Marche républicaine
Article mis en ligne le 1er octobre 2020

D’un côté, c’est plutôt rassurant, tout ce monde qui affirme son attachement à la liberté d’expression. Même les journalistes aux ordres, même les politiques hier brocardés et qui, aujourd’hui, sans rancune, appellent à défiler « Tous ensemble ».

Seulement, c’est la quasi-unanimité de ce « Tous ensemble » qui me met mal à l’aise : parce que, je l’avoue, individualiste et potentiellement provocatrice, quoique solidaire. Que l’on défende la liberté d’exprimer, même avec « mauvais goût », des idées absolument différentes des siennes, oui, Voltaire l’avait déjà énoncé avec esprit et raison.

Comme je ne crois pas à un arrière-monde, la mort est pour moi définitive. Ce qui reste, c’est le souvenir et les traces de nos amis. Aussi, je regrette bien de n’être pas dessinatrice, car je pourrais représenter nos compères rigolant de voir, depuis leur nuage et leur paradis d’humoristes, tous ces bien-pensants qui les pleurent morts, alors que certains les exécraient vivants, ou tout au moins ne les toléraient que pour éviter de faire trop de vagues.

Évidemment, le fanatisme fait peur, y compris celui qui pousse aux extrêmes ses propres convictions. Et, oui, il faut éviter les amalgames, les guerres entre religions et/ou communautés. Et, oui, la notion de laïcité a été indûment empruntée par l’extrême-droite à fin de stigmatiser les uns – musulmans – en oubliant les autres – catholiques-, lesquels plus discrets (sauf ceux des ‘manif pour tous’) attendent en embuscade de bénéficier des acquis potentiels des tenants de l’islam… Ah, l’œcuménisme !

A l’égard du « Je suis Charlie » il faut être indulgent. Quelqu’un de bien intentionné s’est servi de cette formule depuis longtemps galvaudée, passée dans le langage courant et donc à même de convenir à tout le monde. On oublie qu’elle fut d’abord « 

Nous sommes tous des juifs allemands » ce qui avait une autre allure, un autre sens, une autre résonnance, moins de trente ans après les ravages du nazisme…

Mercredi soir, choquée, désemparée, j’avais rejoint sans plus réfléchir les quelques milliers d’autres réunis sans doute assez spontanément sur le Vieux-Port à Marseille.

J’avais retrouvé des amis, et cela faisait du bien de parler, de ne pas rester seule avec sa peine. Mais de là à défiler en bon ordre, à me fondre dans le troupeau mené par les officiels en tête ? Des officiels qui, d’un bord comme de l’autre, cautionnent la fabrication et la vente d’armements, lesquels après quelques cheminements et trafics internationaux, viennent tuer, ici, des gens qui se servent seulement de crayons et de stylos pour exprimer leurs convictions… Et puis, ce mot de république, que signifie-t-il dans les esprits des uns et des autres ? Et dans les faits ?

Léonore

lundi 12 janvier 2015
Trouvé ici http://penselibre.org/