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Immigration, racisme et conditions carcérales… Eduart (Introduction)
Un film d’Angeliki Antoniou
Article mis en ligne le 12 mars 2008
dernière modification le 14 octobre 2008

Angeliki Antoniou est née en Grèce. Comme Amos Gitaï [1] et Marco Puccioni (réalisateur de Riparo) [2], elle fait des études d’architecture, puis part en Allemagne où elle suit des cours à la Deutsche Film und Fernsehakademie Berlin.
Angeliki Antoniou travaille comme scénariste et réalisatrice depuis 1989 et vit entre Berlin et Athènes. Eduart [3] a remporté l’Antigone d’or du 29e Festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier en 2007.

Directement inspiré par des rencontres et des entretiens avec un prisonnier albanais incarcéré en Grèce, le film se déroule entre les deux pays.
Raskolnikov moderne, Eduart est un jeune homme blessé. Élevé au sein d’une famille dominée par un père militaire, il a vécu une enfance et une adolescence dans un climat de violence et d’oppression. Avec deux amis, il rêve de quitter l’Albanie pour la Grèce et de former un groupe de rock. C’est ainsi que les trois garçons tentent le voyage en passant illégalement la frontière.
La neige et les loups… Un des garçons y laisse sa peau et les deux autres arrivent à Athènes où ils vivent d’expédients, de larcins, de relations homosexuelles tarifées… Jusqu’au drame. Eduart tue un homme.
Raflé et reconduit à la frontière albanaise, il retrouve sa famille et surtout sa jeune sœur dont il est très proche, mais son père le dénonce à la police pour un vol qu’il a commis des années auparavant. Commence alors son calvaire dans une prison albanaise que la réalisatrice filme à la fois avec un réalisme cru et une grande pudeur. Les images suggèrent, les regards sont parfois presque insoutenables, la violence est latente. Eduart, qui a toujours réagi à la violence par la violence, prend alors conscience, grâce à sa rencontre avec un médecin allemand, des autres et de lui-même.

Pendant deux ans, Angeliki Antoniou a visité et interviewé Eduart avant de construire un scénario sur l’itinéraire d’un homme perdu. Elle traite aussi de l’immigration clandestine, de la pauvreté, des faux-semblants de l’Europe des nantis, du racisme à l’égard des Albanais, de la peur, de la violence, de la misère et des rêves anéantis.

Angeliki Antoniou a tourné en Albanie et en Grèce. Or, en Albanie, il n’existe pas d’infrastructures cinématographiques et le casting a duré deux ans. Il fallait trouver le personnage d’Eduart et la prison…
Or trouver une prison pour un tournage dans les Balkans, c’est impossible : « Elles sont toutes pleines ! »

Il faut également souligner le travail exceptionnel de la bande-son du film et de la musique de Minos Matsas et Costas Christidis. Antigone d’or 2007 du festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier, Eduart est indéniablement l’œuvre d’une grande réalisatrice et d’une femme de convictions. Espérons qu’Eduart d’Angeliki Antoniou soit prochainement distribué en France.

Christiane Passevant