du charbon et des ports. Ce n’est pas que la région parisienne se découvre brusquement une vocation industrielle : elle demeure un marché de consommation. Mais, puisque ce marché est de plus en plus vaste, les producteurs jugent avantageux de s’installer au plus près de leurs clients. Ils ont commencé par monter des entreprises textiles, pour vêtir la capitale. Le textile appelle des blanchisseries, des teintureries — naissance de l’industrie chimique — , des machines à filer — naissance de l’industrie mécanique. De proche en proche, la gamme des usines s’étend.

Saint-Denis illustre ce processus : à la vieille foire du Lendit, on vend traditionnellement des moutons. Ce qui entraîne l’implantation d’un tissage de laine, puis de coton. À sa suite apparaissent, d’une part une usine de peignes à tisser, d’autre part une imprimerie sur étoffe, et, pour les besoins de l’imprimerie, une fabrique d’encre. La chimie est dans la place : des Anglais créent sur la route du Lendit une usine d’acide sulfurique qu’acquiert la société de Saint-Gobain. Tel est l’engrenage industriel, qui voue les paysages de banlieue à la désolation. »

André Wogenscky, dans Architecture active (Casterman), après une longue et belle méditation sur les pouvoirs de la forme, de la forme architecturale sur l’homme qu’elle abrite, sur la ville, tissu granulaire que l’architecture peut rendre trop serré, ou trop lâche, trop âpre ou trop mou, dit ceci des banlieues, et l’on a du mal à croire qu’il ne pense pas à celles de Paris : « On voit notamment ces banlieues relâchées, sordides, tissus spongieux et mous que le flux n’atteint qu’à l’extrême, sans pression et sans tension. On dirait que la vie n’y circule presque pas, la cohésion sociale est nulle, la pensée collective n’existe pas. On croit voir une maladie de peau qu’aurait la terre. »