
Loin de se douter de ce qui s’était déroulé au QG des cyborgs, Jean-Marc flottait toujours dans ses interrogations. Pour ne pas céder à paranoïa, il décida de poursuivre sa vie de solitaire et de retourner à pied à la plage. Le sud de la ville était comme morte. Le semblant d’activité habituelle, déjà fort réduite depuis le Grand renversement ne se limitait ce jour-là, qu’à quelques rondes de patrouilles de trans, téléguidés par des cyborgs qui paraissaient un peu nerveux. Arrivé à Faliro, Jean-Marc remarqua que les travaux en bord de mer avaient cessé. Le grand chantier était abandonné. Le vent de sud-est roulait de grosses vagues chahuteuses. Depuis tout petit, il adorait se laisser bercer par elles. Il était depuis un moment dans l’eau lorsqu’il aperçut en ce début d’automne, le soleil qui commençait à baisser, aussi se dépêcha-t-il de regagner son appartement avant le couvre-feu. Près de son domicile, il fut tout-à-coup percuté par un trans qui n’avait pas dû l’apercevoir et bien évidemment ne s’excusa pas. Jean-Marc était depuis longtemps habitué au manque de politesse légendaire des Athéniens et ce, visiblement depuis l’antiquité, comme il l’avait relevé en lisant les Petites chroniques athéniennes de Jeanne Rocques-Tesson.

Il n’attendait donc aucune excuse tandis qu’il se relevait et que le trans avait disparu. Dépité Jean-Marc rentra chez lui. En se déshabillant pour prendre sa douche, quelle ne fut pas sa surprise de voir tomber de la poche gauche de son bermuda, un petit mot plié en huit ! « Encore un mot… C’est de la persécution ! ». Il le déplia cependant fébrilement et reconnu au premier coup d’œil l’écriture de son cher Guillaume.
« Nous tentons notre dernière chance, tandis que tu as dû remarquer que les cyborgs sont fébriles en ville. Nous avons su par un trans à nous qu’une réunion de crise avait eu lieu à leur QG. Ces derniers se sont bien foutus de ta gueule. Ils t’ont tout simplement envoyé un sosie de moi, il faut croire, assez bien imité mais, je suppose que tu t’en es aperçu ? Sa mission était de savoir si tu possédais d’autres documents sur les terres rares. Il n’a visiblement rien trouvé. Mais ses chefs te soupçonnent de leur cacher quelque chose. Et si ce quelque chose est en ta possession, je t’en supplie au nom de notre amitié, de t’en débarrasser le plus vite possible. Il s’agit pour toi comme pour nous, d’une question de vie ou de mort. Il me semble me souvenir qu’un de tes voisins t’avait confié écrire un livre sur les dernières découvertes archéologiques sur les terres rares, grâce aux techniques de l’ADN. Et figure-toi qu’ils sont prêts à te tuer pour mettre la main dessus. Alors je te le répète, détruits-le sans aucun regret. Bien à toi, Guillaume ».
Tout s’éclaira d’un coup pour Jean-Marc. Tout.
1) Le Guillaume de l’autre nuit était donc vraiment un cyborg !
2) Ces derniers devaient être eux aussi en grand danger pour se montrer aussi fébriles. Mais pour quelles raisons ?
3) Evidemment : les terres rares, génératrices d’énergie ! Oui, c’était bien ça : ils n’en possédaient plus. Sans doute incapables qu’ils étaient d’en fabriquer eux-mêmes.
Il restait le point 4) qui seul, lui posait un problème. Son voisin. Son fameux voisin !
Comprenant que le temps manquait, il essaya de secouer sa mémoire… Voyons de quel voisin pouvait-il s’agir ? Celui de droite ou celui de gauche ? Le stress agit. C’est alors que tout lui revint. Il se souvint de l’archéologue français marié à une Grecque. Celui qui lui avait demandé de lui arroser ses plantes durant ses absences régulières. Son gentil voisin qui effectuait justement des recherches sur les terres rares et lui avait même montré son manuscrit pratiquement bouclé à l’époque et prêt à être publié juste avant le Grand renversement. Mais depuis, tous les logements avaient mystérieusement été abandonnés les uns après les autres. Cela dit, le manuscrit, peut-être lui, y était-il demeuré ? Un fol espoir l’étreignit. Possédait-il toujours un double des clés de son voisin pour l’arrosage ? Il fouilla fébrilement tous ses tiroirs et victoire, finit par mettre la main dessus ! Cependant, rendu hyper-vigilent vu le contexte, il se ravisa. Peut-être l’intérieur de son immeuble était-il surveillé par caméra ? La nuit venait de tomber. Il y avait sans doute une autre solution pour entre chez l’archéologue ? Tel l’inspecteur Bourrel dans les Cinq dernières minutes, Jean-Marc lança un : « Bon dieu, mais c’est bien sûr ! », triomphant…
