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Fabien Ollier
Corps de coupe et coupe du corps
Article mis en ligne le 17 juillet 2010
dernière modification le 6 juillet 2010

Intervention de Fabien Ollier lors d’une conférence sur le sport et le football.

Du 11 juin au 11 juillet prochains se déroulera une nouvelle Coupe du monde de football, cette fois dans un pays totalement ravagé par la corruption, la misère sociale et sexuelle, le gangstérisme maffieux et le racisme post-apartheid : l’Afrique du Sud de Jacob Zuma. Déjà, le monde entier s’agenouille devant le dieu massacreur du cuir, des crampons, des protège-tibias, des tacles, des shoots, des coups de boule et des machines à frapper multimillionnaires ! Pour commencer, brisons donc quelques illusions dévotes en mettant en exergue les principales caractéristiques de cette « fête du ballon rond » et de cette « liesse populaire » comme disent tous les commentateurs crétins qui ont régressé au stade baballe.

1- Le capital le plus prédateur ainsi que toutes les maffias du monde vont s’abattre sur l’Afrique du sud comme les prêtres catholiques sur les enfants de chœur afin de tirer le plus de profits possibles de cette grande mensualité commerciale. Les retombées économiques pour le peuple seront comme d’habitude mineures voire nulles. L’endettement des finances publiques sera encore creusé en raison des dépenses pharaoniques et mégalomaniaques engagées par Zuma et ses nervis pour plaire à la FIFA et paraître aux yeux du monde le pays de la plus belle coupe. En clair : les riches vont s’enrichir et les pauvres s’appauvrir. Les délires collectifs et les grandes communions éthyliques autour des bafana-bafana dresseront devant cette sombre réalité un voile mystico-magique infantile et régressif. Mais tant que le ballon rond servira de fétiche à tout un peuple, au moins ne se révoltera-t-il pas contre les exploiteurs, les profiteurs et les vendeurs d’opium.

2- La police et tout un arsenal sécuritaire vont être déployés afin de canaliser les violences multiples des meutes et des hordes d’abrutis venus encourager leurs équipes de mercenaires en crampons. Le risque d’actes terroristes étant très élevé, sans parler des violences ordinaires dans les townships, les pouvoirs publics n’ont pas lésiné sur les moyens. Les villes sont quadrillées, le peuple est sous surveillance, les crasseux sont parqués loin des stades rutilants construits à la va vite par des ouvriers sous-payés. Non seulement les fanas de foot videront leurs fonds de poche pour aller au stade, acheter de l’alcool et faire des paris sportifs mais encore seront-ils fliqués, fouillés, contrôlés sans cesse. Sous prétexte d’une « fête mondiale », c’est l’État policier, l’État big-brother qui progresse. À l’hygiénisation des rues correspond le lavage de cerveaux et l’asservissement de toute une population aux ordres des milices armées jusqu’aux dents.

3- La mobilisation de masse des esprits autour de onze idoles aura des effets psychologiques de foule sur l’ensemble du corps social de chaque pays participant. Les matches seront comme d’habitude l’occasion de scènes d’hystérie collective qui fourniront toutes les possibilités de manipulation affective pour les forces politiques en place. C’est la raison pour laquelle le football, notamment à l’occasion des coupes du monde, est un élément de fascisation idéologique et pulsionnelle considérable. L’osmose totale d’une seule foule criant sa joie de la victoire nationale à la face d’un régime est le symbole même de cette mise au pas fascisante. Le ballon rond est donc aujourd’hui le meilleur exportateur du fascisme quotidien sur la planète. Il est fort à parier que de vieux réflexes de l’apartheid ressurgiront à l’occasion de cette folie politique.

Pourtant, en France, tout le monde s’y prépare, les journaux ne parlent que de ça, la tension monte dans la République transformée en « stadio communale ». Rama Yade a appelé le peuple français à une
« mobilisation totale » en ce sens que nous devons tous devenir le 12e homme de l’équipe de France. C’est une question de civisme et d’identité nationale. Nombreux, de l’extrême à gauche à l’extrême droite, en sont d’ores et déjà ravis ! Besancenot, déjà grand fan du PSG, ce club de néo-nazis contrôlé par des maffieux multimilliardaires, ne voit sûrement pas plus de contradiction à soutenir l’équipe de France pour le bien des prolétaires qu’à présenter une candidate voilée pour la libération des femmes. Buffet, déjà peinturlurée bleu-blanc-rouge en 1998, va ressortir écharpes et trompettes et faire du ballon rond, « source de rêve incomparable », le petit père des peuples paupérisées.

Le couple à trois Bové, Cohn-Bendit, Joly, sous la direction de Dany le shooté du shoot, ne manquera sûrement pas de mettre le nez dans le gazon et de sniffer quelques lignes blanches. Les fêtes nationalistes et beuglantes, c’est tellement peuple et terroir ! Aubry rejoindra tout ce beau monde pour célébrer l’extase citoyenne du sport, la valeur d’exemple des joueurs, l’éthique du « vivre ensemble » du sport. Et là, en plein mois de juillet, quand les meneurs syndicaux seront également rivés à leurs écrans pour soutenir les Bleus, nous saurons que personne ne sauvera le régime des retraites ! Pas même le nouveau philosophe Lilian Thuram ! L’appel de Yade qui sera bien sûr relayé par Sarkozy en temps voulu n’a suscité aucun commentaire, aucune critique mais un consensus fort fondé sur le rêve d’une nouvelle victoire de la France, avec défilés sur les Champs-Élysées, écrans géants sur les grandes places et tout un peuple bariolé scandant « on a gagné » avec deux ou trois grammes d’alcool par pantoufles. Voyons ce qui va se passer, encore une fois dans l’indifférence générale des soi-disant « penseurs critiques » pour qui les aventures de la marchandise ou les idéologies politiques du capital s’arrêtent aux grilles des stades. Voyons ce qu’est le sport en tentant de comprendre ce qu’est le corps sportif, cette masse de corps pour un corps de masse.

Chaque été donne l’occasion d’une propagande sportive monumentale et totalitaire. Un véritable viol des foules dirait Serge Tchakhotine, aux effets socio-politiques fortement opiacés, anesthésiants, aliénants et régressifs. C’est le temps des foules compactes et des meutes grégaires, des hordes de supporters, des multitudes unies dans la bêtise alcoolisée, l’esprit de corps et d’équipe, l’adulation sectaire des idoles de pacotille. C’est le temps de l’uniformité, du mimétisme, de la répétition monomaniaque, du déchaînement des pulsions sous contrôle policier et marchand. Les grands circus des demi-monstres survitaminés s’installent pendant plusieurs mois et colonisent tous les espaces, publics comme privés, dans un grand élan unanimiste et consensuel, laissant le champ libre aux projets politiques les plus ravageurs et aux agencements économiques maffieux et prédateurs. Après tout, le cuisseau de Lance Armstrong, le pectoral d’Alain Bernard, les panenkas de Benzema valent bien la retraite à 67 ans, la casse du service public, l’État policier, le réchauffement climatique et en guise de réflexion un débat sur l’identité nationale ou sur le but crapuleux de Thierry Henry ! Quand les traditionnels méga-show-business du muscle
et de l’engrais pour plantes carnivores viennent exercer leur OPA sur
les « temps de cerveaux disponibles », va y’avoir du sport, abrutissement garanti ! Roland-Garros, Tour de France, courses mécaniques, corridas, football, natation, athlétisme et tutti quanti... quand ce ne sont pas les shoots hyperdosés des Coupes du monde de football ou de Rugby, ou encore les inamovibles Jeux olympiques fêtés comme il se doit, dans l’opulence obscène et la gabegie crasse, par tous les pays aux grandeurs décadentes. L’exploitation capitaliste et tous ses processus de réification et d’aliénation dans et hors du travail ont ainsi la voie libre : l’opium du peuple passe en intraveineuse et tout le monde en redemande, surtout en temps de crise où il faut bien s’évader un peu !

Pour que les sportifs viennent auréoler de transpiration nos vallées de larmes, les pharmacies sont pleines, les réseaux de trafiquants en pleine ébullition, les distributeurs sont ouverts : les brutes ruminantes du record ont de quoi brouter, s’auto-transfuser, se piquouser et sniffer pour toute une saison, bien à l’abri des prétendus « contrôles antidopage » qui ont volontairement ou non au moins une guerre de retard en la matière. Qu’il suffise de se rappeler que c’est sept mois après la clôture des Jeux « les plus propres de l’histoire », selon l’habituelle morgue des dignitaires du régime massacreur de Pékin, que six athlètes (Ramzi, Rebellin, Schumacher, Tsoumeleka, Perisic, Contreras) étaient enfin pincés pour usage de Cera (EPO troisième génération) portant de 9 à 15 le nombre de « tricheurs officiels »… Comme si les concurrents de ces machines de guerre fabriquées pour la gloire d’un pays tournaient quant à eux bien sagement à l’eau claire ! Qui peut bien encore avaler cette pilule sinon les légions envahissantes de dopés de la dupe ?

« Chargés » jusqu’au dernier globule, les mules sportives font donc « rêver » tous les petits junkies de la gloire, du fric, du pouvoir, de l’égoïsme et du mensonge, ainsi que tous les déprimés de la réussite personnelle, du vedettariat facile et des exploits insensés. Même Michel Onfray, le rebelle médiatique, l’icône girouette d’une gauche libertaire et hédoniste décomplexée du slip, se met à encourager fiévreusement Lance Armstrong, le symbole exemplaire du sado-masochisme, du cynisme vulgaire, du corps haineux, de l’impuissance sexuelle et du sport, drugs & business (dans Siné hebdo, n° 45, 15 juillet 2009, il conclut un article d’une rare médiocrité intellectuelle par un acnéique « Vas-y Lance, fais les bisquer une fois encore » ; ou quand le philosophe-volcan est victime volontaire d’un « cancer du col »…).

Les athlètes génétiquement modifiés sont en cours de réalisation, en phase test. Selon Gérard Dine, professeur de biotechnologie à l’école centrale, qui n’est généralement pas le premier à tirer les sonnettes d’alarmes, « ils existent peut-être déjà. Techniquement, c’est accessible. Et pas plus cher que les procédés actuels. […] Nous pourrions voir des footballeurs courir plus vite et plus longtemps, frapper plus fort, sauter 3 mètres en hauteur ! ». Bonjour les cancers et les trous de la sécu ! Le vice-président de l’Agence mondiale antidopage, confiait même que, dans le cadre de cette course mondialisée à l’armement post-humain, « certains scientifiques ont été sondés par des membres de la communauté sportive ». En plus de l’insuline, de la testostérone, de l’hormone de croissance, de la cocaïne et de l’EPO, les centrifugeuses pour autotransfusion sont déjà en location pendant toutes les quinzaines commerciales du vélo : elles passent de main en main, comme Bernard Kohl, contrôlé 200 fois « négatif » et gaulé récemment, l’a méticuleusement expliqué aux journalistes. Le Repoxygen, gène médicament qui contient une copie du gène humain de l’EPO, ou d’autres produits développés par des centres de biotechnologie spécialisés dans les thérapies géniques, circulent via internet d’entraîneurs bienveillants à entraînés volontaires et suscitent une demande de plus en plus incontrôlable. Tous corrompus jusqu’à l’os, les labos antidopage analysent au préalable les échantillons sanguins des supermulets afin qu’ils sachent jusqu’où pousser le bouchon sans se faire prendre. Et si tel était malheureusement le cas pour le plus crétin ou le plus naïf de tous, qu’importe : une amende symbolique, une claque sur le cul et le petit hamster noir retourne pédaler dans sa roue dorée, sous les regards fiévreux des caïds du business sportif. En plus des cobayes humains, les chevaux de course servent aussi très probablement d’avant-garde à cette sordide expérimentation sans frontière des limites du corps biologique : aux États-Unis, en Floride, 21 chevaux sont morts d’un seul coup sur un terrain de polo après avoir ingurgité un « cocktail chimique » à base de stéroïdes. Souvenons-nous qu’aux J. O. de Pékin, plusieurs chevaux avaient été contrôlés positifs, « à l’insu de leur plein grès »…

Dans ce contexte de plus en plus mortifère, les récents aveux tantôt pathétiques tantôt burlesques des ex-drogués du sport signalent bel et bien l’entrée dans une nouvelle ère : celle du mutant, celle de l’alien sportif. Permettez-moi de citer ce témoignage de Dwain Chambers, ex-Monsieur 100 mètres : « À peine quatre mois après avoir commencé mon programme pour devenir l’homme le plus rapide du monde, je prenais des drogues chaque jour. J’étais quasiment devenu un junkie. J’étais testé assez souvent, mais je n’étais jamais contrôlé positif. […] Je me rendais compte que je ne faisais pas attention à moi. Mon corps rejetait ce que je prenais, mais j’ai continué jusqu’à ce que je me fasse attraper. Quel fou j’étais ! En octobre, je me suis injecté des substances 21 fois. Pas seulement du THG, de l’EPO ou du HGH, mais aussi de la testostérone pour m’aider à dormir et réduire mon cholestérol, ou de l’insuline. […] Le jour de noël, alors que j’étais assis dans la salle de bain en train de me faire une piqûre de THG, j’ai réalisé que je prenais des drogues, plus de 300 différentes, depuis 12 mois. Lorsque j’étais clean, mon record sur 100 m était de 9”97. Une année plus tard, après des nuits sans sommeil, l’angoisse, la douleur des crampes d’estomac, les nombreuses prises de sang, l’irrégularité de mes résultats et la déception de manquer plusieurs courses, j’avais réussi à courir en 9”87. Je me demandais pourquoi je m’étais infligé tout ça à moi-même. Ma motivation venait de mon contrat avec Adidas (282 200 dollars, soit 224 000 euros) qui stipulait que si je sortais du top 3 sur 100 m, je perdais la moitié de mon salaire, alors je me convainquais que me doper était la chose à faire » (L’Équipe.fr, 3 mars 2009).

Les sportifs que l’on voit tous les jours en train d’agiter bêtement leurs masses musculaires pour gagner des tas de courses ou de matchs répétitifs et infantilisants, ou bien livrer à l’aide d’un vocabulaire d’équarrisseur leurs états d’âmes d’australopithèques et leurs recettes de bien-être fortuné à une populace abonnée aux bonheurs illusoires, ces sportifs donc, que tout le monde connaît qu’il le veuille ou non, offrent à présent les modèles dominants du corps parce que l’institution matériellement dominante, financièrement dominante, technologiquement dominante et « conceptuellement » dominante au sujet du corps c’est l’institution sportive. Telle une pieuvre dont les tentacules se sont historiquement mêlées à celles de la pieuvre de l’économie capitaliste, celle-ci s’est emparée au fil du XXe siècle de tous les secteurs de la vie et de l’énergie du vivant. Tout ce qui palpite tombe sous sa coupe, tout ce qui bouge, tout ce qui fait mouvement est immédiatement phagocyté par ses diverses organisations, par son anthropométrie compulsive, par ses innombrables idéologies corporelles fascisantes et bien entendu par ses multinationales maffieuses qui imposent au monde entier le spectacle crétinisant d’un nouveau produit de masse : celui de la belle brute lobotomisée, incarnat désincarné de la positive attitude. Nonobstant ses aspects les plus mercantiles qui présentent chaque jour au bon populo exploité la nouvelle « idole de masses » procurant l’extase illusoire de la victoire, ce procès de sportivisation du corps vivant peut se résumer en une seule formule marxienne : il s’agit en fait d’une vampirisation de la force humaine pour créer une valeur marchande spécifique, commercialisable par tous et partout : le record ou la performance sous la forme d’une victoire face au temps, face à l’espace, face à d’autres individus et toujours face à soi-même. En effet, en tant que marchandises vivantes mondialisées et hypermédiatisées, les corps sportifs offrent tous les jours le spectacle bestial du muscle massif et agressif, du mental de vainqueur et du langage évidé – voire totalitaire. La force vive, généralement dopée de multiples manières pour valoriser la performance coûte que coûte, par-delà les limites, subit diverses opérations de mortification, d’abstraction, de réification. Managée, coachée, entraînée, mesurée, boostée, carénée, vitaminée, génétiquement modifiée, cette force est en réalité séparée du tout que forme l’individu vivant plongé dans des rapports sociaux particuliers et conflictuels.

Cette séparation du corps de ses déterminations ontologiques et historiques se déroule dans le cadre d’une fuite en avant insensée, irrationnelle et souvent suicidaire, encadrée technologiquement par les multinationales les plus prédatrices du marché mondial. La force vive, le mouvement subjectif, la chair pathétique et affective de l’individu, la palpitation paradoxale du corps vivant qui se donne à soi pour devenir subjectivement un habitant singulier et sensible de la Vie et du monde, devient une chose objectivée, comptabilisée, domestiquée, qu’on fait fructifier le plus possible : en gros, c’est un capital qui rapporte. Devenue paramètre, devenue mécanique complexe qui produit des records à battre dans le cadre d’une compétition réglementée universellement, la force vive du corps devient le cadavre du temps, le fantôme de l’espace, le mort-vivant plongé dans un jeu de massacre contre tous les autres zombies. Corps disproportionné, corps tuméfié, corps saccagé, corps de douleur permanente, corps-biomachine de guerre, corps évalué en permanence, corps castré spirituellement, corps impersonnel, finalement corps sans corps vécu par un sujet sexué, désirant et conscient, le corps sportif est finalement une vie qui ne vit plus : c’est une abstraction sur pattes, sans affect ni pathos, à peine une tranche de vie aussi vite oubliée qu’elle fut portée en triomphe sur les étals bouchers de la foire aux bestiaux. Ce modèle de séduction du champion sportif à moitié crétin, dont le corps-machine n’appartient qu’à des machines à influencer (des entraîneurs, des médecins, des coachs, des appareils de musculation, des systèmes d’optimisation des ressources, des sacoches pharmaceutiques, des répertoires techniques, des programmes nutritionnels, etc.), ce modèle complètement liberticide qu’est le corps du record agit en profondeur, notamment sur la jeunesse qu’il contamine par toutes les images de réussite musculaire égoïste et de courses suicidaires à l’exploit.

Mais en tant que base anonyme d’une pyramide au sommet de laquelle se trouve l’exploit du mérou chloré, du bison peu futé ou de la brutasse épaisse monomaniaque, les corps des sportifs amateurs ou du dimanche offrent aussi le carburant indispensable à toute cette machinerie barbare de la compétition de tous contre tous. En clubs ou seuls autour de leurs parcs à tenter de perdre des kilos ou « garder la ligne », tous les pratiquants de sport inscrivent en code binaire au plus profond de leurs muscles la logique du gagnant et du perdant, du fort et du faible, de l’efficace et de l’inefficace, de l’objectif atteint ou non, du temps et de l’espace quantifiés puis thésaurisés en valeurs abstraites que l’on pourra ensuite monnayer sur les marchés du travail, du loisir ou de la communication. Tout se passe comme si la seule valeur d’usage du corps sportif de l’homme du commun était de servir de référent aux différents échanges avec toutes les valeurs d’échanges possibles sur le marché. Amateurs ou professionnels, les sportifs intègrent le fait que leur corps performant et « en forme » est un secteur de fructification des échanges marchands. Tous les sports, du cyclisme à la natation en passant par le surf ou le deltaplane, produisent des corps vectorisés par la performance, où tout un catalogue de bonnes techniques, de bonnes postures, de bonnes attitudes doit être intériorisé pour réussir. Ici, il faut se contracter, là il faut se raidir, là s’assouplir, ici aligner les segments, ici gagner en VO² max, là perdre en graisses, là renforcer tel trait de la personnalité ou en évacuer tel autre, ailleurs il faut suivre le chemin de propulsion, ou encore programmer des actions motrices sans parasitage, et partout il faut suivre obstinément, sans jamais se poser de questions, les lois de la performance édictées par toute une ingénierie scientiste et déterminées par l’histoire d’une bureaucratie de l’ombre qui institue chaque sport de compétition dans ses moindres détails.

Or, ce catalogue rattaché à chaque organe traité comme une machine (machine pulmonaire, machine musculaire, machine neuro-cérébrale, machine urinaire, etc.) n’est évidemment pas neutre, mais il témoigne au contraire d’une vision du monde où le corps vivant, vécu subjectivement, pathétiquement et émotionnellement par l’individu, fait l’objet d’une haine féroce. En fait, tout ce qui n’est pas sous l’emprise et sous l’influence du modèle sportif objectivement efficace est considéré comme un obstacle à éliminer. Le corps sportif n’est qu’un système bio-mécanique, un complexe cybernétique soumis à des lois scientifiques et dominé par l’idéologie du progrès permanent de la performance. C’est bien en ce sens que forger des corps sportifs est devenu une stratégie de pouvoir très efficace pour forger des esprits soumis/dévoués aux politiques de domination du capital qui attendent du corps une adaptation toujours plus fine aux processus de rentabilité et de valorisation de la valeur marchande.

La course aux médailles aujourd’hui planétaire recèle des enjeux de puissance politique, de réussite économique privée ou étatique mais aussi de développement des appareils techno-scientifiques tendant à modifier profondément l’être humain. Pour gagner à tout prix et établir des records toujours plus exceptionnels, tous les modes de production du corps sportif, quelles que soient les méthodes divulguées à l’est ou à l’ouest, au nord ou au sud du monde, posent des problèmes d’« usinage » (institutions totalitaires, centres secrets, unités de travail, camp d’entraînement militaires, etc.), de surentraînement précoce, de dopage, de toxicomanie, d’addiction biologique (utilisation de divers engrais musculaires, stimulants, calmants, excitants, diurétiques : stéroïdes anabolisants, éphédrine, érythropoïétine, corticoïdes, transfusions sanguines, « vitamines de l’effort », « suppléments nutritionnels », etc.) et même de modification génétique du champion (changement de sexe, trafics de cellules souche, programmes de clonage, etc.). Les entraîneurs, coachs, manageurs, experts techniques, médecins se monnayent tels des mercenaires pour vendre leurs services aux quatre coins du monde. Tous les sportifs de haut niveau sont, d’une façon ou d’une autre, embrigadés, conditionnés et traités comme des cobayes plus ou moins volontaires pour des expérimentations de plus en plus borderline. Et on ne saurait oublier le rôle des universitaires qui, dans les facultés du sport notamment, élaborent des entraînements scientifiques, des méthodes de coaching, de nutrition, de sophrologie pour « gagner », des didactiques de la performance et autres manuels techniques de pilotage du corps efficace, rentable et compétitif. Le tout est souvent assez méticuleux pour percer l’intimité la plus profonde de l’athlète et programmer jusqu’à sa sexualité en fonction des efforts à fournir le « jour j »…

Bref, le sport apparaît aujourd’hui comme un gigantesque laboratoire de supersouris, une fabrique transnationale de bêtes à record surdimensionnées et d’idoles de masse au superlatif (songeons à Usain Bolt dont le nouveau record du monde sur 100 mètres préoccupe journalistes, analystes, anciens sportifs et jusqu’aux dirigeants de l’athlétisme international qui se demandent, sans mentir, si ce genre d’exploit ne favoriserait pas... le dopage). Tout le monde est sommé de participer à ce vaste circus, chacun à son niveau. Se doter d’un corps sportif et de toutes les machines à influencer qui vont avec, c’est effectivement l’impératif catégorique pour réussir sa vie, pour la gagner, la capitaliser et la vendre comme autant de quartiers de viande dans une boucherie de supermarché. Oui, le corps sportif est en fait un corps de boucherie. Le dépassement incessant des limites par l’excès, la transvaluation des valeurs par le biais du record battu, la dénégation positiviste d’une nature humaine finie par la transformation physique et psychique infinie des champions sont autant de mythes fondateurs d’une anthropologie sportive qui remet perpétuellement en cause l’humanité même de l’homme. Chaque compétition sportive, produit de masse par excellence, se doit en effet d’être inhumaine pour donner naissance au surhumain, ni homme, ni femme (songeons au cas récent de la jeune Sud-Africaine Caster Semenya dont la démarche, la pilosité, l’envergure musculaire et le taux de testostérone se rapprochent de ceux du Bigfoot, du Sasquash ou du Barmanou...), tout entier objectivé, réifié et séparé de lui-même par son record ou sa performance.

Résumons quelques banalités de base qui remettent en cause la doxa sportive la plus largement répandue.

1- Le sport, contrairement à ce que l’idéologie dominante veut bien faire croire, n’est pas un vecteur d’éducation physique. Il est même tout le contraire : il est la négation absolue du corps subjectif vivant donc la négation pratique et déterminée de toute éducation corporelle digne de ce nom. Il s’agit d’un procès massif de valorisation objectiviste et scientiste du corps, donc d’un travail de mortification, de déréalisation et d’abstraction des dimensions vives, symboliques, imaginaires et sexuelles du corps considéré dans sa singularité transcendantale, dans sa chair, dans son âme. Il s’agit en fait d’un vaste dressage para-militaire et techno-scientifique des individus à des fins de domination politique de grands troupeaux humains. Les seules dimensions sans dimension développées de manière exponentielle dans le sport sont le muscle agressif et le cerveau reptilien de la revanche qui font simultanément régresser chacun au stade analo-destructeur de l’enfant-tyran et toute une société, réduite à un seul corps-masse, vers l’anneau concentrationnaire des stades. En somme, le sport participe d’un mouvement plus général qui caractérise bien les sociétés capitalistes : la substitution de la subjectivité incarnée par un tas de muscle sans âme ou par un cybersystème sous influence capable de performances objectives dans des conditions précises, ultracodifiées par une minorité de bureaucrates affairistes. C’est en ce sens que le sport représente un véritable danger pour l’éducation des jeunes. Il ne favorise ni leur épanouissement physique, ni leur épanouissement intellectuel, ni même leur « santé » ou leur « bien être » général. Il conduit le plus souvent vers les pratiques dopantes et addictives, vers l’entraînement intensif précoce, vers les blessures à répétition, les dépressions incessantes, vers les gangs ou mafias locales de dirigeants et entraîneurs ripoux, vers la transgression pathologique des règles et des limites, vers la violence envers l’autre (agressivité, coups en douce, etc.), l’altérité (racisme, xénophobie, antisémitisme, etc.) et envers soi-même (masochisme sportif, conduites suicidaires, morts subites, etc.). Le sport n’est donc pas un « modèle culturel » de l’humanité, « l’école de la vie » comme osent encore le dire certains hypocrites, notamment à gauche… Le sport est au contraire une stratégie de développement de la mort dans la vie, de la barbarie, de la brutalité et de la bêtise.

2- Le sport, pour employer le vocabulaire reichien, est une « peste émotionnelle ». Il produit constamment les nouvelles « cuirasses caractérielles » et « carapaces musculaires », les « nouvelles mentalités » dont nos sociétés productivistes et inégalitaires ont besoin pour persévérer dans leur être. Le corps sportif est le prêt-à-porter idéal pour assurer le bonheur et la réussite individuelle de tous les gladiateurs sommés de « gagner leur vie » au détriment de celle des autres. Dans cet univers glauque et frelaté de « passions tristes » et d’extases de victoires, les hommes sont unis en tant que séparés par la fusion mimétique de la meute supportériste ; les meuglements d’aurochs et de gnous transpirants se substituent au langage ; les gesticulations agressives de bœufs du stade enrichissent des maquignons sans scrupules. C’est pourquoi les mots de la raison critique se heurtent bien souvent à un bloc d’irrationalité agressif. D’où les réactions violentes, très violentes envers la critique du sport et envers ceux qui l’énoncent. Et voilà bien le problème : que dire aux shootés de la boxe qui se passionnent devant deux molosses écumants qui se tapent sur la gueule pour gagner une ceinture (et quelques millions) ? Que dire aux fixés de la baballe qui sont prêts à broyer l’adversaire pour marquer un but ? évidemment, de « prendre conscience » de la totalité concrète qu’est le sport, de ses fonctions socio-politiques, de ses dimensions (et non de ses dérives) fascistes, totalitaires, tyranniques, et aussi de ses effets psychopathologiques à grande échelle (bouffées délirantes des foules, pulsions destructrices, névroses obsessionnelles, paranoïas et hystéries collectives, fétichismes de tous poils, etc.). Evidemment, leur dire de sortir de la drogue sportive qui les aliène et les détourne de la possibilité d’agir individuellement et collectivement pour transformer la société dans le sens imprévisible de la vie libre. Mais comme pour toute cure de désintoxication, c’est en arrêtant qu’on arrête !

3- La démystification est certes une part essentielle de la critique du sport. (L’expérience du choc, qui est sans doute la plus efficace mais en même temps la plus personnelle, la plus intime, la plus éloignée de tout discours et de toute ratio, n’est pas de son ressort.) Il s’agit de sortir de la « pensée désirante » ou mythologique, de la mauvaise foi permanente à son sujet pour analyser concrètement la situation concrète et voir ce qui n’est que trop visible, entendre ce qui n’est que trop tapageur, réaliser ce qui n’est que trop réel. Quand, par exemple, on parle de « fraternité » ou de « paix entre les peuples » pour décrire les prétendues « valeurs de l’olympisme », on se moque évidemment du monde, on berce les gens de douces illusions ! Les faits par contre sont têtus : les athlètes parqués dans le bunker ultrasécurisé du village olympique ne fraternisent pas mais se battent pour leur pays, s’enroulent dans le drapeau national et ramènent à la maison les médailles qui serviront à glorifier le pouvoir en place. Ce sont des guerriers d’un autre genre qui se combattent âprement, au péril de leur vie à force de dopage et de préparation physique intensive. L’adversaire est la cible à abattre. Une once de fraternité dans ce monde de brutes en culottes courtes lancées toutes griffes dehors sur leur proie et tout s’écroule ! Les mercenaires du sport, ces marchandises vivantes sponsorisées par les entreprises les plus prédatrices du capital transnational, sont récompensés par leur chef d’état comme de valeureux soldats et touchent les émoluments nécessaires à leur silence au sujet de cette guerre de tous contre tous. Le cybernanthrope génétiquement modifié est l’étape supérieure dans cette quête terrifiante de l’arme absolue capable de terrasser n’importe quel adversaire. Et malheureusement les exemples ne manquent plus de ces post-humains dolichocéphales, alinguistiques, aux mâchoires d’acier et aux yeux tueurs, qui sortent piteusement leurs éprouvettes d’urine avant de pénétrer dans l’arène totalitaire des orgies sportives de la haine ordinaire !

Ce qui règne chez les « intellectuels », même « critiques », en ce qui concerne le sport c’est une morale et une esthétique de l’ambiguïté. La résistance à l’oppression sportive cède le pas aux diverses gymnastiques de la résignation. En effet, plus le sport devient monstrueux au travers des athlètes bioniques et acéphales qu’il produit à la chaîne et expose aux meutes de voyeurs comme des charolaises au salon de l’agriculture, plus ses collusions avec les pouvoirs politiques et économiques témoignent de sa nature profondément anti-démocratique, réactionnaire, toxicomaniaque et sadique, plus les violences et les atteintes gravissimes à l’intégrité et à l’intelligence des hommes apparaissent au grand jour dans des stades à feu et à sang, et moins il y a de voix pour s’élever contre ce fascisme ordinaire hypermédiatisé, ce diktat muscularo-financier du quotidien, cette mégapole de la crétinerie massifiée. Un sophisme du complexe, du paradoxe, du ni-ni, de l’équivoque ou du sfumato politique s’impose à présent dans le camp des indécis qui, souvent de gauche ou d’extrême gauche par ailleurs, préfèrent finalement retrouver de vieux complexes néo-platoniciens de fuite et d’abandon, de déréalisation et de pensées désirantes, d’abstractions métaphysiques ou d’hypostases mythiques plutôt que l’engagement dans un combat de toute urgence contre l’entreprise sportive concrète et ses effets délétères et mortifères directs. Lors des Jeux olympiques de Pékin, en 2008, Jean-Marie, moi et quelques autres avons milité au sein du COBOP pendant plusieurs années pour le boycott total de cette barbarie sous la forme de la fête. Jacques Guigou, dans un texte que nous avons publié dans le numéro 6/7 de Quel Sport ?, affirmait de manière retorse : « Boycotter ces Jeux c’est encore défendre le sport qui…serait plus “libre” ailleurs ». Cette sophistique lui a permis de ne rien faire, comme tant d’autres « critiques », pour empêcher que des militants des Droits de l’Homme ne se fassent désosser pendant qu’Usain Bolt établissait ses fabuleux records. Quelles leçons en tirer pour mettre en œuvre collectivement et au plus vite le boycott des Jeux de Sochi ?

A l’inverse, le COBOP fut une critique en actes. Le boycott des Jeux de Pékin impulsé et soutenu pendant deux ans par le COBOP a été une action politique in situ, une pratique de la théorie et une théorie de la pratique antisportive indissociables d’une éthique de la résistance au totalitarisme et d’une critique précise des collusions institutionnelles, idéologiques, économiques et maffieuses des régimes totalitaires avec les milieux sportifs. Le COBOP a mis en actes cette critique ultra-minoritaire au cœur même de la mêlée olympique, envers et contre tous les incalculables imposteurs de « l’idéal sportif » ou de la « culture sportive » — complices et collaborateurs zélés du régime massacreur de Pékin — mais aussi envers et contre tous les usurpateurs demi-critiques, les bonimenteurs à cothurnes subversifs, les touristes de l’alternative, les cohortes de contemplatifs professionnels, les jeunes gardes « révolutionnaires » vieilles avant de naître et les vieux de la « révolution permanente » qui fêtent à présent la « jeunesse sportive » enrégimentée.
Pourtant, nul ne saurait nihiliser le fait même du boycott. Rappelons-le puisque la question de l’action est au cœur de cette conférence : depuis le mois de septembre 2006, date à laquelle l’organisation Reporters sans frontières, elle aussi gagnée par les vibrations sportives, commençait à infléchir sa ligne politique du boycott total des Jeux de Pékin soutenue pourtant dès l’année 2001 et s’engageait sur la voie médiane des « 8 revendications réalistes » auprès des professionnels de l’arnaque Hu Jintao et Jacques Rogge, un seul mouvement a lutté pour le boycott pur et dur des Jeux de la tyrannie chinoise : le COBOP. Fondé durant les mois de septembre-novembre 2006 sous l’impulsion Jean-Marie Brohm et moi-même lors de réunions qui rassemblaient le plus souvent des personnes depuis longtemps engagées dans la théorie critique du sport, sympathisantes de celle-ci ou prétendant en être proche, ainsi que des militants syndicaux ou associatifs, le COBOP s’est inscrit dès le début dans la continuité de la critique radicale du sport marquée par une succession de revues « historiques » (Partisans : Sport, culture et répression, Le Chrono enrayé, Quel Corps ?) et de campagnes militantes signifiantes — Comités anti-olympiques en 1968 et 1976, Boycott du Mundial en 1978 (COBA), Boycott des Jeux de Moscou en 1980 (COBOM), Boycott du Paris-Dakar, Boycott de la Coupe du monde de football en 1998 (COBOF), Campagne contre la candidature de Paris aux JO de 2012 (CAJO), etc. — initiatives qui ont permis de porter la critique du sport sur la place publique. Mais la critique du totalitarisme chinois, la défense des Droits de l’Homme en Asie, la solidarité envers les victimes de l’oppression sanguinaire du régime de Pékin ont aussi très largement conditionné les prises de position et les initiatives du COBOP — au grand dam de certains crypto-anarchistes maximalistes, incapables évidemment de penser dialectiquement la singularité d’un événement et la différence entre un régime démocratique bourgeois et un régime totalitaire !

Malgré de nombreux points de désaccords stratégiques et politiques qui s’avèreront être, au fur et à mesure des luttes concrètes, des motifs de scissions, d’activités fractionnelles ou vampiriques voire de démissions des uns et des autres, une campagne pétitionnaire était lancée avant la fin de l’année 2006 auprès de nombreux intellectuels, d’associations de défense des Droits de l’Homme, d’organisations humanitaires, politiques et syndicales, du mouvement sportif, des journalistes et des citoyens sur la base d’un texte de compromis intitulé : « APPEL AU BOYCOTT DES JEUX OLYMPIQUES DE PÉKIN 2008. Non au consensus autour des J. O. ! Non à la contribution française à la tyrannie d’État chinoise ! » Rares sont ceux qui l’ont signé dans cette salle…

Suite à cela, le COBOP orienta ses efforts dans plusieurs directions : la constitution de sections locales dans les diverses régions de France, l’internationalisation du mouvement de boycott par la diffusion à l’étranger de l’appel, l’information des citoyens sur les raisons du boycott par le biais des médias, l’organisation de manifestations, la production et l’envoi de tracts circonstanciés, de dossiers documentés, de livres et de revues (aux élus, aux parlementaires, au gouvernement et au Conseil de l’Europe, aux fédérations sportives, au CNOSF, au CIO, aux organisations politiques et syndicales, aux associations de défense des droits de l’homme, aux intellectuels, etc.). Très vite replié sur son noyau actif (le groupe Quel Sport ?) pendant que les « cancers intérieurs » (Sartre) et autres parasites anarcho-syndicalo-illusionnistes de la pseudo-critique se lamentaient de ne pas savoir photocopier des tracts, fabriquer des banderoles ou trouver les lieux de manifestation, le COBOP n’a jamais cessé d’intervenir en fonction des rapports de force hic et nunc, en fonction des revirements de situation géopolitique touchant l’organisation des Jeux, en fonction des déplacements nets ou imperceptibles des lignes de défense de l’idéal olympique, de « l’ouverture de la Chine » et autres idéologies crasses au service du spectacle totalitaire des Jeux de la honte. Alliances conjoncturelles, compromis tactiques, modifications ou ajustements stratégiques furent nécessaires pour mener une guerre de mouvement ultra-minoritaire dans le cadre inébranlable d’une guerre de position contre l’horreur olympique chinoise et la tyrannie du sport-spectacle capitaliste.
C’est donc seulement dans les 7 premiers numéros de la revue Quel Sport ? que l’on trouve de quoi comprendre et dénoncer dans un même geste critique la machinerie olympique totalitaire chinoise. Nul autre bulletin collectif ne vit le jour pour fédérer les contestations, parce que toutes celles qui ont refoulé, scotomisé ou censuré le COBOP furent in situ factices, abstraites et fantaisistes. Voilà qui devrait au moins servir de leçon pour mettre en œuvre collectivement et au plus vite le boycott des Jeux de Sochi.