Aux États-Unis, il y a deux marchés des prêts hypothécaires pour accéder à la propriété, qui fait partie du rêve américain de distinction sociale. Il y a un marché normal (dit prime) avec des conditions raisonnables (taux fixe, peu élevé, durée, etc.) où les candidats solvables peuvent trouver leur bonheur. Mais les prolos, dont les salaires n’ont pas connu de progression du pouvoir d’achat depuis vingt ans, aspirent, eux aussi, à la maison individuelle. D’où l’invention d’un second marché des prêts, dit de subprime. Les taux sont variables, élevés. Il y a une prime de risque pour tenir compte du degré de solvabilité des clients et il faut savoir que tout Américain est noté à partir de ses défaillances de crédit en tout genre.
Des sortes de VRP, payés à la commission (cela induit à faire n’importe quoi pour placer les prêts, notamment à en cacher les vraies conditions et les risques), employés par des petites banques ou société de crédit, véritables margoulins, tirent les sonnettes. Le prêt proposé a l’air avantageux. Les premières mensualités et annuités sont faibles car elles ne contiennent pas de part de remboursement du capital emprunté et les taux d’intérêt sont plus faibles que par la suite car ils sont progressifs. Le client s’inquiète-t-il de l’avenir, quand les annuités contiendront le remboursement du capital, du reste concentrées sur les dernières années ? On lui fait alors miroiter qu’entre-temps sa situation se sera améliorée et que la valeur de sa maison donnera une grosse plus-value qui lui permettra de faire face à ses échéances. Et les gros bénéficiaires, c’étaient les organismes prêteurs et tous ceux qui rachetaient les hypothèques car elles avaient un excellent rendement financier. Les hypothèques avaient du reste été « titrisées » (voir plus loin).
Cela a marché grâce à une spéculation foncière et immobilière indescriptible (bulle immobilière). Et il faut savoir qu’aux États-Unis, au pays de M. Colt, on a inventé le crédit revolving : quand le capital à rembourser baisse, vous renouvelez votre capacité d’emprunt pour la même somme ou, quand vous avez une grosse plus-value immobilière, vous pouvez emprunter dessus. C’est ce beau système, apparentable au mouvement perpétuel ou au moteur à eau, que le président Tsarkovitch voudrait implanter en France au nom de l’augmentation du pouvoir d’achat et de la croissance. Les Français devraient pouvoir avoir une épargne zéro comme aux États-Unis au lieu d’économiser 16 % de leurs revenus. Le directeur de la Fed, l’illustre Alan Greenspan, n’y voyait rien à redire. Cela permettait d’acheter… chinois et soutenait la croissance.
Las, en septembre 2006, la Fed augmenta son taux directeur car l‘étranger n’achetait plus d‘obligations du Trésor américain et qu‘il y avait un peu d‘inflation ; le coût du crédit s’en ressentit. Catastrophe, les taux variables jouèrent à plein et nombre de quidams ne purent faire face à leurs échéances. Les margoulins prêteurs exhibèrent les titres d’hypothèque et firent vendre les maisons impayées. Du coup, le marché immobilier commença de s’effondrer. Or c’est lui qui tirait la croissance par le biais du crédit revolving. D’où risque de récession aux États-Unis et par voie de conséquence dans les pays qui leur vendent. Enfin, la valeur des titres hypothécaires, camouflée dans des opérations de titrisation, s’effondrait. Or les banques, via leurs fonds spéculatifs, avaient beaucoup investi dans ces valeurs juteuses. Fin 2007-début 2008, on apprit notamment que Merrill Lynch ou Citigroup avait perdu 10 milliards de dollars. Adieu veaux, vaches, cochons, couvées, bénéfices !
Et la misère continue. Les banques sont obligées d’avoir des réserves obligatoires pour faire face à leurs engagements de crédit (celui qu’elles procurent). Or les pertes bouffent lesdites réserves et même les fonds propres. Du coup, elles ne se prêtent plus les unes aux autres tant qu’on ne saura pas clairement le niveau de leurs engagements et de leurs dettes ; elles ne prennent plus de risques dans les crédits à l’investissement ou à la consommation. D’où un risque de récession par crise de liquidités. C’est pourquoi les banques centrales ont balancé des centaines de milliards de dollars ou d’euros ou de livres pour prêter aux banques à court terme et que la Fed a abaissé son taux directeur. Par ailleurs, la valorisation boursière des banques engluées dans les subprimes ayant été divisée parfois par deux, les fonds souverains ou les concurrents mieux lotis sont à l’affût pour les acheter pas cher.
On en est là, suite au prochain numéro. Mais on sait qui va morfler : le petit peuple.