
Samedi 10 mai 2008. L’émission des Chroniques Rebelles (Radio Libertaire) reçoit Loïc Joyez (auteur et metteur en scène), Séverine Chabin (assistante à la mise en scène), Fedele Papalia (Moore, l’avocat de la défense), Marc Hazan (Katzmann, le procureur), Julien Vialon (Bartolomeo Vanzetti).

Christiane Passevant : Première représentation : le public semblait intéressé et était très divers. Le travail fait autour de l’histoire de Sacco et Vanzetti et de leur époque, la mise en scène et l’écriture sont remarquables. L’histoire personnelle des deux hommes, de même que celle de la société états-unienne marquée alors par la répression et les luttes, est très bien rendue. Comment es-tu arrivé à rester fidèle aux faits dans une construction théâtrale ?
Loïc Joyez : Avec du travail tout simplement, mais cela a pris un certain temps.
CP : Faire une pièce à partir de ce drame n’est pas évident.
Loïc Joyez : Non, ce n’est jamais évident, mais en même temps il y a dans cette histoire — c’est ce qui m’intéressait pour la scène — beaucoup d’ingrédients qui s’y prêtent. C’est une tragédie moderne, et comme le dit Ronald Creagh, il y a des éléments vraiment propices et fondateurs : le mythe de la justice, deux hommes contre le monde entier, même s’ils sont soutenus, et puis deux camps idéologiques qui s’opposent, se font face et sont très nettement dessinés. C’est donc très théâtral. C’est classique, j’allais dire ça fonctionne. Ça se prête au théâtre. Mais il est toujours difficile de tenir la route et, en même temps, de fouiller un peu l’histoire. Néanmoins, les ingrédients sont là. Ensuite, c’est une question de montage, d’écriture et de travail.
CP : Les liens avec l’actualité sont importants. Mumia Abu Jamal, qui se trouve dans la même situation à la suite d’un procès inique, est évoqué. Ce va-et-vient entre le passé et la réalité contemporaine est très intéressant.
Loïc Joyez : Il s’agissait quand même de tenir un équilibre entre aujourd’hui et la réalité historique, parce qu’à l’affiche, c’est Sacco et Vanzetti, et il faut y être fidèle. De plus il y a l’ambiance des années 1920 aux Etats-Unis, et il faut recréer un climat. C’est du théâtre, on se fait plaisir et on fait plaisir au public en le replongeant dans une ambiance, dans un décor, et dans une histoire qui est réelle.

Par ailleurs, à partir du moment où l’on arrive à restituer cela, que l’on a cette ligne, on s’y tient, mais on peut aussi s’en détacher, librement, mais pas n’importe comment : avec des clins d’oeil, des ponts jetés avec ce qui se passe aujourd’hui, que ce soient certains faits d’actualité, ou bien même un certain climat, même si cela passe plus ou moins inaperçu selon le public ou les circonstances. Ce sont des ponts, des clins d’oeil, des liens avec ce qui se passe aujourd’hui. Il faut rester léger et tenir l’équilibre. Tout simplement.
C’est aussi pour ça aussi qu’il est intéressant de monter Sacco et Vanzetti aujourd’hui. Il ne s’agit de monter une pièce historique, ce n’est pas le propos. Le propos fondamental n’est pas de faire une pièce stricto sensu historique. Elle est historique, elle respecte des choses, mais peut aussi voyager ailleurs.
CP : Il y a un engagement certain dans la pièce.
Loïc Joyez : Oui, il y a un engagement.

CP : Le jeu des comédiens et des comédiennes m’a laissé l’impression d’une motivation qui va au-delà de leur talent ou de leur professionnalisme.
Loïc Joyez : Oui, ça c’est parce qu’on les paie pas. (rires) Donc ils/elles doivent êtres motivés par autre chose.
CP : C’est une raison. Séverine, tu es assistante à la réalisation, et tu accueilles également le public au théâtre.

Séverine Chabin : Oui, je me charge d’accueillir les personnes invitées pour faire découvrir la pièce. Nous ne jouons que quatre fois, mais nous avons l’intention de ne pas en rester là et de la rejouer donc on a invité un maximum de personnes pour qu’elles aient envie de la programmer, ou de la voir programmée, de nous suivre dans cette histoire. Donc c’est moi qui les accueille au théâtre.
CP : Dans la pièce, le décor est unique. Mais le décor unique change. Alors est-ce que ce sont les lumières, le jeu des acteurs ? Parce que cela donne cette impression, même si peu d’accessoires bougent : d’un coup tout paraît différent ?
Loïc Joyez : Alors le coup est réussi.

(Lecture par Julien Vialon du discours prononcé par Vanzetti, en 1927, avant la validation de la condamnation à mort.)
Vanzetti : Oui ! Je veux dire que je suis innocent ! Je n’ai jamais versé le sang d’un homme. Je me suis battu contre le crime, le pire étant à mes yeux l’avilissement des hommes par d’autres hommes. C’est la seule raison pour laquelle je me trouve ici. M. Katzmann,une de vos phrases m’obsède :
“ M. Vanzetti, vous êtes venu dans ce pays pour vous enrichir”. C’est une phrase qui m’amuse. Je n’ai jamais cherché à m’enrichir. Et ce n’est pas la raison pour laquelle on me persécute. On me persécute pour ce que j’ai réellement commis. On me persécute parce que je suis anarchiste... et je suis anarchiste ; parce que je suis italien... et je suis italien.
Mais je suis si convaincu d’être dans le vrai que si vous pouviez me tuer par deux fois, et que par deux fois je pouvais ressusciter, j’emploierais mes deux vies à refaire exactement la même chose.
Nicola Sacco... Mon camarade Nicola... Il se peut que je parle mieux que lui. Mais combien de fois, en le regardant, en pensant à lui, à cet homme, que vous accusez d’être un voleur et un assassin et que vous allez tuer...
Quand ses os ne seront plus que poussière et que vos noms et vos institutions ne seront plus qu’un souvenir du passé, un souvenir maudit, son nom, le nom de Nicola Sacco continuera de vivre dans le coeur des gens.
Nous devons les remercier. Sans eux, nous serions morts comme deux pauvres exploités. Un brave cordonnier et un pauvre vendeur de poissons.
De toute notre vie jamais nous n’aurions pu espérer faire autant en faveur de la tolérance, de la justice, de l’entente entre les hommes. Vous avez donné un sens à nos vies.
(Extrait de Sacco et Vanzetti de Loïc Joyez)

CP : C’est une pièce qu’on se prend littéralement dans la figure, une pièce qui est très forte. Loïc, tu as fait un travail extraordinaire en captant l’attention, même si l’on ne connaît pas l’histoire de Sacco et Vanzetti.

Loïc Joyez : Si c’est le cas, tant mieux. Il n’est pas besoin de lire un résumé auparavant. Cela a été amené comme tel, c’est problématisé. On relate l’histoire, la façon dont cela se passait à l’époque, la façon dont ils ont été arrêtés, pourquoi ils ont été arrêtés, pourquoi il y a eu confusion, pourquoi ils ont été d’abord inculpés à tort, puis pourquoi le procès a tourné comme il a tourné. Tout cela, effectivement, pour les gens qui ne connaissent pas cette histoire, leur histoire.
Fedele Papalia : C’est très compréhensible parce qu’il y a une situation donnée par rapport à un contexte. On regarde le contexte des États-Unis dans les années 1920. C’est une situation très claire : deux personnes sont condamnées pour des crimes qu’ils n’ont pas commis.
CP : Dans ce lieu unique qui pourtant change, selon les scènes, selon les
éclairages, selon aussi les comédiens et la manière dont ils jouent, il y a douze comédiens sur scène, dont un enfant. C’est assez lourd.
Séverine Chabin : Oui. Si vous regardez les plateaux de théâtre aujourd’hui, c’est trois, quatre comédiens. Déjà six c’est un gros plateau. Nous en avons douze avec le petit et il est vrai que c’est un gros travail. Mais en même temps ça porte. C’est-à-dire que le fait d’avoir une grosse équipe fait qu’il existe vraiment une énergie entre les uns et les autres.
CP : Ça se perçoit parfaitement.
Fedele Papalia : C’est bien, parce qu’à mon avis, c’est ce qui doit ressortir dans une pièce de théâtre. Chacun doit être concerné par ce qu’il a à faire. Chaque personnage a son rôle à jouer, et c’est vraiment un phénomène de troupe.
CP : Comment vous êtes vous rencontrés, tous et toutes, et qu’est-ce qui a fait prendre le ciment entre vous ? C’est l’idée, le texte ?
Séverine Chabin : Cela s’est opéré autour du projet. Lorsqu’on a commencé à parler de Sacco et Vanzetti, deux, puis trois personnes ont manifesté leur intérêt parce que c’est un sujet porteur. Et, petit à petit, l’équipe s’est constituée. On n’a pas eu vraiment de difficultés à construire l’équipe. Chacun est venu avec son envie de participer à un projet qui ait des choses à dire.

Fedele Papalia : Cela a été aussi des rencontres. Lorsque j’ai rencontré Loïc et Séverine, j’ai été séduit. Et puis ils m’ont présenté le texte et j’ai embarqué. J’étais aussi très séduit par le fait de jouer un avocat, car quel est le comédien qui ne voudrait pas jouer un avocat. Je me suis dit que c’était pour moi une occasion de me faire vraiment plaisir.
CP : Le procès est une partie importante : la défense, le procureur… Marc
Hazan est, sur scène, vraiment très dur et cette confrontation entre la défense et l’accusation rend la pièce très intéressante. Qu’est-ce que ça t’a apporté de jouer cette partie ?
Marc Hazan : J’étais tout à fait ignare en ce qui concerne les procédures, que ce soit en cour d’assise ou, d’une manière plus générale, dans un procès. Donc il a fallu que je fasse un gros travail de recherche sur la définition même d’un travail de procureur. Mais c’est aussi notre métier, celui de comédien. Cela a été la première partie de mon travail. Ensuite, je me suis attaqué au personnage avec un gros travail personnel et avec l’aide bien sûr du metteur en scène. Et puis, j’ai pris ce personnage à bras-le-corps, avec beaucoup de plaisir parce que c’est aussi agréable de jouer un méchant.
CP : Sur scène tu es très impressionnant. Tu personnifies la loi, la répression.
Marc Hazan : Le rôle du procureur a été créé durant l’inquisition par Philippe le Bel au XIIIe siècle. Il y a donc une genèse qui est très dure parce que le rôle qu’occupait le procureur, à l’époque du tribunal de l’inquisition, était un rôle répressif. Donc on essaie de faire au mieux... d’être le plus méchant possible. (rires)
Séverine Chabin : Ce procureur est surtout quelqu’un qui est déterminé. L’avocat et le procureur ont des idéologies qui ne peuvent pas du tout se rencontrer. Le procureur est quelqu’un qui ira jusqu’au bout, qui veut la peau de Sacco et Vanzetti et fera tout pour les inculper. C’est quelqu’un qui a une idéologie très affirmée, qui a des idées avec lesquelles on est d’accord ou pas, mais en cohérence avec lui-même.
Marc Hazan : Le problème d’un comédien est d’aimer le personnage qu’il interprète. Il faut lui trouver des qualités et Katzmann en a. Il représente les institutions et a des convictions. C’est un personnage intègre, et courageux.
(Scène entre l’avocat — Fedele Papalia — et le procureur — Marc Hazan)
Moor : Votre conduite monsieur, les paroles que vous avez proférées, qu’on vous a laissé prononcer, m’apprennent beaucoup sur vous et surtout sur ce procès. Mais davantage encore dois-je dire sur notre État, devrais-je dire notre Amérique !
Katzmann : Notre Amérique ? Ah, mais je me réjouis de ce que nous ayons la même en partage. Ce n’est pas le sentiment que vous nous laissiez pendant l’audience...
Moor : Vous avez raison. Mon Amérique n’est pas votre Amérique. Et de la vôtre je ne voudrais respirer l’air pour rien au monde.
Katzmann : Personne ne vous retient. Vous connaissez le dicton : l’Amérique, ou tu l’aimes ou tu la quittes.
Moor : Vous êtes d’origine allemande monsieur Katzmann, n’est-ce pas ? Vous avez même escamoté une partie de votre patronyme afin qu’il sonne plus Yankee. Vous voilà l’avocat général Katzmann plus américain que les américains et tellement zélé dans sa tâche de maître censeur. Maître Katzmann champion des institutions ! Bravo ! Bravo !
Katzmann : Pauvre Moor, tout ça est tellement hors sujet. D’ailleurs vous allez perdre ce procès parce que depuis le début vous êtes hors sujet.
Moor : Je ne le pense pas, non. Restez-en plutôt à votre besogne emprisoneuse et ne vous occupez pas du reste. De grâce.
Katzmann : Ce qui me désole le plus, c’est votre aveuglement. Aveuglement quant aux deux prévenus que, oh bien sincèrement je veux bien le croire, vous pensez innocents. Innocents, ces deux anarchistes ! Aveuglement sur cette Amérique que vous dites défendre et représenter. Elle-même aveugle, sur sa réalité, sur son infériorité numérique et sur sa misère morale.
Moor : Vous plaisantez. Tout le monde se met à bouger. On commence à manifester partout dans le pays pour protester contre cette mascarade... Et même au-delà de nos frontières.
Katzmann : Vous faites allusion sans doute aux divers États en perdition et à la botte de Moscou.
Moor : Vous voulez rire ! C’est vous qui êtes aveugle ! Caricature vivante de votre névrose nationaliste.
Katzmann : Eh quoi ! De qui me parlez-vous ? Des autres ? Des Anglais ? Des français ? De tous ces petits Européens fatigués ? Vous me faites rire ! Vous n’irez nulle part ! Nulle part avec vos déclarations de bonnes intentions, votre plaidoirie prêchi-prêcha et votre Amérique mélangée, autrement dit incertaine d’elle-même, vous n’irez nulle part, dans le monde d’aujourd’hui, en vous attelant à la défense des radicaux. Nulle part ! Maître Moor, et ces pauvres Italiens n’iront nulle part eux non plus sinon droit sur la chaise ! Droit sur la chaise et j’y veillerai et je ferai tout, vous comprenez, pour réduire les terroristes anarchistes ou de même farine ! Oh maître Moor, ne vous laissez donc pas abuser par de petites manifestations bon enfant. C’est attendrissant, mais encore une fois, un peu de lucidité que diable ! Ayez au moins la belle et froide impassibilité des causes perdues !... C’est tout ce qu’il vous reste.
Moor : Vous venez trait pour trait de m’avouer que ceci est un procès politique, que l’on a décidé en haut lieu de mener à la peine capitale des individus, fussent-ils coupables ou non, pour des raisons politiques, des raisons de sécurité intérieure... Et non pour des faits criminels, et non pour un fait d’arme — sur lesquels les témoins se contredisent bizarrement — et non pour un hold up...
Katzmann : Restez avec nous maître... Vous divaguez. Et ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.
Moor : L’Empire State Building est encore trop court pour les sommets de votre hypocrisie et pour toutes vos vilenies !
Katzmann : Vous évoquez les témoignages contradictoires, où voulez-vous en venir ? Faites attention...
Moor : Je vous retourne le bienveillant conseil, monsieur l’avocat général. J’ai simplement voulu dire que les témoins « pas dignes de foi » ne sont pas forcément ceux que vous avez désignés à l’audience.
(Extrait de Sacco et Vanzetti de Loïc Joyez)

CP : La manière dont les institutions, les médias pouvaient traiter les anarchistes à cette époque n’a pas tellement changé. Cela est abordé avec la défense, en montrant que l’anarchie, c’est peut-être autre chose.
Fedele Papalia : Moor était un avocat socialiste qui défendait les ouvriers. Il savait très bien que face à Katzmann et au juge Thayer il n’avait guère de chance et était pris pour un rigolo. Et il l’était d’ailleurs un peu, c’était un farfelu.
Marc Hazan : Il arrivait à l’audience les pieds nus, avec la chemise ouverte, il mettait les pieds sur la table...
Fedele Papalia : On ne montre pas tout dans la pièce, sinon elle durerait cinq ou six heures ! je crois que chacun de nous a quelque chose à défendre.

CP : Les personnages de Sacco et Vanzetti sont très proches des véritables Sacco et Vanzetti. Il y a le grimage, mais tout de même...
Séverine Chabin : Ce qui est extraordinaire avec cette pièce, ce sont les concours de circonstances et de hasards. Un comédien, qui entre dans un personnage, finit par lui ressembler un peu. C’est vrai que l’un et l’autre ressemblent un peu à Sacco et Vanzetti. Cependant, c’est un hasard parce que nous n’avons pas cherché des copies conformes. Ce n’était pas l’objectif.
Fedele Papalia : C’est le travail du comédien qui se fait inconsciemment. Vous vivez avec ce personnage.
CP : Mon impression, pendant le spectacle : les personnages étaient habités.

Fedele Papalia : Il fallait se mettre à fond dans cette histoire qui est un monument, sinon les personnages ne sortent pas. Il faut vraiment s’impliquer à fond et jusqu’au bout croire à ce qu’on fait. Si vous y avez cru, c’est que nous avons réussi.
CP : À la sortie, les réactions des personnes montraient quelles n’étaient pas indemnes. Elles continuaient à parler de la pièce jusque dans le métro et je me suis dit « pari réussi ! »
Fedele Papalia : C’est une pièce qui fait réfléchir parce que sont des choses qui existent encore aujourd’hui.

CP : Le fait de penser « pièce engagée » marque un changement, auparavant cela risquait de plomber une pièce. Ronald Creagh a soutenu la pièce depuis l’origine du projet. Renouer avec un théâtre qui se veut engagé est important. La pièce est extrêmement actuelle, la répression, les luttes… Rien n’a vraiment changé. Les extraits de discours de Vanzetti, entre autres, apportent une authenticité, quelque chose de palpable. Les affrontements durant le procès sont passionnants.
Julien/Vanzetti, comment ressens-tu cette partie ? Malgré la violence qui est faite au personnage, il fait montre d’un contrôle de soi pour faire passer ses idées anarchistes.

Julien Vialon : Le mérite en revient à Loïc. Jacques Brel a déclaré « dès que vous trouverez une bonne idée à défendre, vous me trouverez toujours là ». J’ai entendu parler du montage de cette pièce complètement par hasard. Rétrospectivement je n’étais absolument pas Vanzetti, malgré la moustache. Je m’en sens beaucoup plus proche maintenant.
CP : Entre Sacco et Vanzetti, c’est un peu comme s’il existait un relais bien que les caractères soient différents. C’est très marqué dans la pièce.
Julien Vialon : Nous jouons deux personnages très différents. La manière de se mouvoir, de parler, d’être tout simplement.
CP : Pratiquement, cela signifie beaucoup de répétitions ?
Julien Vialon : Beaucoup de répétitions depuis plusieurs semaines, plusieurs mois maintenant.
CP : D’autres représentations prévues après ces quatre dates ?
Séverine Chabin : Notre intention est de poursuivre l’aventure.
Loïc Joyez : Effectivement notre objectif est de rejouer la pièce.

Plusieurs représentations auront lieu à Paris à la rentrée prochaine.
Du 21 octobre au 2 novembre 2008 :
12 représentations de Sacco et Vanzetti au Théâtre Dejazet.
Du mardi au samedi à 20h30
Le dimanche à 15h.
Sacco et Vanzetti a un écho indéniable aujourd’hui. Une pièce à voir.
Sacco et Vanzetti de Loïc Joyez, extrait.
(Galléani, meneur anarchiste, à la tribune, s’adresse aux ouvriers,
avant l’arrestation de Sacco et Vanzetti.)
« Galléani : Camarades ! Souvenez-vous de la parole du poète.
Souvenez-vous, camarades !
Nous sommes ouvriers, ouvriers !
Nous sommes pour les grands temps où l’on voudra savoir.
Où l’homme forgera du matin jusqu’au soir
Chasseur des grands effets, chasseur des grandes causes.
Où, lentement vainqueur, il domptera les choses.
Camarades ! encore un peu et nous serons tous absorbés pour
toujours. Qui ne voit où toute cette marche nous entraîne ?
Vers le rien. Vers le vide. Une coterie, assoiffée d’or et de sang humain,
exploite depuis longtemps votre travail. Pour eux, c’est la richesse,
le luxe ; pour vous, c’est la misère et la honte. Et tandis que vos
corps s’épuisent, les coffres de vos patrons s’emplissent de
monnaie. Avec cet argent, ils bâtiront d’autres fortunes, vos maîtres.
Vous laisserez-vous ainsi abuser ? Voyez comme vos vies passent
par les rouages des machines, mais les machines elles ne vous
appartiennent pas. Elles sont votre vis à vis quotidien mais elles ne
vous parlent pas. L’infernal commerce avec les machines vous vide
de votre substance ! Que reste-t-il de vous à la fin d’une journée
d’usine ? Pas grand chose. Et que restera-t-il de nous si c’en est fini
de vous ? Pas grand chose. Vous laisserez-vous ainsi machiner ?
Regardez vos femmes : elles étaient jolies, pleines de santé. Le
travail auquel le système les condamnent les a rendues pâles et
malingres et anémiques. Regardes vos enfants : vous rêviez de les
voir grandir beaux, affectueux, intelligents : l’usine est là pour les
abrutir. Regardes-vous vous-mêmes... N’étiez-vous pas pleins
d’espérance, en quittant votre pays qu’une tyrannie médiévale
épuise ? Hélas, dans cette contrée de soi-disant progrès, vous êtes
également voués à une autre tyrannie, non moins épuisante ! On
vous dit : trimez ! encaissez ! Vous vous faites déposséder à
longueur de vie, mais pas de panique, une justice divine est là, qui
vous attends, toute prête, rien que pour vous, les loqueteux !... Ayez
la foi et Dieu vous le rendra !
Regardez Salsedo... Pauvre Salsedo, qu’a-t-il fait d’autre que vivre et
exercer dignement son métier d’artisan ? Qu’a-t-il commis comme crime, sinon celui d’être porté par des idées, et de s’efforcer, en fervent militant, de se battre pour elles ? Pour elles il est mort. Pour quelques tracts de propagande imprimés dans son atelier, que quelques faux frères ont cru bon
d’adjoindre à leur bombe meurtrière !
Camarades... peut-être un jour viendra où les ouvriers disparaîtront en une silencieuse évanescence ; où l’on aura, par mille patients stratagèmes, amenuisé leur conscience en les élevant au rang de petits possédants. Allez-vous rester silencieux, la bouche close par la rançon du salaire ? »
(Extrait de Sacco et Vanzetti de Loïc Joyez)

Photos de Marie-Noël Léon, Neil Gettings (Théâtre) et CP (studio Radio Libertaire)