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Jacques Langlois
Banque et mondialisation
Article mis en ligne le 14 mai 2007
dernière modification le 7 mai 2007

Pendant quelque temps on a pensé que les banques étaient en perte de vitesse. En effet, les entreprises s’autofinançaient plus que largement et les opérations financières relevaient de la bourse plus que des banques. La fonction traditionnelle de la banque, à savoir l’intermédiation entre des couillons de clients plaçant leurs éconocroques ou leurs liquidités sans rémunération dans des comptes courants et des industriels cherchant des fonds pour investir, battait de l’aile au profit des OPA, OPE et autres fusions ou absorptions menées à grand renfort d’opérations boursières. Mais les banques, exploitant les gogos continuaient d’être à la tête d’un magot qu’il fallait placer au mieux. Car dans la logique financière mondialisée, ce qui compte c’est de maximiser le taux de profit et la rentabilité des fonds propres.

Aussi se sont-elles lancées elles aussi dans les opérations de bourse, les SICAV (sociétés d’investissement à capital variable), les FCP (fonds communs de placement) pour transformer les liquidités placées par leurs petits clients, les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, en investissement financier à court ou moyen terme. La chose fut aisée puisque, entre-temps, les gouvernants n’avaient eu de cesse que d’encourager l’épargne populaire à grands coups d’avantages fiscaux, notamment avec le PEA (plan d’épargne en action), les assurances-vie, les plans d’épargne d’entreprise, l’actionnariat salarial, etc.

De fil en aiguille la traditionnelle séparation entre banques de dépôt et banque d’affaires s’en est trouvée estompée, puis quasiment éliminée, malgré la loi qui les oblige à se distinguer, grâce à de subtils montages éliminant les cloisonnements : il suffit de créer des filiales présentées comme séparées. La banque de dépôt continue de serrer le quiqui à ses clients par la non-rémunération des comptes clients et, surtout aujourd’hui, la facturation d’environ 180prestations (suivant l’UFC-Que choisir) : frais d’ouverture, de fermeture de compte, chèques de banque, opposition, cartes bancaires, chèques impayés, frais de tenue de compte, rachat anticipé de crédit, assurances de garantie pour les prêts, etc. Il en résulte que l’activité traditionnelle des banques continue de fournir l’essentiel de leurs profits.

Mais elles se sont lancées aussi et parallèlement dans les juteuses opérations de bourse (OPA, OPE) qui sont rémunérées par de fastueuses commissions liées au placement des titres chez leurs clients. Car il ne suffit pas de lancer une OPA ou de faire appel à l’épargne publique dans les augmentations de capital par émission d’actions. Il faut encore trouver des souscripteurs, ce que les banques peuvent faire grâce à leur réseau de clientèle, quitte à forcer un peu les clients en les faisant souscrire sans leur accord comme on l’a vu dans l’ouverture du capital d’EDF ou de GDF.

Les banques, prenant l’air du temps favorable à la toute-puissance de la finance, et disposant du magot de leurs clients captifs (essayez de changer de banque et vous verrez le cirque que c’est et ce qu’il vous en coûtera), se sont diversifiées. Désormais, elles assurant tous les services financiers : assurances, comptes courants, cartes de crédit à la mode Sofinco ou Cetelem (très juteux à entre 15 et 18 % de taux d’intérêt des prêts à court terme), placement de titres, conseil en fusion d’entreprises, prêts, intermédiation bancaire entre entreprises emprunteuses et banques prêteuses, assurances vie etc.

Et, miracle, est apparue une nouvelle façon de s’emparer d’une entreprise prometteuse ou pleine d’actifs sous-évalués et rentables. Ce n’est pas une nouveauté. Cela fut le fer de lance des 4 frères Willot, dits les Dalton, et de Tapie : acheter une entreprise par l’emprunt pour la vendre en réalisant ses actifs. La différence, c’est que c’est maintenant parfaitement légal et même facilité par des dispositions fiscales. C’est aujourd’hui, donc, la technique du leverage buy out (LBO, achat par effet de levier). C’est simple. Un fonds d’investissement privé (private equity) achète 20 % des titres au maximum et emprunte le reste aux banques. C’est juteux. En effet les taux des emprunts sont actuellement faibles, les remboursements et les intérêts sont payés par l’entreprise rachetée (ce qui évite les impôts sur les bénéfices puisque les charges d’emprunt les diminue), les actifs sous-évalués sont vendus, le personnel est licencié par suite des réorganisations qui accompagnent la prise de contrôle (rappelons le avec moins de 20 % du capital investi, le reste des rachats d’action ou de parts ayant été financé par l’emprunt). Ainsi, il n’y a qu’à rémunérer les 20 % initiaux d’apport en capitaux propres, ce qui dégage des taux de profit magnifiques pour eux. Il va de soi que les banques en tant que prêteuses retrouvent ainsi leur rôle d’intermédiation et s’en frottent les mains.

Evidemment, il a fallu que la législation financière permette d’aussi belles choses pour le capital. Merci aux libéraux et socialo-libéraux qui ont mis ces lois spoliatrices en place. Il fallait bien concourir placé dans la grande compétition mondiale de la libre circulation des capitaux à la recherche d’un rendement de plus en plus élevé. La mondialisation, non seulement permet de les rentabiliser, mais encore est un champ d’innovation financière dédié à la recherche de solutions de plus en plus mirifiques pour s’emparer des capitaux flottants.

Ainsi, les Etats se lancent-ils dans une concurrence mortelle pour attirer, grâce à leurs banques, à leurs exonérations fiscales et à leurs paradis fiscaux, le maximum de capitaux.

Quand il n’y a plus que l’exponentiation de la rentabilité financière qui compte, la logique générale et mondialisée qui s’installe est celle de la concurrence entre pays pour favoriser les menées du capital. Tant pis pour les autres acteurs sociaux. C’est à ce petit jeu que se livre l’Europe. Ce n’est pas porteur d’unification et encore moins de fédéralisme européen.


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