Sionisme - Palestine - Hamas - Gaza

6/10
bonjour à tous. Vous avez vu comme moi ce qui se passe depuis samedi au Proche Orient. Je vous joint l’article que j’ai écrit sur le coup pour le Monde Libertaire qui le passera peut être. Bonne lecture
Pierre
La guerre toujours…
Samedi 7 octobre, le matin, je commence un article où je veux décrire aux lecteurs du Monde Libertaire la situation d’Israël quelques heures avant le début de la 40 semaine de manifestation contre la prise en main du pays par l’extrême droite fascisante et messianique. Je laisse mon texte à moitié fini et je pars faire un tour sans consulter les dernières nouvelles. A mon retour la guerre a commencé. Je peux jeter mon texte.
Des mortes, des morts, des blessées, des blessés. Leur nombre augmente d’heure en heure. La vengeance va devenir le maitre mot. De chaque côté des ultra religieux sont à la manœuvre. Il faut libérer Al Aqsa, il faut libérer le Mont du temple. C’est le même endroit.
A Jérusalem les messianiques au pouvoir poussaient à l’éviction des Palestiniens. Dans la rue les manifestants tentaient d’empêcher leur pays de glisser vers une théocratie messianique. Si les extrémistes juifs avaient les Arabes dans le viseur, les manifestants avaient été incapable (ou n’avait ni voulu ni put) d’associer les mêmes Arabes à leur manifestations bien qu’ils déclaraient que les territoires occupés par Israël étaient le problème.
A Gaza les dirigeants du Hamas qui tiennent la ville se trouvaient eux devant le dilemme suivant, la vie devenant pour les Gazaoui de plus en plus difficile, une jeunesse de plus en plus remuante, doucement, trop probablement, le nombre de permis de travail accordés pour travailler en Israël augmentait, devenant de plus en plus important, il leur fallait sortir de cette impasse. 50 ans après la guerre de Kippour, un jour de shabbat, un pays ennemis divisé où une bonne partie des réservistes de l’armée israélienne était en grève, toutes les occasions étaient réunies pour donner une grand coup dont ils savaient bien qu’elle serait l’issue, encore plus de martyrs.
Pour les extrémistes israéliens au pouvoir c’est une occasion en or. L’opposition allait se taire. Plus de débat sur la question d’être ou pas « raisonnable ». Plus de grève de réservistes, c’est l’union sacrée, tout le monde au front !
Pour une fois clairvoyant le correspondant du journal Le Monde dans son article du jour-même dit « Ces fondamentalistes messianiques cherchent à détruire l’Autorité palestinienne du président palestinien, Mahmoud Abbas. Ils envisagent ouvertement la possibilité d’un « transfert » – un nettoyage ethnique d’une part des territoires occupés. A ce titre, le Hamas confirme qu’il est l’allié objectif de l’extrême droite israélienne, parvenue au pouvoir en décembre 2022 en attisant les griefs et les peurs suscités un an plus tôt par des violences intercommunautaires dans les villes dites « mixtes » (juives et arabes) d’Israël, sur fond de guerre à Gaza. »
Les colons juifs vont pouvoir ainsi continuer à clamer que les Palestiniens n’ont rien à faire en Palestine. On ne voit pas comment après avoir déclaré la patrie en danger il serait possible de juste penser autrement la situation actuelle qui faisait dire il y a quelques temps à un général à la retraite que Tsahal était un "partenaire de crimes de guerre" lorsque cette armée assistait sans rien faire aux attaques des colons extrémistes contre les Palestiniens, et que la situation en Cisjordanie est un "apartheid absolu". Pas plus il ne sera encore possible et avant longtemps d’entendre un leader politique comme Zehava Galon, ancienne présidente d’un parti de gauche, déclarer que « L’occupation est notre grand projet national, et elle dure depuis tellement longtemps que nous ne sommes plus capables de nous concevoir sans elle ».
La porte est grande ouverte pour le chef de la sécurité Ben Gvir de voir son rêve se réaliser en la création d’une milice à sa botte.
Il faudra beaucoup de courage et de persévérance à la gauche israélienne et à ses alliés démocrates pour empêcher Israël de tourner le dos à ce qui fit de ce pays une exception au Moyen-Orient, une démocratie bourgeoise.
Alors que j’écris cet article je reçois un communiqué de l’UJFP (Union des juifs pour la Paix) qui proclame ceci « Nous soutenons la résistance du peuple palestinien face à l’occupation, à la répression, au déni du droit des Palestiniens ». Honnêtement il est dit au début du texte à propos de la stratégie adoptée par le Hamas « nous n’avons pas forcément un point de vue commun sur le sujet ». Comme pour l’Ukraine croire qu’une guerre, quelle que soit sa forme, va solutionner un problème, quel qu’il soit, c’est refuser de se rendre compte que le problème c’est la guerre.
Pierre Sommermeyer
Individuel

9/10
Je viens de lire le texte Pierre dont je comprends et partage parfaitement la réaction spontanée.
Je n’ai rien à ajouter. Toutefois, je pense que nous devrions consacrer une rubrique particulière à l’actualité, afin que nous puissions partager nos analyses et les discuter. Pierre revient sur la la nécessité d’une réflexion en profondeur sur le thème complexe de la guerre et de son autonomie. L’actualité nous contraint à reprendre nos fondamentaux, tout en tentant de ne pas avoir le nez dans le guidon et de prendre de la hauteur. La pensée libertaire y gagnerait. Hélas beaucoup de nos idées sont battues en brèches. Maints sujets remontent à la surface : nation, état, empire, néolibéralisme, libertarisme, économie, hight-Tech…
A +
R-D M

9/10
Bonjour,
Sujet difficile et hautement sensible qui mériterait plus que quelques lignes. Personnellement, j’ai toujours pensé que le projet d’un "foyer national juif" était nécessaire après tout ce que les Juifs (ou supposés tels) avaient subi en exil. En ce sens, je suis quelque part sioniste (j’ai moi-même fait partie un temps d’une association chrétienne pour Israël). Mais évidemment, depuis plusieurs années, je pense que la position des juifs anarchistes pour un foyer national sans État (kibboutzim, etc.) aurait été préférable à celle de Herzl. Cela n’aurait pas forcément empêché certains conflits avec les voisins palestiniens, mais peut-être que la situation ne serait pas aussi désastreuse qu’aujourd’hui. Car au moins, il y aurait un certain équilibre : deux peuples sans États, solution qui me paraît préférable à celle d’un ou même deux États.
L’escalade de violence est donc pour partie à imputer à l’État d’Israël, profondément militariste et techno-totalitaire, laissant assez peu d’options aux Palestiniens. Le rêve sioniste a pour ainsi dire viré au cauchemar, et je l’ai vu de mes propres yeux lors d’un voyage à Jérusalem il y a quelques années (caméras et militaires un peu partout, contrôles, ambiance oppressante, etc.). Bref, les nationalistes et militaristes juifs ne sont pas meilleurs que les autres. Pour autant, je ne partage pas l’avis de l’UJFP. Car si résister à l’oppression est légitime, la résistance perd à mes yeux toute légitimité dès lors qu’elle est mue par un projet politique aussi autoritaire – sinon plus – que celui qu’elle est censée combattre. Le Hamas est un groupe politique islamo-fasciste, qui prône la destruction pure et simple d’Israël et l’instauration d’un État islamique. Autrement dit, le Hamas veut simplement remplacer une oppression par une autre (encore plus dure à certains égards). Il me semble d’ailleurs que ce groupe, quoique sunnite, est aussi soutenu par l’Iran chiite (comme le Hezbollah).
Sans être forcément neutre, je me méfie des ultra-sionistes autant que des antisionistes…
Beno Hasopher

9/10
Quelques rapides remarques :
> deux peuples sans États, solution qui me paraît préférable à celle d’un ou même deux États.
Qu’est ce qu’un peuple sans état et sans nation : un peuple en voie de disparition. L’occident (y compris l’islam) a largement contribué à cette catastrophe.
> Le rêve sioniste
Le sionisme est une variante du nationalisme et de la question nationale du début du XXème. Un certain judaïsme a cherché un mimétisme dangereux dans le nationalisme.
Le judaïsme n’a jamais été une nation ni un état. C’était un monothéisme orthopraxique avec un temple et un clergé. Un peuple élu chargé du mission selon les Ecritures.
LA diaspora a radicalement changé la nature du judaïsme devenu rabbinique, éclaté et parfois assimilé à son milieu d’accueil : langue, culture…
La diaspora a sauvé le judaïsme et l’a enrichi d’apports (Philon d’Alexandre, Maïmonide plus près de nous Hermann Cohen qui voyait dans la guerre des tranchées (1915) la fusion tant attendue de la germanité et de la judéité.
La création d’Israel fut un déchirement pour beaucoup de juifs : retour au Veau d’or et du territoire identitaire.
De son côté l’islam militant est totalement hermétique à l’Etat/nation, son but restera toujours la restauration du Califat.
> toute légitimité dès lors qu’elle est mue par un projet politique aussi autoritaire
Un projet politique territorialité est obligatoirement autoritaire à un moment ou un autre.
> islamo-fasciste,
Quand l’islam oublie ses fondements et sombre dans la lecture littéral du Coran, il est islamophobe-fascite. Pour preuve grand Mufti de Jérusalem, arien d’honneur, prédicateur de l’envoi de musulmans d’origine palestinienne dans les Balkans soutenir l’invasion nazie. Ce même refusa la création de deux états lors de la création d’Israel. Comme d’ailleurs les muftis algériens ont refusé le Décret Crémieux proposant la nationalité française aux natifs d’Algérie. Les juifs ont acceptés. Chercher l’erreur ?
LE rapport Chiisme / sunnite est très complexe. LA situation actuelle est une création des alliés après la guerre de 14.
Au plaisir de vous lire sur ce sujet qui rejaillit. La bête n’est pas morte.
R-D M

10/10
Le texte de Pierre expose bien les tenants et les aboutissants.
Toutefois une question reste ouverte : que faire lorsqu’il n’y a plus ni dignité ni espoir ?
Les derniers membres de peuples en lutte contre la colonisation, comme dans les Caraïbes, ont choisi le suicide collectif, dans l’indifférence totale.
Et que peut le langage alors que des crimes de masses répondent aux crimes de masses. Il est difficile d’écrire au sujet de personnes, alors qu’elles sont bombardées et qu’on est à la maison, dans le plus grand calme, le dos au poêle...
Patrick

10/10
étymologie. Quelques remarques sur le texte, très intéressant.
Sur le titre proposé par Pierre et sur l’objectif, il me semble qu’il nécessite une critique de non pas de l’anarchisme tel qu’il est mais de l’internationale anarchiste telle qu’elle est.
Peut-être que "refondation" est plus ambitieux que "réforme" (sauf si on pense à la Réforme protestante.
Sur le texte :
Démocratie : Je vois l’anarchisme comme une forme radicale de la démocratie privilégiant la délibération au vote, conforme à son étymologie, donc il me semble que ça n’est pas la démocratie mais la démocratie représentative ou parlementaire qu’il faut dénoncer comme une escroquerie.
Autorité : ici pas d’acord, l’autorité n’est pas le problème, mais la solution. Là-dessus je suis proche d’Annah Arendt et surtout de Simone Weil (dans l’enracinement). L’autorité n’est pas un problème, mais un des éléments de la solution. Apprende, par exemple, se fait sous l’autorité d’un maître, ou d’un ancien à qui l’on reconnaît l’autorité de dire ce qui est bon.
Obéir à une autorité n’est pas nécessairement agréable mais est parfois nécessaire. Elle peut être implicite ou explicite, et s’incarner dans des personnes, des groupes ou l’ensemble de la communauté. La question est celle de sa légitimité. Elle se pose en amont : comment les règles que fait appliquer l’autorité sont définies, comment l’autorité est désignée, et en aval, dépasse-t-elle dans le sens d’un abus, le mandat qui lui a été donné. Sans autorité, l’anomie frappe vite à la porte, qui s’ouvre sur l’autorité du plus fort, remplaçant celle du plus légitime. L’angélisme est des pièges de l’anarchime.
Christianisme :
A/ vu le nombre d’occurrence du mot (6) il peut être utile 1/ de l’inscrire dans le titre et 2/ de se démarquer explicitement et fermement de la manif pour tous.
B/ assimiler l’anarchisme au christianisme primitif ne fonctionne pas (à mon avis). Le culte du Livre, de l’Obéissance à une entité transcendante, l’émergence rapide d’un clergé, le communisme des premières communautés etc. le rapproche plus du communisme que de l’anarchisme.
C/ L’analyse d’Ellul (ou Charbonneau ?) du christianisme comme articulation de la liberté et de l’amour (la fameuse lettre de Paul : "Aime est fais ce que tu veux") me paraît beaucoup plus pertinente si on veut rapprocher christianisme et anarchisme. Pour L’auteur, la "liberté"a dégénéré en "libéralisme" cultivant un individualisme égoïste et l’amour est passé à la trappe. (Le défi des anarchistes est peut-être bien de retrouver la forme contemporaine de l’amour proposé par Paul)
3/ sur la critique des dérives de l’anarchisme contemporain. J’ai entendu cette semaine Michéa utliser le terme de "néolibéralisme culturel" qui me semble tout à fait approprié, il est le complèment nécessaire (et qui manquait jusqu’ici) des deux formes bien connues, le néolibéralisme économique et le néolibéralisme politique, pour en faire une machine de guerre totale.
Patrick.

15/10
Kaliméra à toute et tous,
Je viens de découvrir l’édito du numéro d’octobre /novembre de Divergences. be.
Un texte très juste et bien ficelé.
Hier, je passais en lisant devant la synagogue
De Keramikos à Athènes et j’ai discuté avec un des personnel charge de surveiller l’endroit.
Je lui ai dit que les anarchistes français avaient refuser de participer à une manifestation oropalestienne à Paris jugeant qu’il n’était pas question de soutenir des slogan favorables au Hammas.
Il m’a expliqué que les anarchistes grecs ont réagit exactement pareil à Athènes et Thessalonique.
Debut novembre, le Crifa à lieu à Athènes et réunira les Fédérations anarchistes adhérentes de l’IFA.
J’ai été invité à accompagner les 3 camarades français de la FA.
J’ ai hâte de savoir si ce sujet sera mis à l’ordre du jour. Si oui, je propose de donner le lien de l’article aux orgas présentes, qu’en pensez vous ?
De plus je ne manquerai pas de vous écrire une petite synthèse des propos échangés.
Bonne fin de we,
Φιλάκια
Pat Athènes ( à ne pas confondre avec Patrick /nuage fou !)...

15/10
Salut Patrick,
Je suis enchanté d’apprendre par toi, qui vit à Athènes que les anarchistes français avaient refusé de participer à une manifestation palestinienne à Paris, jugeant qu’il n’était pas question de soutenir des slogans favorables au Hamas.
En effet pendant quelques jours un flyer détourné (mais par qui ? et pourquoi ?) m’a semblé indiquer que la FA appelait à une manifestation Place de la République pour le 12 octobre.
Donc ton message me rassure et le communiqué de la FA aussi.
Avec toute mon amitié (lointaine)
Caillou.

15/10
Bonjour à tous et toutes,
S’il faut manifester aujourd’hui, ce n’est pas du tout en soutien au Hamas, mais à la population de Gza, 2 millions 300’000 habitants, doublement pris au piège, par le Hamas qui a pris le pouvoir dans ce territoire et par le gouvernement israelien, le plus à droite extrémiste de son histoire et prêt à commettre un génocide, en profitant de l’état de choc subit par la population israelienne après cette agression menée par le Hamas, et qui a surtout lâchement et horriblement des civils israéliens, dont des jeunes rapeurs.
Mais de tels crimes ne peuvent pas justifier une vengeance qui risque de sombrer en un génocide et urbanicide contre la population civile de Gaza. Les manifestations en faveur de cette population, et non du Hamas, devraient être autorisées, comme ce fut le cas samedi à Genève. Car la politique d’apartheid menée par Israel doit également être condamnée. Terrible conséquence de la fin des accords d’Oslo, qui était un début de solution.
Bien cordialement.
Ivar

Après la guerre du golfe de 1990-1991 je me suis longtemps impliqué dans le soutien aux Palestiniens, j’ai même cofondé une association, "Justice et paix en Palestine", j’avais (j’ai toujours) des amis palestiniens, bref j’ai été pas mal impliqué. Je me suis dégagé de tout ça pour trois raisons:1. J’en avais marre des "Palestiniens professionnels" qui parasitaient les associations et jouaient la carte de victimes mais n’avaient jamais mis les pieds en Palestine ;2. J’ai fini par comprendre que les Palestiniens n’auront jamais d’Etat, Arafat n’étant pas le général Giap (sur ce point je peux développer) ;3. Les manifestations en faveur de la Palestine finissaient toujours par mettre en avant quelques abrutis qui lançaient des slogans antisémites. (Ivar ?)
Salut Ivar,
Oui et on a vu ce que ça a donné les manifs pro-palestiniennes à Genève.
Les manifestants scandaient : "Israël assassin !"
Et pourquoi n’ont-ils pas dit : "Hamas assassin !" ?
Cette indignation à deux vitesses me répugne...
Beno Hasopher

15/10
Bonjour à tous et toutes,
S’il faut manifester aujourd’hui, ce n’est pas du tout en soutien au Hamas, mais à la population de Gza, 2 millions 300’000 habitants, doublement pris au piège, par le Hamas qui a pris le pouvoir dans ce territoire et par le gouvernement israelien, le plus à droite extrémiste de son histoire et prêt à commettre un génocide, en profitant de l’état de choc subit par la population israelienne après cette agression menée par le Hamas, et qui a surtout lâchement et horriblement des civils israéliens, dont des jeunes rapeurs.
Mais de tels crimes ne peuvent pas justifier une vengeance qui risque de sombrer en un génocide et urbanicide contre la population civile de Gaza. Les manifestations en faveur de cette population, et non du Hamas, devraient être autorisées, comme ce fut le cas samedi à Genève. Car la politique d’apartheid menée par Israel doit également être condamnée. Terrible conséquence de la fin des accords d’Oslo, qui était un début de solution.
Bien cordialement.
Ivar

16/10
Salut Ivar,
Oui et on a vu ce que ça a donné les manifs pro-palestiniennes à Genève.
Les manifestants scandaient : "Israël assassin !"
Et pourquoi n’ont-ils pas dit : "Hamas assassin !" ?
Cette indignation à deux vitesses me répugne...
Beno Hasopher

16/10
Après la guerre du golfe de 1990-1991 je me suis longtemps impliqué dans le soutien aux Palestiniens, j’ai même cofondé une association, "Justice et paix en Palestine", j’avais (j’ai toujours) des amis palestiniens, bref j’ai été pas mal impliqué. Je me suis dégagé de tout ça pour trois raisons :
1. J’en avais marre des "Palestiniens professionnels" qui parasitaient les associations et jouaient la carte de victimes mais n’avaient jamais mis les pieds en Palestine ;
2. J’ai fini par comprendre que les Palestiniens n’auront jamais d’Etat, Arafat n’étant pas le général Giap (sur ce point je peux développer) ;
3. Les manifestations en faveur de la Palestine finissaient toujours par mettre en avant quelques abrutis qui lançaient des slogans antisémites.
René

17/10
Libération
Entretien
Anwar Abu Eisheh, ancien ministre de l’Autorité palestinienne sur la guerre Hamas-Israël : « Tous ceux qui ne travaillent pas pour la paix sont coupables »
Anwar Abu Eisheh, ancien ministre de l’Autorité palestinienne et professeur de droit, exhorte la communauté internationale à agir et se désespère de la situation des Gazaouis contraints, selon lui, à « une deuxième “nakba” ».
par Clémence Mary
publié le 14 octobre 2023 à 18h25
Ancien ministre de la Culture de l’Autorité palestinienne en 2013-2014, le professeur de droit civil Anwar Abu Eisheh, qui enseignait à l’université Al-Quds, est l’une des voix pacifistes les plus écoutées au-delà des frontières de son pays, de la Commission européenne à l’Unesco où il a été expert dans les années 2000, en passant par les diverses organisations non violentes dans lesquelles il a été engagé tout au long de sa vie, comme l’Institut international des Droits de l’homme et de la paix. Installé à Hébron, en Cisjordanie, il déplore l’absence d’efforts de la communauté internationale à faire respecter concrètement le droit dans ce conflit – cause selon lui des frustrations accumulées par les Palestiniens depuis des décennies, qui ont conduit à cette explosion de violence.
Comment vivez-vous la situation actuellement ?
A Hébron, ville de 250 000 habitants, nous sommes habitués depuis les accords d’Oslo de 1993 à vivre encerclés par des barrières et des checkpoints. Depuis quelques jours, toutes les communautés palestiniennes sont totalement fermées. On ne peut pas se déplacer, nous sommes cloîtrés à la maison. Comme tous les Palestiniens de Cisjordanie, de Gaza ou d’ailleurs, je le vis très mal.
Je prends des nouvelles d’amis de Gaza, tout le monde ou presque manifeste. Ils n’ont ni électricité, ni eau, ni gaz, c’est le chaos. Les bombardements israéliens sont incessants, des avions envoient des tracts pour inciter à aller dans le sud de Gaza. Nous vivons cette tragédie avec une tristesse énorme et une colère débordante, car 90 % de ceux qui sont expulsés sont des descendants de deuxième ou de troisième génération de ceux qui ont été expulsés de la Palestine en 1948. Les repousser encore plus loin, c’est une deuxième « nakba ».
Contre qui se dirige cette colère, vous qui portez depuis toujours la voix de la non-violence ?
Je suis contre toute violence quelles que soient sa source et sa destination, et je suis en désaccord avec le Hamas. Mais aujourd’hui l’armée israélienne aussi commet des crimes très graves, avec cette opération militaire inimaginable, contraire au droit international, aux Droits de l’homme. Je suis juriste, et pour la première fois, j’en viens presque à regretter d’avoir étudié le droit international, qui n’est pas respecté dans cette crise.
Pourquoi tente-t-on de faire appliquer le droit international en Ukraine, alors qu’ici, personne ne fait rien ? Aucune résolution de l’ONU, pas même la résolution 2 334 qui a été votée en 2016 au Conseil de sécurité, et qui exigeait de nouveau d’Israël « qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », n’a été appliquée.
La frustration accumulée par les Palestiniens depuis 1967 est énorme. J’ai cru moi-même aux accords de paix d’Oslo de 1993, mais comment continuer alors que les colonies israéliennes ont triplé depuis lors ?
Divisée spatialement et politiquement entre Gaza et la Cisjordanie, la société palestinienne est-elle unie dans ce conflit ?
A vol d’oiseau, Gaza est à 45 kilomètres de chez moi. J’ai vu voler, ces derniers jours, les missiles du Hamas. La question n’est pas de savoir si les Palestiniens sont pour ou contre le Hamas – du reste, les électeurs du Hamas sont loin de représenter tous les Gazaouis – mais de constater qu’ils sont unis contre les violences qui s’abattent sur eux.
Il faut rappeler que c’est Israël lui-même qui a alimenté et a favorisé le Hamas pour faire monter le facteur religieux contre le Fatah, contre nous ! Nous sommes attaqués dans notre dignité tous les jours. L’homme de la rue palestinien a perdu tout espoir dans la paix. Tous ces éléments ont poussé vers cette explosion de violence qui a fait tant de dégâts. C’est dommage pour tout le monde, pour les Israéliens, pour nous, et pour les Occidentaux.
De quelle marge de manœuvre dispose l’Autorité palestinienne ?
Elle ne peut rien, c’est une autorité sous occupation militaire en Cisjordanie. Cela fait vingt ans que nous ne sommes plus autonomes. Le gouvernement israélien a déclaré qu’il ne voulait pas la paix, seulement, gérer l’occupation. En réalité, il nous fait tout payer, récupère même notre TVA. Voilà pourquoi l’Autorité palestinienne doit au moins deux ou trois mois de salaire aux fonctionnaires.
Qu’attendez-vous de la communauté internationale ?
La seule solution possible serait qu’elle fasse pression sur Israël. J’attends qu’elle agisse, car jusque-là, elle n’a rien fait. Nous avons entendu tellement de promesses quant à l’existence de deux Etats côte à côte, ycompris jeudi soir encore dans la bouche d’Emmanuel Macron. L’Europe ne se rend pas toujours bien compte à quel point elle a besoin de la paix et de la stabilité au Proche-Orient.
J’aimerais demander à Ursula von der Leyen ce que l’Union européenne a fait pour établir la paix. Tous ceux qui ne travaillent pas pour la paix, alors qu’ils ont les moyens de la faire appliquer par le droit, sont coupables. Quand on laisse faire, les violences arrivent.
Le soutien exprimé par les pays occidentaux à Israël est désespérant, car cela sonne comme une carte blanche pour expulser les Gazaouis. Les politiciens occidentaux doivent comprendre que ce deux poids deux mesures ne va faire qu’aggraver le conflit.
Quel regard portez-vous sur la jeunesse palestinienne ? Par l’horreur déployée, cette crise peut-elle paradoxalement revivifier une voie pacifiste ?
Cette jeunesse est née sous l’occupation, et c’est vrai qu’elle prend la relève, à sa manière. Elle essaie de vivre, d’exister dans l’opinion internationale, de faire des études… Une partie croit encore au droit international. Il y a des étudiants et des chercheurs palestiniens partout dans le monde. Mais plus de 200 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne ou les colons entre janvier et septembre 2023. Je doute que cette crise puisse revivifier l’espoir d’une solution non violente. Ces expulsions vont augmenter la ferveur de la jeunesse, les manifestations contre l’occupation. Une lutte quotidienne qui dure depuis des décennies.
(envoyé par René)

17/10
Il serait intéressant de connaître la position et les propositions des anarchistes israéliens, qui avaient aidés des Palestiniens dans la récolte de leurs olives, ayant été privés de l’accès à leurs vergers par l’érection du mur, qui parasite et divise le territoire palestinien sous prétexte de sécurité. Et on n’entend pas non plus les anarchistes des pays arabes, notamment du Liban.
On peut bien entendu critiquer les islamistes, qui (contrairement aux anarchistes) jouissent de moyens financiers important, qui les soumettent à des dirigeants étatiques qui instrumentalisent l’islam dans leur propre intérêt, au détriment de leurs peuples et de la Paix.
Le problème est qu’il y a eu en Israël une dérive similaire, qui a mis au pouvoir un gouvernement d’extrême-droite, qui reprend une propagande haineuse, similaire à Goebels, envers les habitants de Gaza. Il est vraiment inquiétant de constater la résurgence d’un discours génocidaire chez les ex-victimes du nazisme. Heureusement qu’il y a un certain nombre de juifs qui sont restés lucides, comme Barenbaum (qui a organisé des orchestres où des Juifs et des Palestiniens jouent ensemble).
Samedi 14 octobre, 6000 manifestants (dont une partie venus de France) ont défilé dans les rues de Genève à l’appel d’Urgence Palestine et des organisations de la gauche de la gauche. Reste à savoir s’il y a eu une discussion préalable sur les mots d’ordre et slogans, car comme le relève Beno, crier "Israel assassin" n’est pas correct, notamment du fait qu’il y a eu de grandes manifestations contre la politique colonialiste du gouvernement de Netanyau.
Il faudrait donc proposer des slogans mettant en cause les gouvernements et dirigeants, qui n’agissent pas dans l’intérêt de leurs peuples et de la Paix en général. Ils ont laissé pourrir le problème posé par l’extension illégale d’Israel (selon le droit international) au détriment des Palestiniens, qui en 1948 ont subi un premier "nettoyage ethnique" (plus de 700’000 chassés au Liban).
Quel sera le sort de la population de Gaza ? Celle-ci est menacée de génocide et subit déjà un urbanicide par l’ampleur des destructions. Au large de Gaza, il y a des navires de guerre, mais aucun bateau-hôpital, pour remplacer les hôpitaux détruits ou privés de moyens.
Pour une solidarité internationale, et donc pour le rétablissement du droit de manifester, en France et dans toute l’Europe !
Avec mes salutations libertaires.
Ivar

17/10
Les considérations suivantes sont celles d’un électron libre de la pensée libertaire, non encarté ni labellisé, mais toujours soucieux de comprendre la complexité du monde et ses interprétations souvent amnésiques.
Par avance, je m’excuse si je heurte quelques convictions anarchistes militantes.
1) Palestine. Terme d’origine obscure à la fois géographique (donc, par définition, qui sera à faire la guerre), historique c’est-à-dire résultat de méli-mélo politico-historique. La domination coloniale anglaise (à la perfidie bien connue et française, bas de plafond) et pour son malheur religieuse. C’est la terre des monothéismes dont nous subissons toujours les conséquences nauséabondes.
2) Israël et Palestine sont des créations idéologiques exportées par le pathos occidental dominant forgé sur le modèle de l’Etat/Nation. Le soutien a l’état d’Israel ou à l’entité floue de Palestiniens me semble un délire nationaliste stupéfiant.
3) Une approche religieuse doit tenir compte des débats internes au judaïsme contre la création d’Israël. Le grand Mufti de Jérusalem, aryen d’honneur, a prêché la croisade et levé des troupes musulmanes pour collaborer avec les nazis dans les Balkans.
Au moment de la création de l’état hébreux, le même Mufti a refusé la création d’un état palestinien. Position devenue inconditionnée et définitive. LE rêve de 2 états est une absurdité patente de belles âmes pacifistes. La position fédéraliste est impossible, pour de longs siècles.
4) Le Hamas (violence en hébreu) est une manipulation des puissances arabes, israéliennes et occidentales. Il ne représente rien. Il incarne une position théocratique classique du monde musulman. PAs d’état/nation mais un califat.
5) Devons rentrer dans cet imbroglio insoluble ? Je ne parle pas des nécessités humanitaires ?
6) Notre soutien doit aller à l’apostasie et à l’islam libéral qui a toujours existé (en France voir l’imame (au féminin) Khahina Bahloul. Ces gens doivent être dans une position très difficile. Les fatwa doivent pleuvoir comme vache qui pisse.
7) Nécessité de repenser l’action libertaire sans tomber dans les pièges des affidés nationalistes et étatistes, sans parler des autre aspects : géostratégique, politique, économique.
8) Bien sûr tout cela nous contraint à repenser la guerre et l’instinct de meute en profondeur.
J’arrête là ma litanie. Hélas, il y a tant à discuter. Et j’espère redonner une orientation plus saine à l’atmosphère émotif actuel.
Amicalement.
R-D M

17/10
Je viens juste de lire les mots : Apartheid ou Terreur.
Et j’ajouterai :
Fous sanguinaires ou Oppresseurs permanents.
Tueurs d’enfants par balles ou Tueurs d’enfants par bombes.
Mes voisins juifs (trois familles de mon immeuble) sont en panique.
Les Gazaouis sont en panique (plus immédiatement justifiée, certes).
Il y a pourtant des gens heureux : les crétins antisémites, les crétins islamistes, les crétins qui rêvent du paradis et des 75 houris qu’abattre un Juif leur procurera, les crétins haineux qui rêvent de casser du bicot (je ne sais pas comment on dit "bicot" en hébreu), toutes ces virilités en érection devant les combats qui s’annoncent, les colons oligocéphales qui rêvent d’Eretz Israël, les islamistes oligocéphales qui se vident les génitoires en regardant des starlettes pornos et se remplissent le vide cérébral en écoutant des prédicateurs coraniques, les cochons d’extrême-droite ravis que leurs deux cibles préférées s’affrontent, Netanyahu et ses chéris du Hamas, Hamas et ses mollahs adorés, les marchands d’armes, Poutine ravi qu’on ne parle plus de la chair à canon russe envoyée mourir en Ukraine, Erdogan espérant que les Américains vont être trop occupés pour continuer à rester au Rojava, Assad tout guilleret qu’on ne parle plus de lui, et même Trump jurant que si l’élection avait été honnête, il aurait fait en sorte que plus un seul Arabe ne reste sur la planète.
L’une des joies de l’anarchisme est qu’on y rencontre nettement moins d’imbéciles et de salauds qu’ailleurs.
Nestor Potkine
PS à René Berthier : mon émission sur Radio Libertaire le 2 octobre a été sur le livre appelé, fort justement, "le linceul du féminisme, caresser l’islamisme dans le sens du voile"...

17/10
17/10
SUJET : Israël / Hamas / Palestine
Les considérations suivantes sont celles d’un électron libre de la pensée libertaire, non encarté ni labellisé, mais toujours soucieux de comprendre la complexité du monde et ses interprétations souvent amnésiques.
Par avance, je m’excuse si je heurte quelques convictions anarchistes militantes.
1) Palestine. Terme d’origine obscure à la fois géographique (donc, par définition, qui sera à faire la guerre), historique c’est-à-dire résultat de méli-mélo politico-historique. La domination coloniale anglaise (à la perfidie bien connue et française, bas de plafond) et pour son malheur religieuse. C’est la terre des monothéismes dont nous subissons toujours les conséquences nauséabondes.
2) Israël et Palestine sont des créations idéologiques exportées par le pathos occidental dominant forgé sur le modèle de l’Etat/Nation. Le soutien a l’état d’Israel ou à l’entité floue de Palestiniens me semble un délire nationaliste stupéfiant.
3) Une approche religieuse doit tenir compte des débats internes au judaïsme contre la création d’Israël. Le grand Mufti de Jérusalem, aryen d’honneur, a prêché la croisade et levé des troupes musulmanes pour collaborer avec les nazis dans les Balkans.
Au moment de la création de l’état hébreux, le même Mufti a refusé la création d’un état palestinien. Position devenue inconditionnée et définitive. LE rêve de 2 états est une absurdité patente de belles âmes pacifistes. La position fédéraliste est impossible, pour de longs siècles.
4) Le Hamas (violence en hébreu) est une manipulation des puissances arabes, israéliennes et occidentales. Il ne représente rien. Il incarne une position théocratique classique du monde musulman. PAs d’état/nation mais un califat.
5) Devons rentrer dans cet imbroglio insoluble ? Je ne parle pas des nécessités humanitaires ?
6) Notre soutien doit aller à l’apostasie et à l’islam libéral qui a toujours existé (en France voir l’imame (au féminin) Khahina Bahloul. Ces gens doivent être dans une position très difficile. Les fatwa doivent pleuvoir comme vache qui pisse.
7) Nécessité de repenser l’action libertaire sans tomber dans les pièges des affidés nationalistes et étatistes, sans parler des autre aspects : géostratégique, politique, économique.
8) Bien sûr tout cela nous contraint à repenser la guerre et l’instinct de meute en profondeur.
J’arrête là ma litanie. Hélas, il y a tant à discuter. Et j’espère redonner une orientation plus saine à l’atmosphère émotif actuel.
Amicalement.
R-D M

17/10
Il serait intéressant de connaître la position et les propositions des anarchistes israéliens, qui avaient aidés des Palestiniens dans la récolte de leurs olives, ayant été privés de l’accès à leurs vergers par l’érection du mur, qui parasite et divise le territoire palestinien sous prétexte de sécurité. Et on n’entend pas non plus les anarchistes des pays arabes, notamment du Liban.
On peut bien entendu critiquer les islamistes, qui (contrairement aux anarchistes) jouissent de moyens financiers important, qui les soumettent à des dirigeants étatiques qui instrumentalisent l’islam dans leur propre intérêt, au détriment de leurs peuples et de la Paix.
Le problème est qu’il y a eu en Israël une dérive similaire, qui a mis au pouvoir un gouvernement d’extrême-droite, qui reprend une propagande haineuse, similaire à Goebels, envers les habitants de Gaza. Il est vraiment inquiétant de constater la résurgence d’un discours génocidaire chez les ex-victimes du nazisme. Heureusement qu’il y a un certain nombre de juifs qui sont restés lucides, comme Barenbaum (qui a organisé des orchestres où des Juifs et des Palestiniens jouent ensemble).
Samedi 14 octobre, 6000 manifestants (dont une partie venus de France) ont défilé dans les rues de Genève à l’appel d’Urgence Palestine et des organisations de la gauche de la gauche. Reste à savoir s’il y a eu une discussion préalable sur les mots d’ordre et slogans, car comme le relève Beno, crier "Israel assassin" n’est pas correct, notamment du fait qu’il y a eu de grandes manifestations contre la politique colonialiste du gouvernement de Netanyau.
Il faudrait donc proposer des slogans mettant en cause les gouvernements et dirigeants, qui n’agissent pas dans l’intérêt de leurs peuples et de la Paix en général. Ils ont laissé pourrir le problème posé par l’extension illégale d’Israel (selon le droit international) au détriment des Palestiniens, qui en 1948 ont subi un premier "nettoyage ethnique" (plus de 700’000 chassés au Liban).
Quel sera le sort de la population de Gaza ? Celle-ci est menacée de génocide et subit déjà un urbanicide par l’ampleur des destructions. Au large de Gaza, il y a des navires de guerre, mais aucun bateau-hôpital, pour remplacer les hôpitaux détruits ou privés de moyens.
Pour une solidarité internationale, et donc pour le rétablissement du droit de manifester, en France et dans toute l’Europe !
Avec mes salutations libertaires.
Ivar

17/10
Je souscris à peu près sans réserve au texte ci-dessous de Dominique Morel, à ceci près que si "l’islam libéral" est de loin préférable à toutes les autres variantes de l’illusion musulmane, j’ignore si cet "islam libéral" approuve ou non la position traditionnelle de l’islam selon laquelle tout apostat, donc en particulier tout athée, perd tous ses droits à toute protection quelle qu’elle soit, et peut donc être assassiné par n’importe quel croyant.
Pour ma part, en ce moment, je ne vois dans cette région que crimes en tous sens, et populations civiles ravagées.
Nestor Potkine

17/10
Je crois que je vais être un peu de côté, mais voilà, je crosi qu’on ne comprends pas grand chose à la situation locale si on fait l’impasse sur la pulsion millénariste des uns et des autres. Pulsion qui existe depuis la naissance du monothéisme, il arrivera qu’IL reviendra et alors... Il faut préparer son retour. Après le reste est habillage.
Ceci est ce qui meut ces gens de part et d’autre. Après pour comprendre pourquoi cela arrive maintenant...c’est autre chose. Modi en Inde se sert de cela pour durcir sa lutte contre les musulmans.
Tout ce débat est fort intéressant, qui va se taper une synthèse ???
Pierre

17/10
Sujet : Hamas / Israël
Je suis d’accord pour faire une synthèse, j’assume ma provocation, mais j’attends les réactions de chacun.
Je fais allusion au monothéisme, je renvoie à la rubrique monothéisme dans Divergences sur la question de la violence.
Un des ressorts profonds du monothéisme est, bien entendu, le millénarisme qui déborde largement le stricte cadre du monothéisme méditerranéen.
Il faudra joindre à la synthèse les différents articles mis en discussion.
J’attends votre accord de principes et vos contributions, fussent-elles courtes ou épidermiques.
R-D M

18/10
Bonjour à tous et toutes,
J’estime qu’un tel pamphlet pro-sioniste n’a rien à faire dans notre site de discussion. Soyons sérieux : la Palestine est une réalité qui remonte à plusieurs millénaires, bien avant l’arrivée des Ottomans, de l’Empire anglais et des juifs d’après-guerre (en grande partie des rescapés de la Shoah). Avant 1945, il ne restait plus beaucoup de juifs en Palestine, formant une communauté bien intégrée, comme en général dans l’Empire pluraliste Ottoman.
Logiquement, la Palestine devait pouvoir se constituer en un Etat au départ des Anglais vers 1947. Mais c’est la minorité juive, avec des cadres sionistes dotés d’un bon niveau de compétence administrative, qui a alors formé un Etat, avec l’appui des pays occidentaux qui se sentaient moralement obligés de soutenir cette création en compensation des graves exactions subies sous le régime nazi.
Au début, les communautés juives se sont établies sur des terres vendues par de riches propriétaires palestiniens, mais en 1948, tou a basculé dans la violence avec l’appropriation par la force armée de terres palestiniennes et un "nettoyage ethnique" (la Nakba) qui a obligé plus de 700’000 palestiniens à fuir au Liban et de s’installer dans des camps de réfugiés, où leurs descendants y sont encore, au mépris du Droit international.
Vous connaissez aussi bien que moi la suite, qui a été une longue suite d’exactions commises contre les Palestiniens et leurs droits légitimes, pourtant reconnus par l’ONU, mais pas appliqués. L’ex-ministre de la culture de l’Autorité palestinienne, Anwar Abu Eisheh, a déclaré à Libération : "A Hebron, ville de 250’000 habitants "depuis quelques jours, comme toutes les communautés palestiniennes de Cisjordanie, nous sommes encerclés par des barrières et checkpoints. On ne peut plus nous déplacer. " "Entre janvier et septembre 2023, 200 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne et les colons."
"Je suis en désaccord avec le Hamas", "mais il faut rappeler que c’est Israël qui a alimenté et favorisé le Hamas pour faire monter le facteur religieux contre le Fatah de Yasser Arafat". "Aujourd’hui l’armée israélienne commet des crimes très graves, contraires au Droit international."
Le bombardement du principal l’hôpital de Gaza, le 17 octobre, a causé la mort de plusieurs centaines de personnes. La propagande israélienne veut faire croire (comme la propagande des agresseurs serbes en Bosnie-Herzégovine suite au bombardement du marché de Markale, attribué aux Bosniaques) que ce serait le Hamas qui a tiré). En fait, c’est à la fois un génocide et un urbanicide (destruction urbaine) qui est en cours.
Et la majorité des gouvernements occidentaux, complices, comme celui de Macron, interdisent toujours les manifestations en faveur des Palestiniens.
Tout en condamnant l’opération désespérée du Hamas, les anarchistes ne peuvent pas décemment rester neutres.
Vivre la solidarité internationale du côté des opprimé-e-s !
Bien cordialement.
Ivar

Je te remercie de ta franchise, toutefois le réflexe d’exclusion me renvoie à de mauvais souvenirs et à une tendance lourde de la pensée marxolo-stalino-anarcho qui ne fait que plagier les mécanisme de chasse aux hérésies dans
le monothéisme ( les trois avatars compris)
Aucun territoire ne remonte à des millénaires. La terre est, c’est l’appropriation du sol par des bandes migrantes qui se sédentarisent qui labellisent les territoires. La géographie n’a pas d’odeur, mais elle sent le souffre dès qu’on l’invoque.
Tu oublies à la fois la colonie grecque de Gaza, territoires des philistins, si ma mémoire est bonne l’ empire romain fut déterminant par la structuration qu’il fit de ses territoires administrés. La gestion fait le larron.
Ta diatribe ne répond pas à mon point 3 sur le refus par le Grand-Mufti de crées deux états. C’est le point de départ d’une rupture quasi insurmontable.
Me taxer de pro-sioniste mérite de plus amples explications. Car je me pense franchement anti-nationaliste donc anti-sioniste tout en étant attentif aux courants juifs anti-sionistes qu’ils soient religieux ou non.
Je reprend mes questions :
Qu’est-ce qu’un palestinien ? Un musulman, un chrétien , un israëlite, un athée. LA racialisation est un cécité et une pulsion idéologique qui bloquent l’analyse et les débats.
L’utilisation à tort et à travers de terme génocide montre une absence de mesure dans l’anathème. Génocide => racisme (ici les sémites s’entretuent) et industrialisation.
La parole des persécutés n’est guère plus crédible que celle des persécuteurs. L’effet de miroir et de mimétisme fonctionne à fond. Le bombardement de l’hôpital est une démonstration.
Nous sommes dans une situation de guerre qui possède des logiques mortifères terrifiantes psychologiques, politiques, économiques. Une réflexion approfondie sur le sujet de la violence et de la guerre mérite une longue analyse que j’ai commencé dans Divergences.
Au plaisir de dialoguer.
R-D M

21/10
Salut Yvar
Exclure un point de vue dans une discussion n’a rien à faire dans une discussion.
Il ne s’agit pas d’un pamphlet, mais de questions dont on peut débattre entre anarchistes.
En démarrant par un anathème ce que vous écrivez ensuite n’est plus audible.
Si vous êtes sûr d’avoir raison, discutez-en tranquillement avec vous-même !
Adelphiquement
Caillou

21/10
La question des relations entre les anarchistes, les juifs, la Palestine et Israël est vieille comme le XXème siècle.Dès la fin du XIXème siècle des positions antisionistes sont affirmées, ce qui n’empêche pas le premier kibboutz s’installant en Palestine d’être anarchisant, après la deuxième guerre mondiale le système des kibboutz attirera la sympathie si ce n’est plus parmi des groupes anarchistes. J’ai publié aux Editions Libertaires un livre à ce sujet (cf https://textes.trusquin.net/spip.php?article184) . il y en a eu un précédent aux Editions de l’éclat dont j’avais fait la critique dans A-contretemps.
Dans divergences.be un grand nombre d’articles sur le sujet ont été écris/publiés dont la ligne reflète bien notre position aujourd’hui. https://divergences.be/spip.php?rubrique895
Bonnes lectures

21/10
En effet, comme le sujet des Communs a pu être liminairement évoqué récemment sur cette liste, on peut rappeler que les kibboutz en était une forte expérience, avec toutefois le revers de la médaille, quand un kibboutzim voulait quitter la communauté, il repartait les mains dans les poches vides, sans pouvoir bénéficier d’un équivalent de part où d’évaluation de sa contribution.
L’histoire s’est reproduite dans pas mal de communautés néo-rurales des années 70 par ici, comme rien ne t’appartient tu repars avec rien, même après dix ans de contribution au développement du lieu.
Yves

21/10
La question que je me pose sur les kibboutz est : étaient-ils exclusivement, ou essentiellement, composés de juifs. Si c’était le cas, le ver était dans le fruit, aussi sincères qu’aient pu être leurs membres.
Pour le reste, je connais peu le sujet. Toutefois, ce que j’en comprends c’est qu’à la base, le problème des palestiniens est territorial : rentrer (ou rester) chez eux et vivre sous leur loi(idéalement).
Le projet juif mixe un projet religieux insensé et un projet territorial que la Shoah légitime.
Je vais dire surement une énormité, mais la Shoah étant un crime allemand, il aurait été moralement légitime de créer Israel en Allemagne. A ce que je sais il y a eu un maximum de déplacements de population après guerre et les sionistes avaient un temps envisagé un coin en Afrique.
En l’état, je ne vois pas de solution équilibrée respectant le droit de ceux qui sont nés sur place, palestiniens et israéliens. Juste une épouvantable catastrophe qui ne fait qu’empirer.
Patrick.

21/10
Sujet Israël / Hamas
De mémoire, je dirais qu’au départ les Kubbotim étaient surtout des rescapés de tendance socialistes communautaritmes avec un apport marginal de goy attiraient par l’utopie.
LE problème palestinien n’est pas uniquement territorial, c’est une approche occidentale autour du thème Etat/nation. L’inconscient et la doctrine officielle sont pour un Califat sur une terre mal définie.
La complexité de la question bloque toute issue avant de longs siècles.
C’est pourquoi, je pense que notre discussion anarchiste mérite une démarche multipolaire.
Je me suis engagé à faire une synthèse. Pour cela j’ai besoin de toute vos réflexions, questionnement et documentations. Dans Divergences Lire les articles mis à dispo par Pierre.
R-D M

21/10
Pour celles et ceux que ça intéresse, j’ai mis en des extraits de mon livre sur le conflit israélo-palestinien qui concernent la politique de colonisation (36 pages)
http://www.monde-nouveau.net/spip.php?article961&var_mode=preview
La politique de colonisation de l’État d’Israël
Réné

21/10
Salut Caillou,
Excuse-moi si j’ai réagit de la sorte. Mais j’ai considéré que cet auteur ne fait pas partie de notre discussion. En plus, j’ai déjà entendu ce discours du côté de sionistes qui maintiennent le mythe d’un territoire à peu près vide, qui a été investit par les juifs qui ont survécu à la Shoah. Je reconnais bien sûr l’horreur des crimes commis par les nazis (et pas seulement contre les juifs), mais j’estime que suite à la première vague d^émigration qui a acheté des terres à des propriétaires palestiniens a succédé une prise de pouvoir qui s’est traduite par l’occupation de territoires en chassant 700’000 Palestiniens au Liban, où leurs descendants vivotent toujours dans des camps, comme ceux de Sabra et Chatila, sans possibilité de retour et sans solution en vue.
Et actuellement, la population de Gaza subit un sort similaire, vivant depuis des décennies dans une sorte de prison à ciel ouvert. Beaucoup d’Israéliens ont manifesté contre le gouvernent d’extrême-droite dirigé èpar Netanyahou, ayant pris conscience du danger de poursuivre la colonisation des territoires palestiniens, mais ils ont sans doute manqué de volonté politique pour proposer des solutions pour résoudre le problème des rapports entre Israéliens et Palestiniens.
Cette situation d’e longue attente, de marginalisation et de frustration, a été un facteur déterminant dans cette initiative désespérée et catastrophique prise par le Hamas, faute de solution.
Dans le résumé que tu estimes "inaudible", j’ai soulevé la question d’un manque d’initiative des dirigeants palestiniens de l’époque, qui n’ont pas su négocier avec les Anglais et Juifs en 194647, la création d’un Etat fédéral des deux peuples ou deux Etats ou pas dEtat (sinon une administration commune parrainé par l’ONU). On entend peu parler des citoyens Juifs et Palestiniens qui cherchaient alors une solution commune.
Quelle solution aujourd’hui ? J’espère qu’une telle discussion puisse avoir lieu dans notre "Discussion anarchiste" et aussi dans les rassemblements en faveur du peuple palestinien, Odes juifs progressistes participent aussi, notamment à Genève, où les manifestations sont autorisées. Bien cordialement. Ivar 21/10 Bonjour tout le monde Voici ci-joint deux articles, l'un datant de 1958 de Paul Ricoeur dans la revue Esprit l'autre de J-P Filiu de sa chronique du Monde pour ceux qui n'y ont pas accès. Une étrange et pas surprenante parenté. Bonne lecture Pierre Perplexités sur Israël Paul Ricoeur, André Neher Esprit Juin 1958 En réponse à un article d’André Néher liant l’État d’Israël à la destinée singulière du peuple juif, Paul Ricoeur craint la réduction d’Israël à une puissance parmi les puissances, opposant militarisme à militarisme, expansionnisme à expansionnisme. Estimant que le Moyen-Orient souffre d’un conflit de géo-théologies dégradées en géo-politiques, il appelle les grandes puissances, et notamment l’Europe, à prendre leur part dans un conflit qui est en partie leur œuvre. DANS un article récent paru ici même sous le titre « Réflexion sur Israël » (Esprit, Iév. 1958), André Néher a tenté d'expliquer l'existence politique de l'Etat d'Israël par la destinée même du peuple juif, « éternellement singularisée » (216) par la Parole biblique. Il a ainsi appelé les lecteurs non Juifs de notre Revue à réfléchir eux aussi sur Israël au même niveau de radicalité que lui. André Néher nous invite à retrouver, par-delà les données accidentelles de la réalité israélienne, ce qu'il appelle ses données essentielles. Accidentels, à ses yeux, sont l'esprit pragmatique et la mentalité héroïque de l‘Israélien d'aujourd'hui, condamné par les circonstances de l'immigration massive, par l'état de demi-blocus, par la menace quotidienne de destruction physique, à cet apparent métissage d'américanisme et de socialisme et surtout à ce comportement militaire qui fait parfois taxer Israël de bellicisme. Accidentelle, par conséquent, fut surtout l'inquiétante conjonction de la campagne du Sinaï avec le coup de force franco-britannique sur Suez et la convergence plus inquiétante encore des intérêts d'Israël avec ceux de la France, empêtrée en Algérie. C'est enfin sous la même rubrique qu'A. Néher place tout le « malentendu» israéloarabe, y compris le problème des réfugiés arabes de Palestine, qu'on voit encore aujourd'hui, huit ans après leur émigration, dans des camps d'hébergement. Tous ces conflits, il les replace dans la perspective relativement rassurante d'une possible coexistence judéo-arabe. De ces données accidentelles, A. Néher en appelle aux données essentielles : il y a, dit-il, une essence « qui seule définit la figure réelle et permanente de l'Etat d'Israël, qui seule appelle et autorise un jugement » (222). Cette essence relie la destinée d'Israël à une Terre, la Terre-Sainte, la Palestine. L'Exil du peuple juif aux quatre coins du inonde n'a pas seulement confirmé ce lieu par la douleur de la séparation, il en a fait un phénomène mondial : parce que le peuple juif est exilé dans le monde entier, la Palestine, centre de l'Exil, devient le centre du monde. Dès lors l'Etat d'Israël ne peut avoir pour fondement qu'une « géo-théologie » (223) qui fait coïncider I'Absolu avec une Terre; cette destinée, soudée à une terre promise, fait de l'Etat d'Israël tout autre chose qu'un Etat de « croisés », ou de « colons », ou « d'indigènes » révoltés ; Israël, c'est l'Etat de la Montée, du Retour; c'est l'Etat de la convergence, du rassemblement, du remembrement, dans un Espace inhérent par essence au Temps que déploie l'Israël dispersé. Cette exégèse du juif par lui-même pose au non-juif deux questions fondamentales : 1) Cette « essence » alléguée par une communauté singulière - celle que composent ensemble les Juifs de la dispersion et ceux de l'Etat d'Israël - peut-elle être reconnue par les autres hommes, par les autres communautés ? 2) Cette reconnaissance peut-elle conduire à une solution politique des conflits qui ont été présentés comme << accidentels » ? Le Juif se tient donc parmi les nations invoquant une essence singulière ; et je me demande ce que cela signifie - pour moi non-Juif, pour nous les « nations » -, qu'un peuple dispersé se considère exilé partout ailleurs qu'en Palestine et ne se reconnaisse comme peuple qu'en liaison avec une Terre. Il y a, me semble-t-il, une manière fausse d'aborder le problème pour un non-Juif : c'est de le poser en termes de vérité absolue et par conséquent de suivre le Juif croyant sur le terrain qu'A.Néher appelle le terrain de « l'essence ». En effet, posé en ces termes, le problème n'est susceptible d'aucune réponse commune; pour les autres, l'essence alléguée est un mythe ; pour le chrétien, Sion n'est plus absolument parlant, une Terre, un Royaume de ce monde ; Sion n'est plus la Palestine ; Sion signifie un Lieu qui n'est pas une Terre, un Royaume sans Terre; le sens littéral de la Terre Promise est aboli dans le symbolisme d'un lieu nongéographique; la géothéologie est un moment dépassé et aboli de l'histoire spirituelle déroulée par le prophétisme juif lui-même ; je dois donc dire, comme chrétien : « l'essence » qui fonde l' existence d'Israël n'est plus une essence qui fonde mon existence. Mais si je ne peux participer à l'essence qu'allègue le Juif croyant pour revendiquer un lieu absolu, je peux comprendre par imagination et par sympathie, sa foi. Cela suffit, non sans doute pour une théologie, mais pour une politique. La vocation d'un peuple n'a pas besoin d'être une vérité attestée par les autres, pour être reconnue comme une grandeur historique. Chaque peuple a dans l'histoire quelque chose comme un projet qui fonde le consentement de ses membres à une même existence communautaire; ce projet se manifeste dans une morale concrète, dans un « esprit », que seuls ses membres peuvent comprendre du dedans et vivre effectivement ; un Droit International n'exige certainement pas que les peuples noient leurs singularités et leurs différences dans des abstractions incolores. C'est pourquoi, ce qui importe à la politique mondiale ce n'est pas « l'essence » d'Israël, incommunicable à tout autre peuple, ce n'est pas la vérité de cette « essence », c'est la réalité de son existence, constituée par sa foi même offerte en spectacle à tous les peuples. Ce qui importe à la politique mondiale, c'est qu'il y ait un peuple qui croie de toute sa faiblesse, de toute sa souffrance, de toute son espérance, que sa seule existence possible est située en un lieu précis du monde qu'elle est malheureuse hors de ce lieu, heureuse quand elle y est rassemblée. Or il n'existe pas de foi que je puisse autant comprendre sans la partager que la foi d'Israël en la Terre Promise ; aussitôt après avoir dit que, en vérité, la géo-théologie est fausse, abolie, anéantie dans la Bonne-Nouvelle universelle, je me sens contraint de dire que l'existence des hommes qui continuent de croire à cette géothéologie m'est plus proche qu'aucune existence. Pour deux raisons : d'abord parce que sans la géo-théologie de la Terre Promise, moment maintenant dépassé, je ne serais rien ; l'Israël d'aujourd'hui, c'est la descendance des Prophètes qui ont donné la Bible au monde ; cette descendance des Prophètes ne peut constituer un peuple comme les autres ; je suis avec elle dans un rapport insolite et hyper-politique - « métaphysique » au sens d'A. Néher; l'Israël d'aujourd'hui est dans le prolongement de l‘Israël qui est ma mémoire. Et puis, je suis 'dans un autre rapport avec Israël : j'appartiens aux nations qui ont persécuté la descendance des Prophètes ; même si personnellement je n'ai pas pris part à ce crime, je suis solidaire des Etats, des Eglises, de la chrétienté sociologique qui sont coupables des massacres, des déportations, des tortures, des humiliations qui jalonnent l'histoire d'Israël depuis sa dispersion et qui sont un facteur décisif de sa prise de conscience comme peuple exilé loin de la Terre essentielle. Voilà pourquoi je peux comprendre en imagination et en sympathie la foi d'Israël, même si je ne crois pas, moi-même, à sa géo-théologie .. Cette compréhension latérale de la destinée du peuple juif - à défaut d'une impossible participation par le centre - me conduit à la seule question que j'aie le droit de poser à mon ami Juif : l'essence que vous invoquez et qui, pour vous, fonde votre droit à la terre de Palestine, est-elle compatible avec l'existence des autres, autour de cette terre, et sur cette terre même ? Si en elle-même et pour elle-même la vocation d'Israël à cette Terre est incommunicable à tout autre, seul le problème de la compossibilité des vocations et, en conséquence, de la coexistence des communautés historiques dans le même espace peut et doit faire l'objet d'un dialogue et d'une discussion. Si la vocation d'un peuple ne doit être « vécue » que par ce peuple, elle requiert un minimum de reconnaissance par autrui pour coexister avec celle des autres dans une politique mondiale. Cette reconnaissance minimale par les autres est le fondement, non de l'existence pour soi d'Israël, mais de son existence avec les Nations. Or cette question nous l'avons posée, en Europe, en fonction seulement des deux facteurs que j'évoquais à I'instant pour affirmer ce que j'appelais ma « compréhension latérale » de la foi d'Israël, à savoir la filiation historique du judaïsme au christianisme et la persécution des Israélites par la chrétienté. Ces deux facteurs nous ont conduits (je dis toujours « nous », au sens des solidarités politiques) à poser une série de décisions : la déclaration Balfour de 1917 (approuvée par les Alliés de la Grande-Bretagne) accordant au mouvement sioniste « l'établissement en Palestine d'un Foyer National pour le peuple juif » la pression de l'opinion publique mondiale sur la Grande-Bretagne pour qu'elle cesse de faire obstacle par le blocus de sa marine à l'immigration massive des Juifs issus des camps allemands de personnes déplacées, - la commission d'enquête de l'O.N.U. qui aboutit au plan de partage de 1947, - le vote de la résolution de partage de la Palestine par l’Assemblée générale des Nations-Unies par 33 voix contre 13 et les abstentions, (les Etats-Unis et l'Union Soviétique votant pour), - la reconnaissance de l'Etat d'Israël, après la proclamation de l'indépendance par Ben Gourion. Que signifient ces actes qui nous engagent, nous, Américains, Européens, Soviétiques ? Ils signifient d'abord et avant tout le paiement par l'Europe d'une dette historique à l'égard du peuple juif. La chrétienté et les nations issues de la chrétienté historique ont payé à la fois leur dette de reconnaissance à l'égard des descendants des Prophètes et leur dette de culpabilité à l'égard des victimes de tous les pogroms et de tous les Auschwitz de l'histoire. Mais dans la mesure même où l'Europe et l'Amérique ont permis et parfois favorisé le retour d'un million de rescapés en Palestine pour régler leur dette historique à l'égard du peuple juif, c'est d'abord en fonction de l'Europe et seulement à titre secondaire en fonction du peuple arabe que le problème d'Israël a été posé jusqu'en 1948. L'Europe - cette Europe culturelle qui s'étend de Vancouver à Vladivostok - a réglé sa question juive en livrant au peuple exilé une terre qui était devenue arabe dans l'intervalle de l'Exil. En réglant sa question juive, l'Europe a créé un problème judéo-arabe dont elle n'a pas présumé le poids futur avec la même clairvoyance qu'elle a évalué le poids passé du problème judéo-chrétien. C'est ici que je rencontre ma seconde question. Résoudre le problème Europe-Israël n'était-ce pas créer un problème plus insoluble, le problème judéo-arabe ? C'est ici que je retrouve toutes les données qu'André Néher tient pour « accidentelles » et tous les problèmes qu'il appelle les « malentendus ». Ne sont-ce pas précisément les conséquences inéluctables des données qu'il appelle par ailleurs « essentielles », à savoir la vocation d'Israël pour une terre qui a eu une histoire depuis la dispersion de l'ancien Israël, et singulièrement une histoire arabe ? Je veux dire tout de suite que, nous Européens, nous nous sommes rendus solidaires de cette « essence » alléguée, dès lors que nous avons consenti au retour massif d'un million de Juifs en Palestine, voté le partage de la Palestine et reconnu l'Etat d'Israël. Ces actes nous engagent. Il nous faut donc assumer les conséquences judéo-arabes de la liquidation du problème judéo-chrétien. Cela doit être bien entendu ; aucune politique pro-arabe ne peut passer par le reniement de l'acte de 1948; quoi qu'il doive nous en coûter nous nous sommes liés de manière irrévocable depuis la déclaration Balfour de 1917 jusqu'à la reconnaissance d'Israël en 1948. C'est donc bien en termes de coexistence et non d'exclusion qu'il FAUT poser le problème judéo-arabe. Mais cela n'empêche pas, en retour, que nous avons, nous Européens, résolu le problème Europe-Israël aux dépens des Arabes et que nous nous sommes créé une dette du côté arabe en soldant notre dette du côté juif ; et cette dette, nous ne savons pas comment l'acquitter, parce qu'il est exclu que nous consentions à un crime arabe contre Israël, à un crime collectif qui nous rendrait, une nouvelle fois dans l'histoire, comptable du sang des Juifs dont nous avons accepté le retour en Israël. Il faut dire la vérité : nul ne peut actuellement déterminer les modalités d'une coexistence entre Juifs et Arabes au Moyen-Orient. Nous nous sommes obligés à travailler à cette coexistence, mais toutes les forces en présence vont en sens contraire de cette coexistence, tant du côté juif que du côté arabe. Je ne peux pas considérer comme des « malentendus » et des traits « accidentels », les phénomènes redoutables qui se déroulent au Moyen-Orient et qui procèdent inéluctablement de notre consentement de 1948 par lequel nous avons biffé l'histoire arabe de la Palestine pour réaffirmer sa destination juive. Du côté arabe, je ne vois guère comment l'insertion en coin d'Israël en terre arabe peut être discernée d'un phénomène « croisade » ou d'un phénomène « colonisation » ; alors que, vu du côté juif, le Retour est spirituellement irréductible à l'un et l'autre de ces phénomènes, du côté arabe il en est politiquement indiscernable, à moins d'une compréhension en imagination et en sympathie des raisons bibliques de la « montée » des Juifs en Palestine. Pour que les Arabes puissent accepter du fond du cœur Israël, il faudrait qu'ils puissent comprendre, mais sans la partager, la géo-théologie d'Israël. Je ne vois guère que cette compréhension de la réalité biblique d'Israël soit dans la ligne de la révolution populaire qui est en train de se développer à partir du Caire et de Damas. C'est pourquoi mon pessimisme et mon inquiétude sont grands quant à l'avenir de la paix au Moyen- Orient. En fait le monde arabe était encore un « objet » de la politique mondiale entre 1917 et 1948 ; cet état de fait, que Bennabi a décrit comme état de « colonisabilité », a favorisé la création de l'Etat d'Israël ; car il a permis de négliger relativement l'aspect arabe du Retour des Juifs en Palestine. Or cette situation n'existe plus, ou de moins en moins ; c'est pourquoi certaines des conditions qui existaient pour la création de l'Etat d'Israël n'existent plus pour son maintien. Le réveil du monde arabe me paraît gros de toutes les menaces d'un fascisme démagogique dont l‘irrédentisme des émigrés palestiniens sera le fer de lance. Mais du côté juif le déroulement de la politique du Retour ne me paraît pas moins lourd de menaces. L'Etat juif est né du renversement de la majorité en Palestine au profit des Juifs, par suite de l'immigration juive massive d'après-guerre et de l'émigration de plusieurs centaines de milliers d'arabes palestiniens lors de la guerre des frontières de 1948. L'avenir serait moins sombre si un nouvel équilibre démographique pouvait être établi à partir de cette situation de fait (et sous réserve d'une solution amiable du problème des réfugiés dont d'ailleurs nul n'entrevoit actuellement les termes). Mais la loi du Retour, « par laquelle l'Etat d'Israël s'est engagé à assurer à tout juif menacé le droit d'immigration immédiate et de citoyenneté inconditionnelle », fait de l'Etat d'Israël un Etat virtuellement ouvert à plusieurs millions d'immigrants. Ici André Néher fait remarquer « qu'il dépend uniquement de la volonté des peuples non-juifs que cet appel ne provoque aucune rupture d'équilibre démographique » (226). C'est vrai ; mais ce ne sont pas les peuples arabes qui, une fois encore, détiennent la clé de l'oppression et donc de l'immigration en Israël ; la masse juive de la Diaspora est en Russie et en Amérique. Mais surtout la seule existence de l'Etat d'Israël et de la Loi du Retour constitue un « appel » adressé à tout Juif dans le monde, indépendamment de la persécution. A. Néher parle lui-même de « l'inséparable unité » (223) entre l'Etat d'Israël et le judaïsme de la Diaspora; il ajoute aussitôt, il est vrai, que « le Juif de la Diaspora sait différencier les liens qui le rattachent à sa patrie de ceux qui le relient à la fratrie israélienne » (225) ; mais cette différenciation n'est-elle pas subtile et fragile, comparée à la puissance d'attraction de la « fratrie israélienne »? Pour qui veut penser à longue échéance, la Loi du Retour n'est-elle pas un facteur de dissociation pour le « patriotisme » des Juifs de la Diaspora, du moment qu'ils se considèrent eux-mêmes comme des Juifs et non pas seulement comme des citoyens parmi d'autres ? Si la Palestine est le centre de I'Exil, le Retour n'est-il pas la destinée normale de tout Juif qui se reconnaît en Exil ? Ne lui faut-il pas des raisons de ne pas « monter » en Israël, du moment que sa destinée est de faire partie du « cortège innombrable des olim ? On aimerait avoir ici une anticipation raisonnable, par des Juifs croyants et non-croyants, israéliens et non-israéliens, des rapports futurs entre le judaïsme de la Diaspora et l'Etat d'Israël. Les perspectives ouvertes par la Loi du Retour, à l'époque du réveil arabe, ne peuvent, me semble-t-il, que s'assombrir à mesure que l'Etat d'Israël deviendra un Etat laïque. Cela paraît paradoxal d'avancer ce motif, après avoir axé sur la théologie du Retour toute l'entreprise politique d'Israël. Mais précisément la politique qui trouve son sens dans une telle théologie peut aussi y trouver sa mesure. Or si, comme je le lis partout, les Juifs croyants, capables de donner au Retour le sens d'une « conquête mystique de l'absolu » (223), sont une minorité de plus en plus faible en Israël même, je me demande bien ce que peut signifier le Retour hors de la « prophétie biblique » et ce qui peut protéger toute l'entreprise politique d'un Israël laïcisé contre le militarisme et l’expansionnisme à base raciste. A vrai dire, ce qui est difficilement compréhensible pour un non-Juif, c'est le sens que peut conserver le Retour chez un Juif non-croyant ; s'il y a un mystère du Juif croyant, il y a une énigme du Juif non-croyant et qui se reconnaît Juif. Or c'est sur cette énigme que semble devoir s'édifier l'avenir d'Israël. Je ne vois rien dans l'étude d'A, Néher qui m'aide à comprendre cette énigme. Croit-il, comme sa dernière page le laisse entendre, qu'un Juif aussi « laïc » soit-il, reste toujours animé, du seul fait qu'il est juif, par « les motivations qui jaillissent également de la source biblique » (228) ? La possibilité d'un Etat d'Israël qui ne se comprendrait plus lui-même par la promesse biblique, qui tiendrait cette promesse pour un mythe fondateur à la mort duquel l'Etat pourrait survivre en tant qu'Etat, est-elle donc radicalement exclue de l'horizon historique ? N'est-ce pas avec cette possibilité que les Prophètes de l'ancien Israël ont sans cesse lutté, contre elle qu'ils ont prophétisé ? Or c'est à cette éventualité qu'est suspendue la détérioration de la situation au Moyen-Orient ; si Israël est trop faible pour menacer réellement les Etats arabes, quoi que ceux-ci feignent de croire, la réduction d'Israël à une puissance parmi les puissances, opposant militarisme à militarisme, expansionnisme à expansionnisme, serait un facteur d'insécurité et de tension supplémentaire. Au fond, ce dont souffre le Moyen-Orient c'est d'un conflit de géo-théologies sans cesse dégradées en géo-politiques. Israël et l'Islam ne sont-ils pas frappés du même mal, qui est en partie notre œuvre ? Telles sont les perspectives effrayantes du conflit judéo-arabe. Si nous n'y prenons garde, c'est de là que peut partir l'étincelle de la guerre atomique. C'est pourquoi seules des mesures conservatoires peuvent être envisagées actuellement, à défaut d'un véritable dialogue judéoarabe, actuellement hors de portée. 1) L'état d'équilibre atteint en 1948 reposait sur l'accord entre les grandes puissances et d'abord entre les Etats-Unis et l'Union soviétique. La paix au Moyen-Orient ne peut reposer que sur la reconstruction de l'accord de 1948. L'embargo sur toutes les armes à destination de tous les pays du Proche-Orient est la première mesure conservatoire qui s'impose aux grandes puissances. 2) Seule une politique parallèle de non-engagement dans les blocs de puissance peut recréer une communauté de vues entre Israël et les pays arabes ; Nahum Goldmann est sur ce point le véritable interprète des intérêts d'Israël. 3) L'équilibre démographique actuel du Moyen-Orient doit être garanti par les puissances; A. Néher propose que la Loi du Retour soit « examinée par une Cour Internationale de Justice du genre de celle de la Haye » (226), afin de lever le soupçon qu'elle soit un moyen détourné d'expansionnisme israélien ; cette proposition est très intéressante et rentre dans le projet de reconnaissance par les autres de la vocation d'Israël. 4) Les puissances doivent obtenir la reconnaissance formelle par les Arabes de l'Etat d'Israël dans ses frontières actuelles (ou approximativement) et la signature d'un traité de paix en échange de l'étude de formules neuves de fédération qui assureraient à Israël une existence nationale à l'intérieur d'un ensemble politique où les Arabes joueraient le rôle décisif. Seule « la reconnaissance du fait arabe au sein de l'œuvre sioniste » (selon le mot d' A. Néher) (220) et la reconnaissance du fait sioniste au sein de r entreprise arabe pourraient mettre fin au conflit [udéo-arabe. Nous n'en sommes pas là. Tout va même en sens contraire. Du moins dépend-il des grandes puissances, qui ont consenti à l'existence d'Israël, de vouloir maintenant sa coexistence avec le monde arabe, puisque c'est le problème qu'elles ont créé en voulant réparer l'échec de l’existence d'Israël au sein de la chrétienté. Paul RICŒUR. Après avoir lu l'article de Paul Ricœur, André Neher nous a envoyé les lignes suivantes : Je ne crois vraiment pas nécessaire de munir de notes le texte de Ricœur, tant je suis d'accord avec lui (ou, dans la mesure où il parle en chrétien, - et pour reprendre ses propres termes, - tant je suis en sympathie avec lui). De tous les efforts de réflexion sur Israël tentés jusqu'ici par des non-juifs, c'est certainement l'un des plus émouvants et l'un des plus justes. Je souscris sans réserves aux propositions de mesures conservatoires formulées par Ricœur. Tout au plus suis-je un peu plus optimiste que lui en ce qui concerne leur pouvoir éventuel de « conservation » et de construction d'un avenir pacifique. Je ne crois pas, en effet, aux dangers de la Loi du Retour. L'expérience des dix années écoulées (et même du demi-siècle de sionisme) montre qu'en fait, à de rares exceptions près, l'attraction de l'Etat d'Israël, dont Ricœur craint les répercussions, ne s'exerce massivement qu'en contexte de persécution. La dialectique de l'Exil et du Retour obéit à la « règle sociologique fondamentale » signalée par Rabi : elle est tributaire, en politique concrète, non de la manière dont les Juifs dans le monde envisagent leur propre situation, mais de la situation réelle dans laquelle ils sont placés par les nations. La mesure conservatoire n° 3 résoudrait suffisamment ce problème. Je ne crois pas non plus aux dangers d'une laïcisation absolue de la politique d'Israël. Tous les signes actuels montrent que nous sommes effectivement dans la situation biblique, mais la vigilance prophétique tend à remporter sur le positivisme politique. Il existe, en Israël, une perpétuelle réflexion sur les actes politiques, et elle n'est pas menée par des personnalités marginales, mais par les hommes politiques eux-mêmes qui détiennent les responsabilités du pouvoir. Constamment ils reviennent sur le sens qu'il faut donner, qu'ils voudraient donner, à la campagne du Sinaï, à la politique d'immigration, à l'essence de l'Etat, - et les plus laïcs parmi ces hommes politiques se réfèrent non aux données positives et réalistes mais à la réalité métapositive de la vocation biblique du peuple juif (voir le compte-rendu des débats du Congrès Idéologique de l'Organisation Sioniste d'août 1957, à Jérusalem, auquel Rabi fait allusion et auquel il m'a été donné de participer personnellement. Ce compte-rendu vient d'être publié in-extenso dans la Revue philosophique Hazout, 1958, N° 4). Ce qu'il faut intensément espérer, c'est, comme Ricœur et Rabi l'indiquent eux aussi, que des réflexions semblables s'instaurent du côté arabe, afin que le dialogue judéo-arabe, enfin libéré des obsessions occidentales, ne commence pas sur l'abîme, mais sur une position concrète, préparée de longue date avec ténacité et espoir. Depuis la création de l'Etat, un périodique pour l'entente judéoarabe - N er, Lumière - paraît, sans interruption en Israël, recrutant ses courageux rédacteurs parmi des penseurs engagés dans la vie normale du pays et y assumant des responsabilités élevées. Existe-t-il quelque chose de semblable dans les pays arabes ? André NEHER. Ne pas tomber à Gaza dans le piège du Hamas Les islamistes palestiniens connaissent d’autant mieux Israël que de longues années de prison ont permis à nombre de leurs cadres et militants d’apprendre l’hébreu. Il est dès lors exclu qu’ils soient surpris par la violence de la riposte israélienne et par la dévastation qu’elle a d’ores et déjà causée dans la bande de Gaza. Non seulement la direction du Hamas s’y est préparée, mais elle a planifié la cruauté systématique des massacres terroristes du 7 octobre pour que les représailles israéliennes atteignent justement ce niveau paroxystique. Le gouvernement Nétanyahou et ses soutiens étrangers auraient dès lors tort de s’illusionner sur l’efficacité de la campagne en cours, et ce sans même prendre en compte les considérations humanitaires. Il leur faut au contraire s’interroger sur le piège que le Hamas pourrait bien être en train de refermer sur Israël à Gaza. Une longue histoire de manipulation En septembre 1973, le gouverneur israélien à Gaza participe à la cérémonie d’inauguration de la mosquée du cheikh Ahmed Yassine, qui dirige les Frères musulmans dans l’enclave palestinienne, occupée depuis déjà six ans. Les autorités israéliennes ont en effet décidé de jouer les islamistes de Gaza contre les nationalistes de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), dont la guérilla de basse intensité a été écrasée par le général Ariel Sharon. Ce pari sur les islamistes palestiniens suscite un vif débat au sein de l’armée et des renseignements en Israël, mais il est tranché en faveur de Yassine qui obtient, en septembre 1979, l’autorisation de recevoir des financements étrangers. Les accrochages qui s’ensuivent entre partisans de l’OLP et islamistes à Gaza confortent en Israël les tenants du « diviser pour régner ». Ceux-ci se félicitent même de la fondation, par le cheikh Yassine, en décembre 1987, du Hamas, l’acronyme arabe du Mouvement de la résistance islamique, tant cela affaiblit l’intifada, soit le soulèvement non armé de l’OLP dans les territoires occupés. Lire aussi : Guerre Israël-Hamas : l’Egypte se pose en médiateur de premier plan Alors que des milliers de militants de l’OLP sont emprisonnés, il faut attendre mai 1989 pour que le cheikh Yassine soit détenu par Israël, puis condamné à la perpétuité pour terrorisme. En décembre 1992, des centaines d’islamistes palestiniens sont expulsés vers le Liban, où ils nouent avec le Hezbollah une alliance déterminante dans la prolifération des attentats-suicides, au nom du refus de la paix signée entre Israël et l’OLP. En juillet 1997, le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, libère pourtant Yassine en échange de deux agents du Mossad (le service de renseignement israélien) qui ont échoué à assassiner un autre dirigeant du Hamas en Jordanie. Le retour triomphal du chef islamiste à Gaza porte un coup sévère à Arafat et à son Autorité palestinienne. Le processus de paix s’effondre avec la deuxième intifada, marquée, en mars 2002, par la réoccupation israélienne de la Cisjordanie. Ariel Sharon, désormais premier ministre, refuse néanmoins de liquider l’Autorité palestinienne, tout en décapitant le Hamas, avec un raid meurtrier contre Yassine, en mars 2004. Le retrait unilatéral de Gaza, décidé par Sharon en septembre 2005, consolide deux enclaves palestiniennes, l’une contrôlée par l’OLP en Cisjordanie et soumise à la pression de la colonisation, l’autre aux mains du Hamas dans une bande de Gaza sous blocus. Le pari du Hamas sur un bain de sang à Gaza Le Hamas a brisé, par sa campagne de terreur du 7 octobre, un statu quo aussi favorable à Israël. L’OLP, déjà discréditée par l’autoritarisme et la corruption de son président, Mahmoud Abbas, est devenue, à ce stade, inaudible, tandis que les amalgames entre « Palestiniens » et « terroristes » font naturellement le jeu du Hamas. Les islamistes palestiniens ont d’ores et déjà suspendu, voire cassé la dynamique des « accords d’Abraham » sur laquelle Israël avait tant misé pour enterrer la question palestinienne. Non seulement l’Arabie saoudite n’envisage plus de normaliser ses relations avec Israël, mais Mohammed Ben Salman peut être tenté de durcir le ton à destination de l’opinion saoudienne et arabe. Car c’est une véritable vague de fond qui traverse le monde arabe face aux insoutenables images de Gaza, où la majorité des victimes des bombardements israéliens sont des civils. Mais c’est surtout la perspective d’une expulsion massive d’une partie de la population palestinienne qui pousse les régimes arabes au bord du gouffre. Le Hamas est conscient qu’il sera vaincu militairement dans la guerre qu’il a déclenchée depuis Gaza. Mais il est persuadé qu’il triomphera politiquement si le soutien inconditionnel des démocraties occidentales à Israël déstabilise les régimes les plus proches de ces mêmes démocraties dans le monde arabe. L’Egypte et la Jordanie sont, dès à présent, les plus menacées, mais d’autres pays pourraient être touchés, au Moyen- Orient comme en Afrique du Nord, à mesure que le conflit se prolongera et que les victimes, tombées déjà par milliers, le seront par dizaines de milliers. Le risque d’une telle onde de choc est sans doute bien plus élevé que celui d’une extension militaire du conflit au Hezbollah et à l’Iran. Il n’est pas encore trop tard avant que le piège du Hamas se referme sur Israël à Gaza, entraînant la région dans sa spirale destructrice. Mais le temps presse pour qu’un cessez-le-feu soit proclamé au plus tôt en contrepartie de la libération des otages détenus à Gaza. Et ce cessez-le-feu ne sera lui-même qu’un moindre mal s’il ne débouche pas très vite sur des négociations en vue de la démilitarisation des territoires palestiniens, sur lesquels sera établi un Etat vivant enfin en paix avec Israël. Il est vital, oui vital, de ne pas laisser le Hamas l’emporter à Gaza, même sur un champ de ruines. JP. FILIU 23/10 Merci Pierre de verser au débat ces deux réflexions, qui proposent des éclairages que l'exacerbation actuelle des passages à l'acte pourrait occulter. Il me semble pertinent de rappeler que les palestiniens payent très cher depuis 1948, année de ma naissance, les exactions commises à l'égard des juifs depuis des siècles par notre civilisation occidentale perverse, tellement confite dans l'auto-congratulation quant à sa haute valeur par rapport à la barbarie qui l'entourait, selon elle. La question de l'Ombre projetée, qui ne cesse de me préoccuper, est au cœur de cette situation, les juifs ayant supporté pendant toute cette période cette projection de tout ce que les occidentaux étaient incapables d'assumer dans les recoins les plus obscurs de leur psyché. Nous avons cru pouvoir solder, nous exonérer, de ces démons forclos, par le "plus jamais ça" proféré par la génération de mes parents au sortir de la catastrophe, et par la création d'un État communautaire un peu éloigné, au bout de la méditerranée, res nullius sinon derelictae, pas "chez nous" en tous cas. Ceci incidemment au prix de l'oubli de ce que cette partie du monde recèle comme valeur symbolique dans notre imaginaire sacré, de Gilgamesh à Jésus. Ce sont désormais les "arabes" qui se retrouvent objets de ces projections perverses, et nous rappellent, dans leurs réactions à l’oppression qu'ils subissent par contrecoup, que c'est bien cet héritage que nous devons assumer, si nous prétendons le transformer, sauf à rester englués dans le clivage, entre Bons et Méchants, entre Bien et Mal. J' en profite pour rappeler que l'Ombre n'est pas seulement constituée de contenus négatifs, mais également de contenus de grande valeur que nous ne savons "simplement" pas accueillir et mettre à l’œuvre, tant ils nous demandent de présence. Yves 23/10 Merci Pierre pour ces deux textes qui sont une précieuse contribution à la réflexion sur le conflit entre l'Etat d'Israel et le peuple palestinien. Je suis d'accord avec la proposition de J-D. Filiou, sur un accord de cessez-le-feu en échange de la libération des otages détenus par le Hamas. Mais qui fera cette urgente proposition Le gouvernement français ?
De plus en plus de manifestants et de personnalités du monde entier demandent ou exigent un cessez-le-feu et des négociations.
Et l’Iran menace d’intervenir avec ses alliés, dont le Hezbollah du Liban. Tout peut arriver.
Et de plus en plus d’habitants de la zone de Gaza meurrent sous les bombes ou par manque de l’essentiel, soins et manque d’’eau potable.
Une offensive terrestre de l’armée israélienne est quasi inévitable.
Et parmi la panoplie des moyens utilisés, on peut craindre l’utilisation du gaz hallucinogène BZ fourni par les USA.
Le BZ a été expérimenté en juillet 1995 sur les hommes qui étaient partis en colonne depuis les hauts de Srebrenica ele 11 juillet en direction de Nezuk (à 80 km au nord). Ils étaient 14’000 au départ, mais seuls 5500 d’entre-eux ont survécus aux massacres successifs, ensuite reconnus par le TPIY comme "Génocide de Srebrenica".
L’utilisation de ce gaz BZ, a permis aux forces serbes de capturer des milliers d’hommes qui étaient sous une emprise similaire au LSD et de les conduire dans la vallée (nt. dans un hangar agricole à Kravica) où ils ont été exécutés. Ce fait, pourtant relevé dans le Rapport de Kofi Annan en 1999, est escamoté par les médias qui situent le "massacre" (le terme "génocide" est rarement utilisé) en ville de Srebrenica, comme encore récemment dans le journal Le Monde.
Etant initiateur de la Marche pour la Paix qui a lieu depuis 2005 entre Nezuk et Srebrenica/Potocari (8-10 juillet) je connais bien ce qui s’est passé entre 1992 et 1995 en Bosnie-Herzégovine et notamment dans la région de Srebrenica. Et je sais que ce qui a été expérimenté sera tôt ou tard réutilisé. Et peut-être aussi lors du prochain conflit en Bosnie-Herzégovine en 2027.
Bien cordialement.
Ivar

23/10
Une nouvelle pièce à verser au débat, venant de l’UJFP :
https://ujfp.org/catalyse-totalitaire/
Yves

23/10
Sujet : Israël / Hamas
J’avoue ne pas comprendre l’occultation systématique du fait que les « musulmans » ont refusé la création d’un état palestinien autonome proposé par l’ONU.
D’autres points me turlupine :
 La méconnaissance des fondements du judaïsme et de l’islam. Deux cultures orthopraxiques proches à vocation universaliste.
 Parler de deux états / nations est une projection nationaliste occidentalisée. Le judaïsme rabbinique s’est construit sur l’intégration dans les pays d’ailleurs, ce qui le sauva et fit sa richesse.
 Le sionisme est le fruit morbide des pogromes et du courant nationaliste européen. Les juifs israéliens colonialistes sont-ils encore des juifs ? Depuis la chute du Temple, la judéité n’est plus territoriale, ce qui en fait pour nous libertaires un sujet de méditation exemplaire.
 L’islam ne peut être nationaliste en raison de son essence religieuse comme gouvernance du monde : tout pouvoir vient de Dieu et non d’élections. Le panarabisme fut un échec. Les nations musulmanes réelles sont rares et s’appuient sur des tradition locales pré-coloniales : Maroc…
 L’Europe mit des siècles à se séculariser en profondeur. Le traité de Westpahlie (1648) marque le début de la paix religieuse. La guerre Israël / Palestine ne fait que commencer. Pour son malheur, elle bénéficie à beaucoup de pays et de marchands d’arme.
 Reconnaître le merdier, n’est pas une analité, mais une lucidité douloureuse.
R-D M

24/10
Bonjour à tous
je vais continuer à vous assommer de textes (Atalya et Boualem Sansal) avant de revenir sur ce texte de Lordon qu’Yves nous a fait suivre.
Donc deux textes de gens qui me sont chers. Le premier vient d’Israël, il émane de gens qui continuent malgré tout à croire que le possible existe, les résistants non-violents, l’autre est un court texte de Boualem Sansal qui, criant dans le désert, nous averti du danger de la gouvernance religieuse. cf Gouverner au nom d’ALLah : "Nous les avons accueillis avec sympathie, un brin amusés par leur accoutrement folklorique. Quelques années plus tard, nous découvrîmes presque à l’improviste que cet islamisme qui nous paraissait si pauvrement insignifiant s’était répandu dans tout le pays."
Maintenant Lordon, perso je supporte pas ce mec grand donneur de leçon, mais peu importe.
Dans ce cas c’est ce qu’il dit à propos du mot terrorisme, son refus permet de ne pas s’interroger sur la nature même du Hamas et sa relation à une vérité non divine. CE qui me fascine c’est le glissement d’une réalité :de la résistance palestinienne menée par une OLP laïque, areligieuse parmi laquelle on trouvait musulmans, chrétiens , athées mêmes on passe à une organisation intégriste qui ne le cache pas qui est dans une lutte mortelle avec la précédente et dont tous les chefs politiques vivent ailleurs qu’a Gaza.
Voilà rapidos ma petite opinion.
Bonne lectures
Pierre

Sujet : Israël / Hamas
24/10
Merci pour ces deux textes.
Lire et relire Samsal un plaisir et un réconfort.
Je viens de découvrir que dans beaucoup de pays musulmans, on ne parle pas d’israël mais d’entité sioniste.
Cette litote en dit long sur l’état d’’esprit qui règne actuellement.
 L’israël ne peut pas exister en tant qu’Etat.
 C’est un nom imprononçable qui irriterait la glotte.
 Tout présence sur une terre labellisée est interdite et représente le blasphème absolu.
 Mort aux Juifs, le seul objectif possible.
 L’islam est entré dans une sclérose en plaques. Les idéologues cachent leurs objectifs derrière des slogans religieux et politiques douteux.
J’admire le courage d’Atalya et de ses amis. LEs marches pour la paix sont escroqueries de nantis.
R-D M

24/10
Merci Dominique,
J’ai également soulevé cette question de non-développement d’un Etat palestinien lorsque c’était sans doute possible vers 1947. Est-ce que tu aurais des précisions à ce sujet ? Qu’est-ce qui a empêché cette création ? Est-ce qu’il aurait encore été possible d’éviter cette prise de pouvoir des ultras israéliens avec comme conséquence l’acaparement de territoires palestiniens et exode forcé vers le Liban de 700’000 palestiniens ?
Il y avait alors des Palestiniens et des Juifs qui étaient en faveur d’une coexistence, qu pouvait alors prendre la forme de deux administrations dans le cadre d’un Etat fédéral. Il serait intéressant de savoir si des anarchistes ont émis des propositions et lesquels ? Aujourd’hui la création d’un Etat palestinien est beaucoup plus difficile qu’en 1947 et sans doute impossible tant qu’il n’y a pas de reconnaissance réciproque, comme débuté dans les Accords d’Oslo qu’en très petite partie réalisés, et remis en question ces jours par le siège de Gaza et l’occupation militaire de la Cisjordanie, qui n’empêche pas les exactions des colons.
Bien cordialement.
Ivar

24/10
Sujet Israël / Palestine
Yvar,
Le texte envoyé par Pierre fait le tour du point de vue historique dont la complexité saute aux yeux.
Par contre , il n’aborde pas vraiment la question de l’antisémitisme récurrent et du raciste partagé entre la plus part des populations locales.
L’islamo-fascisme est une réalité liée à l’engagement pro-nazi du Grand Mufti de Jérusalem (fait Aryen d’Honneur par Hitler) de l’époque qui fut un ardent défenseur du refus des deux états proposés par l’ONU.
Du coté juif, il y avait bien un courant athée (un athée juif est-il encore juif ?), mais du côté musulman, la doxa islamique régnait.
L’Europe a mis des siècles à résoudre ses conflits religico-poliitiques. L’Islam est bloqué sur cette question par la notion de gouvernement divin et l’ijtihâd, la clôture de l’interprétation du Coran.
Pour ma part, je ne vois pas de solution rapide. D’autant que les enjeux dépassent et surpassent la thématique Israël/Palestine/Hamas.
Merci à Pierre pour ce texte qui devrait calmer les ardeurs de certains.
R-D M

24/10
Oui, il suffit dès fois de demander car on ne peut pas tout connaître, et j’ai dès fois aussi fait des erreurs.
Mais nous sommes là pour nous entr’aider. : c’est une des qualités du mouvement anarchiste.
Ceci dit, bien des questions restent en suspend, comme par exemple la non-mixité entre Israéliens et Palestiniens dans les Kibboutzs.
Mais lorsque les civils israéliens ont du quitter Gaza vers 1993,, un de ceux-ci, maraîcher, a remis ses terres et serres à ses collaborateurs maraîchers palestiniens, devenus des amis.
Il faut espérer que ces liens ont continué, et vont reprendre dès que la situation le permettra.
Des rapprochements similaires ont eu lieu en Bosnie-Herzégovine après la guerre de 1992-95, même dans la région de Srebrenica. Mais là aussi tout peut encore s’écrouler, non pas à haines ethniques, mais par volonté et calculs politiques sordides de certains dirigeants nationalistes serbes et croates.
Partout, ce sont surtout les civils qui trinquent, comme ces pauvres membres de Kibboutzs proches de la zone de Gaza.
A quad une solution en faveur de tous et toutes ?
Ivar

27/10
Bonjour à tous,
Ci-dessous un message que j’ai envoyé aussi bien à des sionistes que des antisionistes. Pour ceux que ça intéressent... Bonne lecture !
Shalom/Salam,
Préoccupé comme vous par la situation au Moyen-Orient et sensible à la souffrance de deux peuples pris en otage par leurs autorités politiques et religieuses ; mais aussi fâché de lire ou d’entendre les mêmes "experts" et bien-pensants occidentaux débiter les mêmes sornettes, sans jamais aller aux racines, j’ai décidé de vous écrire. Furieux aussi de voir ceux qui s’amusent à mettre de l’huile sur le feu pour essayer d’importer le conflit.
Bien que je connaisse un peu le sujet, je ne me prétends nullement expert. Mais j’ai essayé d’aborder au plus court trois points dont il faut absolument tenir compte dans ce type de conflits.
Loi du talion vs non-revanche. – Comme vous le savez peut-être, il existe une très vieille loi, qu’on trouve dans la Bible hébraïque, et qu’on appelle la loi du talion. C’est une loi de réciprocité qui veut que les vengeances soient proportionnelles au crime ou dommage infligé : "Vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent…"
Malheureusement, dans les faits, les représailles – surtout entre armées rivales et avec les techniques modernes – provoquent souvent une surenchère. De part et d’autre, le principe de proportionnalité est rarement respecté. En outre, même une application rigoureuse de la loi du talion peut entraîner les belligérants dans un engrenage infernal où tous risquent de finir "aveugles" et "édentés". Surtout si les deux parties pensent être dans leur bon droit ("c’est l’autre qui a commencé").
C’est pourquoi, un rabbi du premier siècle nommé Yéshoua, plus connu ici sous le nom de Jésus, sans abolir la loi du talion, proposa une autre approche pour sortir du cercle vicieux : la non-revanche, "tendre l’autre joue quand on nous frappe". Principe extrêmement difficile à suivre et que je n’ai personnellement encore jamais réussi à appliquer.
Mais alors pourquoi je raconte ça ? Tout simplement parce que j’estime que tous les antisionistes ou "amis de la paix" qui crient "Israël assassin" dans certaines manifestations devraient eux-mêmes être capables de ne pas répliquer quand ils subissent quelque dommage, c’est-à-dire de "tendre l’autre joue". Sans quoi ils ne sont pas très crédibles pour critiquer ceux qui exercent des représailles.
Droit de propriété et autorité. – Pour beaucoup de gens, sans forcément le dire aussi explicitement, les sionistes ont volé cette terre aux Arabes appelés Palestiniens (au passage, c’est l’empereur romain Hadrien qui renomma la Judée "Palestine" après la grande révolte juive du IIe s.). Ces derniers seraient alors les vrais propriétaires de ce pays et les "méchants" sionistes les auraient expropriés et expulsés. Soit. Il se trouve que j’ai étudié un peu cette question, puisque j’y consacre quelques lignes dans un prochain livre (via une section sur le sionisme chrétien). Et par ailleurs, parce que je suis contre le principe d’État, le monopole foncier et surtout la propriété lucrative. Mais ce que je me demande, c’est pourquoi critiquer l’État et le droit de propriété d’Israël alors qu’en réalité tous les États du monde ont fait pareil ? Pourquoi ne pas contester ce droit en Suisse, en France, etc. et surtout aux États-Unis où les colons ont réellement commis un génocide ?
Pour rappel, le baron E. de Rothschild, le Fonds National Juif, etc. ont acheté nombre de ces terres aux autorités ottomanes et aux grands propriétaires arabes, parfois au détriment des petits agriculteurs locaux. Mais existe-t-il un pays où les choses se sont passées autrement ? La vingtaine d’États arabes ont-ils agi différemment ? La propriété est-elle collective ? Le clan Saoud en Arabie ou la famille Al Thani au Qatar ont-ils équitablement partagé les terres qu’ils se sont appropriées ?
Il s’agit donc moins d’une question de peuple contre un autre (plus ou moins légitime) que de classes sociales. Accepter le principe d’État et le droit de propriété partout ailleurs, sauf pour Israël, c’est une forme d’antijudaïsme primaire. Un peu comme ceux qui ne voient que les grands capitalistes juifs sans voir les autres. Ceux qui voyaient par exemple en Arafat, milliardaire égyptien, le digne représentant du peuple palestinien opprimé. Or l’autorité palestinienne n’est pas meilleure que l’autorité israélienne. Dans le monde entier, le pouvoir corrompt et est corrompu.
Monothéisme et messianisme. – Un autre discours que j’entends parfois, mais là plutôt du côté des athées, c’est que le problème au Moyen-Orient viendrait du monothéisme ou du messianisme. Selon ce point de vue, aussi bien les juifs que les musulmans seraient belliqueux à cause du Dieu unique et/ou de la pulsion messianique. Vision assez simpliste d’un problème en réalité tout humain (orgueil, nationalisme, etc.). La religion est souvent utilisée comme prétexte et le clergé sert, non pas Dieu, mais une politique. Les deux guerres mondiales n’ont d’ailleurs eu besoin d’aucune base théologique : la volonté de puissance, le nationalisme, le darwinisme social, etc. ont amplement suffi. Et ce fut les guerres les plus meurtrières.
Les juifs qui détestent ou méprisent les non-juifs ou les musulmans qui font pareil sont des nationalistes qui utilisent la spiritualité pour justifier leurs luttes charnelles. Et pour l’aspect messianique, les mêmes qui hier ont rejeté le Messie ne l’accepteraient pas davantage aujourd’hui. Et cela est aussi valable pour la plupart des Églises qui excommunient déjà symboliquement Jésus, tant son message dérange le système politique, technique, économique et religieux.
Par ailleurs, pour être allé à Jérusalem il n’y a quelques années, j’ai pu découvrir avec grande tristesse que les juifs, musulmans et chrétiens sont œcuméniques, mais dans un mauvais culte : la technolâtrie. Les pèlerins que j’ai vu là-bas sont à la fois des adorateurs d’eux-mêmes et de la technique (films, selfies, etc.). Non seulement Israël est un État militarisé et technicisé avec des caméras partout, mais en plus les gens se filment et se photographient en permanence. Spectacle épouvantable pour un iconoclaste.
Les soldats du Hamas, soutenus par l’Iran et le Qatar, ont aussi montré quel dieu ils servaient en commettant des crimes odieux et en filmant leurs forfaits. Ils sont bien pires que les pornographes.
Bref, ce qui se passe au Moyen-Orient n’est que le reflet d’un monde basé sur la division de classes, entre possédants et dépossédés, oppresseurs et opprimés. Et on aurait bien tort de croire que l’oppression vient seulement des Israéliens dans le conflit arabo-israélien, comme on aurait tort de penser qu’elle ne vient que des Russes dans le conflit russo-ukrainien.
Sans aller aux racines, tous ces débats ne sont que vanité et spectacles médiatiques. C’est le règne de l’hypocrisie…
Beno Hasopher

27/10
Merci Beno pour ton long texte plein de bon sens et de lucidité.
Je reviens sur un point : Monothéisme et messianisme
Je te renvois à la série d’articles publiés dans Divergences sur le monothéisme et la violence. L’histoire et la pensée religieuse ont joué de mauvais tours à notre pathos occidental. Je viens de mettre un ligne un article le millénarisme :
Millénarisme
L’âge d’or des crédules
Monothéisme et millénarisme ne sont pas la cause mais le fonds de commerce de toutes les idéologies occidentales. Les mécanismes de sécularisation ont détourné l’attention sur l’aspect factuel de la situation.
Encore une fois merci. Discussion anarchiste permet de clarifier la position de chacun et oblige à un effort intellectuel devenu trop rare.
Amicalement
R-D M

27/10
Je me permettrais juste de préciser qu’aucune grande religion connue n’est monothéiste.
Le judaïsme a des anges et des archanges, c’est-à-dire des demi-dieux, et le judaïsme tel que pratiqué abonde en rabbins saints, que les coupeurs de cheveux en huit s’acharnent à ne pas poser en, précisément, demi-dieux, mais ça ne trompe personne.
Le christianisme a trois dieux, plus la Vierge Marie, plus toute la hiérarchie céleste et celle de l’enfer, et enfin une tripotée de saints, qui reprennent avec alacrité les multiples fonctions des dieux païens. Le protestantisme a essayé de se sortir du bourbier, mais il reste quand même coincé avec trois dieux pour le prix d’un.
Quant à l’Islam, sa vénération pour son prophète est éminemment suspecte, sans parler de tous les saints shiites, ou des kyrielles de marabouts sunnites.
"Monothéisme", au sens réel, concret, désigne plutôt l’effort occidental de jeter l’opprobre sur une foule de dieux fonctionnels (du vin, de la chasse, des voyageurs, etc.) dans le but très clair d’écraser la concurrence des dieux locaux qui créaient une multitude de clergés indépendants les uns des autres. Un dieu "unique" et universel permettait la création d’un clergé unique et universel. Rappelons la très révélatrice contradiction de l’intitulé de l’Eglise... catholique et romaine. O mânes de l’Empire romain, que l’Eglise apostolique, catholique et romaine a toujours rêvé de ressusciter !
En revanche, nous savons toustes ici que le millénarisme a pour principale fonction de rejeter l’égalité, la sécurité et le bonheur dans l’avenir supernaturel, loin du présent réel, dans le but non moins évident de préserver les privilèges des puissants et l’asservissement du reste.
Enfin, si j’avais quinze ans, je commenterais la narquoise observation de Beno Hasopher sur la grotesque iconodulie générale, en particulier chez des gens qui devraient abominer les images (i.e, les esclaves du judaïsme et de l’islam) par trois lettres à présent bien connues : mdr. Mort de rire !
Nestor Potkine

28/10
Salut et suggestion…
La croyance en la toute-technologie s’est effondrée le 7 octobre avec la chute du mur autour de Gaza. Est-ce NuagefOu ne pourrait pas nous pondre un texte là-dessus pour Divergences.be ? Je m’en délecte à l’avance !
Adelphiquement Caillou (Gr.Pierre Besnard, à titre individuel)

29/10
Kaliméra se ola,
Certes Beno, ce doit être insupportable à regarder, tout comme c’est insupportable de relire le magnifique témoignage Sabra et Chatila de Jean Genet de 1982.
Comme toujours, dans l’histoire de l’humanité, la réciproque en atrocité est toujours vraie aussi bien dans les guerres de religions que dans les guerres tout court.
Avec la violence c’est toujours ainsi...
Pat Athènes

29/10
Sujet : Note de synthèse Israël / Hamas
Vous trouverez ci-joint un document, plus lisible qu’un mail.
Ravi de vous lire.
R-D M
A TOUS LES DISCUTEURS
Discussion Anarchiste (D-A) prend forme, pour moi, c’est un réel plaisir de sortir de mon isolement maritime et bocager. J’ai promis à Pierre de faire une note de synthèse sur le thème en cours de discussion : Israël / Hamas. Je dois remettre la copie avant le 10 novembre. Si vous avez des remarques supplémentaires à formuler ou des textes nouveaux à mettre dans le « stock », merci de me les faire parvenir.
Cette note relativement courte tentera de résumer la nature de nos échanges reflétant la diversité des approches de chacun. Personnellement, je trouve que nous avons largement atteint l’objectif de D-A. Le sujet périlleux entre tous n’a pas dérivé dans le rabâchage des lieux communs qui circulent sur le sujet. Tel l’affaire Dreyfus, « Israël / Hamas » est clivant. Les positions Anti et Pro n’étaient pas l’objet de la démarche.
Tous les textes mis en Stock de celui de Paul Ricœur (1958) aux plus récents fournissent une multitude de données indispensable à la compréhension de notre Discussion. Ce mode de fonctionnement me parait idéal. Votre avis ?
L’autre chantier sur l’Universalisme attend des contributions contradictoires, car ce thème, lui aussi, comporte des difficultés et des idées contradictoires.
En cours de route, nous avons dévié, au bon sens du terme, vers plusieurs sujets donc : le fédéralisme, l’individualisme, le monothéisme, le millénarisme, la définition de libertaire / anarchiste… Là D-C démontre sa nécessité.
Toutefois, le risque d’inventer le fil à couper le beurre ou de ressasser la doxa reste permanent.
L’exemple de l’Encyclopédie anarchiste et 40 ans d’expérience en Librairies (Strasbourg et Paris) et dans l’édition (PUF, 50 dictions et une monumentale encyclopédie philosophique universelle (EPU) m’ont appris que la vie intellectuelle impose de faire le point sur les problématiques et disciplines spécifiques.
Le dictionnaire et l’encyclopédie sont le moyen de fixer le vocabulaire, de déjouer les variations de sens, d’identifier les courants de pensée, de comparer et de mettre en place des corrélats. C’est une architecture intellectuelle à l’œuvre.
La retraite et le dialogue avec Pierre m’ont permis d’entreprendre un travail de longue haleine. En toute simplicité, rien que de se je jeter dans l’abîme. Le plan de cette rubrique se trouve à l’adresse suivante :
https://divergences.be/ecrire/?exec=rubrique&id_rubrique=826
Vous y trouverez plusieurs sous-rubriques : Lexique philo, Violence et monothéisme, Notes de lectures, Études stirnériennes, comportant déjà quelques articles.
Le travail du « cogiteur » solitaire décourage un peu. Si certains parmi vous souhaitent apporter des critiques, des remarques ou même de contributions, je les remercie d’avance.
Amicalement. Et une pensée libertaire à tous les morts pour rien d’un conflit hors-d’âge, mais trop présent.
R-D M (Dominique dans le civil)
PS.
Ci-joint le lien de l’article « millénarisme » :
https://divergences.be/ecrire/?exec=article&id_article=3545
Actuellement, je travaille sur la Métaphysique et l’I.A. et j’ai fini ma première contribution sur l’unversalisme.

31/10
L’attaque du Hamas rebat les cartes des technologies de guerre. C’est clair. J’y vois surtout la force du faible sui s’appuie sur l’arrogance qui gagne inévitablement le fort.
Ca me fait aussi penser, entre autre, à la façon dont Alexandre a tranché le noeud gordien.
Je réfléchis à ce que je pourrais écrire d’intéressant !? En même temps, il m’est difficile d’écrire sur ce drame qui dure depuis avant même ma naissance, pendant que du vrai sang s’écoule sous des bombardements déments — c’est peut-être de la sensiblerie, mais il y a un côté indécent 😕
Nuage Flou.

1/11
bonjour à tout le monde
Je vous fait suivre un texte que j’ai fauché dans l’OBS, Dialogue entre Kamel Daoud et Delphine Horvilleur
Bonne lecture
Pierre

1/11
J’ai effectué et rassemblé il y a une dizaine d’années une cinquantaine d’interviews d’athées en provenance du monde musulman. Je ne peux pas dire que les éditeurs accueillent le manuscrit avec joie... ce que je peux comprendre vu le risque mortel évident à le publier. D’ailleurs, l’un des interviewés, un ouvrier algérois qui m’affirmait ne pas cacher son athéisme à son entourage, à l’inverse d’une majorité des interviewé.e.s, a un beau jour brutalement cessé notre correspondance par mail... ce qui laisse croire qu’on l’a assassiné.
Mohamed de Radio Libertaire a récemment écrit "le malheur des Israéliens s’appelle Netanyahou, le malheur des Palestiniens s’appelle Hamas."
Insuffisant certes, mais très vrai...
Nestor

6/11
Des études ont été faites sur les soldats israéliens qui avaient connu la première Intifada et leur comportement une fois démobilisés : agressivité domestique, cauchemars, ils frappaient leurs femmes, etc. Même chose pour la Yougoslavie. C’est un phénomène parfaitement banal – hélas.
René

6/11
Oui, (hélas) mais là ce qui est "intéressant" c’est que les gars n’ont pas VUS leurs victimes.
Il semble que les dégâts aient été d’abord purement neurologiques... PUIS émotionnels, et relâchant ensuite une culpabilité inconsciente...
Nestor

6/11
bonjour à tous
caché derrière ce qui se passe à Gaza les colons liquident les paysans palestiniens de Cisjordanie
Tout ce que je peux lire et trouver sur la situation en Israel/Palestine d’origine des gens sur la frontière est absolument désespérant et terrible, j’ai commencé à rassembler des textes d’eux , tout ce que l’on peut faire est donner u n peu d’écho. Les fous de dieu sont devenus fous au sens propre du terme, je perçois quelque chose comme la fin de ce pays. Le sacrifice ultime des autres .
https://www.monde-libertaire.fr/?articlen=7569&article=Encore_du_sang_et_des_larmes
Pierre

6/11
Chers Pierre et toutes et tous,
Ce sujet à été à l’ordre du jour au CRIFA d’Athènes et globalement, même constat que nous autres sur cette liste.
Il en est ressorti une prochaine position commune de toutes les fédérations anarchistes présentes physiquement ou en visio conférence et une proposition de journée internationale anarchiste ayant pour thème la condamnation des toutes les guerres et de la course aux armements.
A suivre d’ici dix jours et sur le site du Crifa et des fédérations anarchistes représentées..
Les discussions ont été passionnées et passionnantes tout comme celles sur cette liste et la synthèse similaire..
Je ne vous en dis pas plus, attendons les textes de synthèse et en attendant mieux, continuons la mobilisation antimilitariste, anti étatiste, anti nationaliste et anti intégriste...
Pat d’Athènes
NB : étaient présentes à Athènes : les fédérations italienne, grecque (APO), francophone (FA), slovène, et en ligne : brésilienne, espagnole, bulgare et sicilienne...
Pat Athènes

6/11
C’est un peu problématique de passer tant d’énergie, en ce moment, à plaindre les bourreaux.
Les aviateurs états-uniens se sont opposés à l’attribution de médailles aux bouchers qui pilotent les drones depuis leur canapés, au prétexte qu’ils ne risquaient pas leur peau. Les bouchers ont répondu qu’ils étaient susceptibles de stress post-tromatique… leurs psy ont acquiescé, les scientifiques se sont emparés du sujet.
Celles et ceux qui pleurent ou qui meurent sous les bombes n’ont pas été conviés pour donner leur avis.
Là, ils et elles sont des milliers.
Terrorisés.
Ou morts.
Patrick.

7/11
Pour ma part, à travers ce que je tente de garder de lucidité dans cette folie, je ne peux éviter de me dire, pour terrible que ce soit, que ceux qui commettent les atrocités, d’un côté comme de l’autre, sont des humains comme chacun d’entre nous, avec cette réserve d’horreur potentielle, généralement cachée, mais qui peut surgir à tout moment selon les circonstances.
Cela relève de ce qu’au Moyen-âge on nommait possession, non plus de nos jours par des démons extérieurs mais désormais par des motions psychiques inconscientes, dont notre actuelle haute estime de nous même nous laisse croire que nous serions débarrassés.
Je reste convaincu que plus je serais en mesure de considérer cette violence et ce déni de violence chez moi, sans pour autant renier mes côtés créatifs et généreux qui existent aussi, moins elle pourra se concrétiser dans le monde. Je ne suis pas exempt de doute, c’est peut-être totalement utopique, mais tout au fond une petite voix me dit que c’est le chemin à faire.
Bien à toi
Yves

8/11
Un grand merci pour ce texte lumineux.
Le normand de bocage que je suis ne connaissait pas la question juive avant de te connaître et de servir de temps en temps de shabbes goy. Notre séjour à Strasbourg nous a permis de découvrir un univers pluriel d’une incroyable richesse. Dominique a commencé l’apprentissage de l’hébreu qui la sensibilisa à la question juive à travers les textes. Moi, mes petites études d’arabe, m’ouvrirent d’autres portes.
Les souvenirs de la guerre d’Algérie, de ses attentats et des balles qui sifflaient la marquèrent profondément avec un exil comme conséquence . Pour ma part, j’ai toujours tenté de comprendre la culture arabe-musulmane (je ne dis pas civilisation) et perse (encore plus énigmatique). Le compagnon juif allemand de Hambourg de ma mère a éclairé un autre angle la question juive sous l’angle de la guerre qu’il fit dans la Légion Étrangère (39-46).
La non-violence est devenue notre ligne directrice, une évidence impérieuse qui impliquèrent de comprendre la complexité du monde. L’entre-deux de la N-V offre la possibilité de penser autrement les conflits et les enjeux politiques.
Nous gardions un oeil attentif sur la question israélo-palestinienne, le pogrom du 7 octobre, a réveillé à la fois des souvenirs remisés dans la case « plus-jamais-ça » et une énorme émotion devant le retours des horreurs inqualifiables et les discours ignares de notre classe politique et sociétal. L’ancien antisémitisme latent ressort sans vergogne. La gauche française étale sa petitesse dans tes discours indigents, ambigus et crapuleux : juste parler pour exister électoralement.
D’autre part, la question juive additionnée à la question palestinienne met en évidence le refoulé, les manipulations multiples, la dérive perverse des entités religieuses (à de trop rares exceptions ), la lâcheté des institutions internationales en situation de faillite intellectuelle et morale, la puissante de l’argent mise au service des conflits internationaux, l’illusion politique constante des thèses en jeu : 1 ou 2 états sans connaître ni comprendre les difficultés in situ.
Juste un point. La situation du Cachemire est à mettre en rapport avec la séparation du Pakistan et de l’Inde qui provoqua un exode et un million de morts (Le film Gandhi le montre). Le beau-père d’une de mes cousines, ex-chef des armées de l’Inde (le N°3 de l’Etat) est né à Lahore et sa propre mère était parmi le million de mort. Le fleuve Indus
et ses deux rives forment une entité que les conflits religieux et politiques ont transformé en poudrière, le Cachemire en est l’épicentre. Mais Israël demeure bien une impasse dans le contexte actuel.
Salut et au plaisir de te lire rapidement.
D&D

10/11
La revue Esprit vient de mettre en ligne l’article de Walzer.
Je précise au passage que confondre l’auteur et la revue qui l’édite m’étonne un peu. Si je lis Mein Kampf suis-je un nazi ? Certains penseront à juste titre que oui parce que c’est chiant et nauséabond. Bien que les premiers traducteurs furent des membres de la Licra et des maurassiens, car ils avaient perçu le danger du délire à la fois raciste et anti-français du moustachu.
Pour ma part, je refuse une identité par rejet. Le Pen père et sa création ne sont pas ma raison de penser et de vivre. Les excommunications se pratiquent dans les églises et le bannissement chez les staliniens.
Comprendre notre monde n’est pas se regarder le nombril en permanence et ressasser les vieux mythes mités par la nécrose des synapses.
Bonne lecture et discussions sérieuses en perspective.
R-D M

9/11
Encore un texte intéressant par son angle de vue. Que peut nous dire la pensée junguien sur ce point ?
Le retour du symbolique digitalisé, le comble de la modernité numérique.
R_D M
Le Hamas, ou le retour de l’archaïque à l’âge du digital - Causeur https://www.causeur.fr/le-hamas-ou-le-retour-de-l-archaique-a-l-age-du-digital-269099

10/11
Si je comprends bien la fine allusion à la "pensée jungien (sic)", malgré sa faute de grammaire, je suis censé être interpellé.
Je n’ai peut-être pas été assez clair dans ma contribution du 03/11/23 13:26 dans l’échange intitulé "Trinité", bien que j’y aie cité la lettre de Jung du 14/01/1946 dans laquelle il écrit explicitement "Je ne peux qu’espérer que personne ne devienne « jungien »....". Sans doute était-ce trop précis pour être lu, je réitère donc que je ne porte pas la "pensée jungienne", mais suis juste concerné par le fait d’avoir découvert ce chercheur dans une librairie anarchiste à Perpignan en 1978, et d’avoir depuis été très intéressé par l’approche phénoménologique du réel qu’il a approfondi sa vie durant.
Par ailleurs, je tiens aussi à préciser que, comme Jung incidemment, je considère avec circonspection tous les "iste" ou "isme" dont tant de gens se réclament, anarchisme compris. Le processus d’individuation mène précisément à se détacher de ces appartenances revendiquées et de se confronter au réel sans recourir à ces étiquettes.
Mais j’en viens au sujet plus grave dont il est question.
Je me questionne d’abord sur le fait qu’une revue d’extrême droite comme "Causeur" soit mise en avant dans cette liste de discussion.
Les propos qui y sont tenus ne sont pas vraiment surprenant, la perversité de ses rédacteurs apparaît dès le choix du terme "archaïque", cette notion recouvrant un processus psychique bien plus complexe et subtil que l’usage péjoratif qui en est fait là. La régression à l’archaïque, processus normal de toute cure thérapeutique qui se tient, entraîne patient et thérapeute dans des couches profondes de la psyché, pour permettre un renouveau dans une âme blessée par les circonstances de la vie. C’est loin d’être simple et gagné d’avance, il n’est pas là question de TCC ou autre "thérapie brève", qui ne visent qu’à remettre le patient au boulot, le libéralisme se contrefout du sujet. Mais dans une relation à visée thérapeutique réelle, les deux interactants sont totalement impliqués, et y laissent des plumes, sont transformés.
Mais l’article fait référence à l’abomination, une de plus dans la courte histoire humaine, qui s’est produite le 7 octobre, en l’utilisant pour projeter le Mal, qui est tapi chez tout humain, sur un support de projection qui s’y prête certes bien. Que tous ceux qui prétendent qu’ils ne seraient pas devenus fous enragés, possédés par le Mal, après avoir sorti les cadavres de leurs enfants des décombres de leur maison bombardée s’interrogent vraiment. Mais combien il est rassurant de se dire que "je suis du côté du Bien, et le Mal c’est l’autre", n’est-ce pas ?
Cela n’excuse évidemment rien de l’horreur, mais peut ramener à Spinoza qui entend dans son traité politique "Ni rire, ni pleurer, ni détester, mais comprendre". Et aussi à Victor Hugo, quand il pointe que "De l’opprimé d’hier l’oppresseur d’aujourd’hui".
Avons-nous d’autre choix que de descendre dans nos enfers pour y apporter un peu de conscience ?
Yves

10/11
salut tout le monde !
Ok Yves comme toi j’ai été un peu surpris par l’arrivée d’un article de Causeur parmi nous. Cependant connaissant Dominique depuis longtemps, si longtemps, je peux t’assurer qu’il n’y avait, là, de sa part aucune malignité. Il a juste cédé à son habitude de ramasser ce qui pouvait servir à la réflexion, la sienne comme la notre.
Et au vu de l’adéquation de ta réponse je trouve qu’il a fait juste. Au fond d’une certaine façon tu réponds à des choses que je vouais te demander d’expliciter depuis que tu nous a rejoint et que je n’ai pas fait faute de temps.
Certes parmi nous il n’y a pas de "spécialiste" de ça ou ou ça, mais il se trouve qu’avec ton penchant pour Jung tu es le plus habilité à répondre à cette question que je traîne depuis des lustres , celles des archétypes dont Jung si je ne me trompe a théorisé le fonctionnement, auquel je n’ai toujours rien compris faut d’en avoir pris le temps.
Je trouve donc que ta réponse à Causeur(!!) mériterait d’être, plus longue, je ne sais comment dire car elle m’a ouvert l’appétit. En fait je ne suis pas sur de faire la différence entre archaïsme et archétype.
Quand aux ismes, je suis sur tes positions dans la mesure ou se réclamer de tel ou tel isme sert le plus souvent de faire valoir, de permis d’exister aux individus, mais là peut être nous divergeons, c’est que je me rattache à une tradition plus que séculaire de gens qui s’en sont revendiqués d’une façon ou d’une autre. Un anar, DCD depuis Eduardo Colombo avait écrit cela que j’ai repris à mon compte malgré nos nombreux désaccord :
"En matière de révolte nul n’a besoin de maître" C’est vrai. Mais nous sommes sur la terre que le flux de générations a labourée dans l’espoir et la douleur ; le travail de ceux qui nous ont précédés
a déplacé les limites du possible.
Pour terminer je dirais, au moins pour moi, qu’il n’est pas question de descendre dans nos enfers, j’y suis déjà, il s’agit juste pour moi et pour moi seul de ne pas couler. Et en ces temps c’est difficile.
Merci encore pour ta réponse
Pierre

10/11
Ola compadres,
J’ai parcouru cet article... peut-être un peu rapidement. Mais il ’a semblé que
1/ il choisit (ou s’aveugle) de ne voir la barbarie que d’un côté, celui du Hamas. Viols, meurtres d’enfants et autres atrocités, sont effectivement des atrocités. Mais présenter Israël comme la bergère agressée par le loup, ça ne passe pas. Mais pas étonnant au vu du journal qui héberge l’article.
2/ La dialectique mobilisée est vraiment faible, il ne fait que tirer des ficelles de la taille d’amarres à paquebots géants. Je prends juste un exemple relatif aux mille et une façon de donner la mort.
"Israël possède la bombe nucléaire, les missiles à un million d’euros pièce, les drones guidés par satellite… Le Hamas, lui, est revenu 10 000 ans en arrière, 100 000 ans en arrière, à un âge où l’homme vivait constamment sous l’emprise de la peur. "
Ce que je lis c’est qu’Israël avec ses bombes nucléaires, ses missiles super coûteux, et ses robots tueurs guidés par satellite (la main de Dieu ?) c’est infiniment mieux que la kalchnikoff. L’argument est sans fondement et se renverse de lui-même, La baïonnette du crime artisanal est certes barbare, mais pas plus que la bombe atomique du crime bureaucratico-techno-scientfique. Voire moins, à compter le nombre de morts. De surcroit ces bombes instaurent un équilibre " de la terreur", ceux qui les fabriquent et les gèrent sont donc littéralement des terroristes. L’argumentation bancale se prolonge sur l’ensemble du texte. Le lecture que j’en fait ne nécessite pas d’appel à la subtilité de la psychologie des profondeurs. Le texte est trivial, radicalement dissymétrique et basé sur une rhétorique de Prisunic.
Patrick.
PS : il me semble avoir lu qu’un ministre israélien avait "évoqué" l’utilisation de l’atome, et qu’il est toujours en poste. Vu les horreurs et les horribles à l’œuvre, on ne peut totalement exclure que ça soit une façon de préparer le terrain, et résoudre définitivement le "problème" palestinien.
PS : je ne comprends pas pourquoi le Hamas s’est livré à de telles horreurs. Les dirigeants militaires obéissent à une forme de rationalité, l’affaire à du être "pensée". Il doit y avoir une explication, si quelqu’un en a je suis preneur. Sur la partie humiliation, je peux comprendre que c’est une façon de renverser les rôles, les palestiniens étant effectivement constamment humiliés dans leur vie quotidienne, il est vertueux de renverser les rôles. Par contre pourquoi massacrer de façon aussi épouvantable, et promouvoir les scènes de boucherie dans des vidéos... la seule réponse que j’ai est qu’il y a des gens à qui ça doit plaire, mais franchement court 😕.

10/11
Un copain m’a transmis cette réponse de Sigmund Freud en 1930, sollicité pour soutenir le projet sioniste :
https://www.cairn.info/revue-cliniques-mediterraneennes-2004-2-page-5.htm
Nesto

11/11
Merci de ce partage, qui éclaire bien la position de Freud quant à la création d’Israel avec des citations explicites.
Par contre, on ne peut que constater qu’Elisabeth Roudinesco, auto-instituée gardienne du temple freudien, trouve là l’occasion une fois de plus, comme régulièrement lors de ses publications ou interventions, de distiller discrètement cette dénonciation calomnieuse sur Jung, page 14, évoquant la décision de Freud de "confier à Carl Gustav Jung, c’est-à-dire à un non-Juif antisémite, la direction de l’International Psychoanalytical Association".
De nombreuses mises au point quant à cette accusation d’antisémitisme ont été faites (https://www.lafontainedepierre.net/accueil/auteurs/carl-gustav-jung/rectification/ , https://www.linkedin.com/pulse/mme-roudinesco-et-cg-jung-francois-martin-vallas , https://www.guichetdusavoir.org/question/voir/132332), entre autres, ou encore l’ouvrage "C.G. Jung parle. Rencontres et interviews. Trad. par Marie-Martine Louzier-Sahler et Benjamin Sahler. Paris 1985, Buchet/Chastel".
Mais E. Roudinesco n’en démord pas, à se demander ce qu’elle exprime d’elle-même à travers cette projection.
Le nombre de personnes d’origine juive qui ont travaillé, échangé, publié au sujet de Jung et de la psychologie analytique (Barbara Hannah, Yolande Jacobi, Aniéla Jaffé, Erich Neuman, Gerhard Adler, Roland Cahen et bien d’autres), et l’inscription dès 1940 des ouvrages de Jung sur la liste Otto par les nazis, devrait prouver que ce supposé antisémitisme est une invention d’un esprit troublé, mais cet "argument" persiste, cherchant à invalider celui qui, tout en reconnaissant régulièrement l’apport de Freud, a osé s’écarter du chemin que lui avait tracé le maître qui l’avait baptisé "fils et héritier", "le Josué de Moïse", pour défricher le sien propre, pour s’individuer.
Yves

11/11
D’accord avec toi sur la redoutable scolastique freudienne et de ses affidés. Leur proximité avec le stalinisme intellectuel n’est plus à démontrer. Comme d’ailleurs, leur emprise sur ma vie intellectuelle depuis des décennies.
Merci pour tes références jungiennes . Mes souvenirs de libraire remontent lentement, j’ai souvent remarqué que les lecteurs jungiens étaient aussi assez proche des rosicruciens et de Rudolf Steiner que je vendait très bien (surtout à Strasbourg). Peut-on faire le lien entre Jung et une certaine forme ou préoccupation ésotérique.
A +
R-D M

11/11
Pas étonnant. J’ai jamais rien compris aux discours des psychanalystes, mais je me souviens d’avoir lu ce livre de Jung : Psychologie de la kundalini.
Son interprétation du système des chrakras des Tantras hindous ramenait le système sur terre de façon élégante et plutôt matérialiste.
Patrick - aka Nuage Flou.

14/11
Chers Discuteurs,
La mise en copie d’un texte repris de Causeur (et Atlantico), me valut une remarque acerbe. Causeur et autres revues n’avaient pas leur place dans cette liste.
Je tiens à préciser que je lis la presse et les livres de toutes les couleur de l’arc-en-ciel politique. (La liste sur simple demande sans frais ni engagement, selon la routine publicitaire)
De plus, j’aimerais comprendre une fois pour toute ce que l’on met sous le label extrême-droite. J’ai peur que l’utilisation du terme corresponde à un fétichisme exutoire (du genre gris-gris) cachant le vide sidéral et la frustration d’un milieu en perte de ses repères fondamentaux.
Ayant professionnellement fréquenté les journaleux de la presse parisienne bobo bien-pensante, je ne la lis plus. Ce qui, évidemment, me fait rater des articles ou des billets intéressants. Je suis preneur d’échanges textuels.
Nous vivons une période particulièrement délicate dont la compréhension exige de chercher les racines profondes et conjoncturelles qu’elle sous-tend.
Je vous mets en copie deux articles paru dans Causeur sur le Grand Mufti de Jérusalem qui rapportent, photos à l’appui, un fait auquel j’ai déjà fait allusion.
Je suis ravi de nos échanges, aussi rugueux fussent-ils.
Bien à vous.
R-D M

15/11
Salut,
Une remarque sur les docs attachés, il serait bien de les mettre au format PDF. Ça simplifie leur lecture partout et partous.
Sur Causeur, je l’ai feuilleté à de rares occasions. Autant que je m’en souvienne, à chaque fois l’argumentation m’a paru franchement bancale, et le contenu fumeux ou malhonnête. Ca me l’a fait ranger, un peu superficiellement, dans la catégorie des « torchons », mais ça n’empêche pas bien sûr de partager des articles sur la liste lorsqu’ils apportent qque chose d’interressant ou utile.
Patrick.

15/11
D’accord. Qu’en est-il des illustrations en pdf.?
LEs torchons sont utiles et les paillassons aussi. Piocher n’est pas adhérer.
A bientôt.
R-D M

15/11
Discussion anarchiste
Note de synthèse par R-D M
15 novembre 2023
En créant Discussion Anarchiste (D -A), notre intention était de discuter, librement, de nos idées sur des thèmes choisis et de faire le point sur nos échanges. L’universalisme proposé comme pôle de réflexion (lancé le 30 septembre 23) fut largement perturbé par l’irruption de l’actualité du triste et affligeant 7 octobre, comparable peut-être, au massacre de Septembre noir par l’armée jordanienne (10 jours en septembre 1970).
Naturellement, nos premiers échanges portèrent sur la présentation de chaque participant dont certains se connaissaient déjà.
Pierre nous soumis un projet de texte pour ML dont je site une phrase significative : « Le beau dans ce monde-là a disparu, car sa destruction en est le maître mot. Quand elle s’arrête on croit que l’on va redevenir comme avant. L’histoire nous montre que c’est faux ! Il n’y a pas et il n’y aura jamais de der des ders. »
Il mit à notre disposition la traduction d’un texte étasunien « Transformer la crise en une occasion de ... » très révélateur. Je suis étonné du peu de réactions.
Chacun exposa ses convictions et motivations personnelles. Ce qui permit de percevoir l’hétérogénéité du groupe, promesse de débats riches et fougueux. Jung, anarchisme chrétien, techniques de survie mentale dans un monde en profonde mutation.
La préoccupation de l’organisation anarchiste émergea. Des discussions contradictoires, mais argumentées suivirent. L’adhésion et la répulsion à toute organisation furent ébauchées. Ivar développa une analyse fine des évènements (RIA), de la situation en Suisse et des conséquences des alliances « Queer & Co ». (3/10/23). Beno a relancé l’idée d’une réflexion sur l’organisation d’une nouvelle Internationale autour des principes de base de l’anarchisme. Bernard développa son adhésion au sujet en rappelant son article paru dans Kairos. Beno nous a transmis l’Appel pour une internationale (vraiment) Anarchiste qui fit l’objet de plusieurs discutions.
Pierre mit à notre disposition un teste de la revue Noir et Rouge : « Une politique anarchiste est-elle possible ? » (4 / 10)
Fut abordé, aussi, le thème de la rébellion passée à droite, celui du wookisme, du changement de sexe, des communs (vastes sujets).
Beno a soumis un texte sur la refondation de l’anarchisme qui mérite un long travail collectif.
Israël – Hamas – Palestine.
L’horreur, l’incompréhension et la nausée (pour ceux ou celles qui eurent à vivre de tels moments de fureur et de haine) s’immiscèrent naturellement dans D -A. Le thème s’élargit spontanément sur la guerre.
Dès le lendemain, Pierre a réagi par un billet : « La guerre toujours ! » faisant le point qui soulève la question fondamentale de la guerre. Problématique fondamentale, difficile que je partage sans « divergence » avec Pierre. Sauf erreur de ma part dans l’archivage de nos discutions je n’ai pas l’impression que cette problématique passionne. Pourtant, elle est théoriquement et pratiquement centrale, dans le corpus de la pensée et l’action libertaires.
Les premières réactions affichèrent les anciens clivages et a priori partisants. La nouvelle affaire Dreyfuss n’était pas loin.
Beno souligna la difficulté de réduire la complexité de la situation en quelques lignes. Il prend une position équilibrée en soulignant les dérives du sionisme et les pulsions totalitaires et antisémites du Hamas (manipulé et financé par des intérêts contradictoires). J’ai répondu en tentant de définir le rapport État/Nation, le rapport entre sionisme et nationalisme européen et l’aspect nécessairement autoritaire de tous lien à la territorialité ; enfin je rappelais les origines islamo-fascistes des musulmans au moment de la création d’Israël.
Mon texte du 17/10 a soulevé de vifs débats. Comme toujours, c’est ma marotte, je privilégie la définition des termes utilisés ce qui permet de savoir de quoi on parle. Cela me valut presque l’excommunication d’Ivar comme pro-sioniste, comme si c’était un péché capital interdit dans la gaucho-sphère. Nous étions au bord d’une nouvelle affaire Dreyfuss. Les discussions qui suivirent permirent de préciser les propos et les idées. La nécessité lexicale reste une préoccupation, car l’utilisation de certains mots (lourds de sens) comme génocide, urbanicide…risque de dévier inutilement les discussions.
L’un d’entre nous (je n’ai pas retrouvé sa signature) dit : « J’en avais marre des "Palestiniens professionnels" qui parasitaient les associations et jouaient la carte de victimes, mais n’avaient jamais mis les pieds en Palestine ». « J’ai fini par comprendre que les Palestiniens n’auront jamais d’État, Arafat n’étant pas le général Giap. Les manifestations en faveur de la Palestine finissaient toujours par mettre en avant quelques abrutis qui lançaient des slogans antisémites. »
L’Allemagne a bien été le chef d’orchestre de la solution finale, mais avec l’aide, la complicité passive ou active des gouvernements et les populations contentes de « spolier » et de purger le paysage pollué. Un écologisme ethnique ?!?!
Pierre a fait allusion au millénarisme qui hante la « question palestinienne ». Totalement, d’accord avec lui, j’ai écrit un article sur ce sujet dans Divergences.
Beno a l’ironie de mettre la clique monothéiste dans le même panier : la technolâtrie I-phonique est bien leur point commun (sauf les juifs rejetant la technique et l’État juif, un peu comme les amish)
La richesse des échanges sur ce sujet mérite, à mon avis, une synthèse plus étoffée ? Mais je ne veux alourdir cette note de synthèse.
J’attire l’attention sur les positions respectives de la rabbine Delphine Horveilleur (judaïsme libéral) l’imame Kahina Bahloul (islam libéral) dont une des grands-mères était une polonaise juive.
Vient de paraître : Antisémitisme, une histoire juive Editions Syllepse, 366 pages. Une anthologie indispensable.
Monothéisme
Yves a commencé une réflexion qui fait appel à Jung. Sa démarche peut nous apporter un éclairage rarement allumé qui demande, à mon avis, l’élaboration d’un lexique junguien pour les néophytes, encore une fois la discussion n’est possible que si le parle le même langage. Gare à l’inconscient des mots : âme…
La question du / des monothéismes nous ramène à une sorte de Club Med(iterannée), notre triangle occidental des Bermudes, dont l’étude est nécessaire pour mieux connaître l’ennemi héréditaire pour « philocher » ses sécularisations et ses réincarnations traîtresses.
Le dernier centre d’intérêt débattu autour du monothéisme provoqua des échanges documentés. Il montre la terrible difficulté de discuter sans une profonde culture (je ne dis pas érudition). Difficile de plonger dans les abymes des débats millénaires sans investir beaucoup de temps à l’étude des textes ce qui mobilise aussi une approche linguistique même superficielle : hébreu, grec, araméen (pour les Talmud), arabe (et ses dérivés). D’où l’utilité fondamentale du travail en « commun ».
Le thème du monothéisme et de ses avatars mérite une navigation au long cours, le prochain débat sur le néo-totalitarisme serait une suite logique.
Divers.
René à fournir les références passionnantes sur Stirner et le fédéralisme.
Claire a envoyé un premier texte sur l’universalisme très synthétique pouvant servir d’introduction à nos réflexions.
Remarques diverses.
1) - L’archivage des correspondances est pesant et d’un maniement délicat. Je propose de mettre au point un formulaire. Avec le sujet et l’origine (certaines interventions ne sont signées).
2) - La mise à disposition de textes fondamentaux n’a pas, à ma connaissance, eut d’écho par écrit. La démarche d’accompagner nos discussions par des textes donnant du grain à moudre me paraît incontournable. Elle demande à certains d’entre nous un suivi chronophage. Certains documents méritent des commentaires, je pense particulièrement à celui de Paul Ricoeur et de Buttler.
3) – Je conçois parfaitement que nous n’ayons pas, tous, une disponibilité élastique (« A chacun selon ses moyens et son temps »). Je propose donc que nous formions des petits groupes de réflexions hors D-A qui permettrait de d’approfondir, de critiquer et d’élargir les perspectives. Chaque groupe mettrait en ligne une synthèse comme celle-ci.
4) - Je pense aussi qu’il faut préciser le contenu de « Discussion », certains dont je suis, je l’avoue, ont d’emblée compris « Groupe de réflexions ». Les deux interprétations sont compatibles, il suffit de les organiser. D-A resterait le vecteur collectif d’échanges. La partie « dure » pourrait être hébergées dans Divergences. Qu’en pensez-vous ?
5) – Le thème de l’universalisme n’a eu beaucoup de textes : deux à ma connaissance et à un en préparation (par R-D M) avec un délai de livraison long car nécessitant beaucoup de lectures en raison de la profusion éditoriale actuelle. Je propose que les thèmes restent ouverts. Et que chaque nouveau fasse l’objet d’un « appel d’offre » afin d’organiser les contributions. A ce titre, celui du néo-totalitarisme est exemplaire.
6) – Je signale la parution d’un livre de Stéphane Sangral L’individuité ou la guerre, Galilée, 2023, 318 pages, qui renouvelle le thème de l’individualisme et de l’identité. Je propose à des volontaires une lecture croisée.
D-A est une bouée de secours pour les électons libres comme moi et un lieu de confrontation des idées indispensable.
J’attends vos critiques.
Amicalement
R-D M le 15/11/23

15/11
Kalispéra sas,
Merci à toi Dominique pour cette synthèse particulièrement réussie.
Entièrement d’accord avec toi pour constituer des groupes de réflexion sur une thématique particulière parmi toutes celles évoquées.
Pour les personnes curieuses de ce qu’elles pourront trouver dans le livre de mon ami Stéphane Sangral, j’en avais fait une recension dans ma rubrique du Rat noir parue le 25 février 2023 sur le site du Monde libertaire, pour vous donner l’envie de le lire ?...
Il.prend une toute autre dimension vu les événements récents !
Filakia à vous toutes et tous,
Pat d’Athènes
NB : Pour retrouver plus facilement ma chronique sur le site de ML, tapez dans Recherche : le mot Sangral,
Kalo Vradi,
Pat

16/11
Je suis abonné à la revue bien pensante AOC, organe privilégié des bobos-intello-ex-germanopratins. Je vous envoie trois articles concernant le sujet qui nous préoccupe tous. Article N°1
R-D M
Le spectre d’un génocide à Gaza
Par Didier Fassin
ANTHROPOLOGUE, SOCIOLOGUE ET MÉDECIN
L’annihilation du Hamas, que la plupart des experts jugent irréaliste, se traduit de fait par un massacre des civils gazaouis, ce que la Première ministre française appelle une « catastrophe humanitaire », mais dans lequel un nombre croissant d’organisations et d’analystes voient le spectre d’un génocide.
Au début de l’année 1904, dans ce qui était alors le protectorat allemand du Sud-Ouest africain, les Hereros se rebellent contre les colons, tuant plus d’une centaine d’entre eux dans une attaque surprise.
Au cours des deux décennies précédentes, ce peuple d’éleveurs a vu son territoire se réduire à mesure que de nouvelles colonies s’installent, s’emparant des meilleures terres et entravant la transhumance des troupeaux. Les colons traitent les Hereros comme des animaux, les réduisent à une forme d’esclavage et se saisissent de leurs biens. Le projet des autorités est de créer dans ce qui est aujourd’hui la Namibie une « Allemagne africaine » où les peuples autochtones seraient parqués dans des réserves.
La révolte des Hereros est vécue comme un déshonneur à Berlin et l’empereur envoie un corps expéditionnaire avec pour objectif de les éradiquer. Son commandant annonce en effet qu’il va « annihiler » la nation herero, récompensant la capture des « chefs », mais n’épargnant « ni les femmes ni les enfants ». Si l’extermination n’est techniquement pas possible, ajoute-t-il, il faudra forcer les Hereros à quitter le pays, et « ce n’est qu’une fois ce nettoyage accompli que quelque chose de nouveau pourra émerger ».
Dans les mois qui suivent, nombre de Hereros sans armes sont capturés et exécutés par les militaires, mais la plupart sont repoussés dans le désert où ils meurent de déshydratation et d’inanition, les puits ayant été empoisonnés. Selon l’état-major militaire, « le blocus impitoyable des zones désertiques paracheva l’œuvre d’élimination ». On estime que seuls 15 000 des 80 000 Hereros ont survécu. Ils sont mis au travail forcé dans des « camps de concentration » où beaucoup perdent la vie.
Le massacre des Hereros, qualifié par les Allemands de « guerre raciale » est le premier génocide du XXe siècle, considéré par certains historiens comme la matrice de la Shoah quatre décennies plus tard. Dans Les Origines du totalitarisme, la philosophe Hannah Arendt elle-même a établi un lien entre l’entreprise coloniale et les pratiques génocidaires.
Comparaison n’est pas raison, mais il y a de préoccupantes similitudes entre ce qui s’est joué dans le Sud-Ouest africain et ce qui se joue aujourd’hui à Gaza. Des décennies d’une colonisation qui réduit les territoires palestiniens à une multiplicité d’enclaves toujours plus petites où les habitants sont agressés, les champs d’oliviers détruits, les déplacements restreints, les humiliations quotidiennes.
Une déshumanisation qui conduisait il y a dix ans le futur ministre adjoint à la Défense à dire que les Palestiniens sont « comme des animaux ». Une négation de leur existence même par le ministre des Finances pour qui « il n’y a pas de Palestiniens car il n’y a pas de peuple palestinien », comme il l’affirmait au début de l’année. Un droit de tuer les Palestiniens qui, pour l’actuel ministre de la Sécurité nationale, fait du colon qui a assassiné vingt-neuf d’entre eux priant au tombeau des Patriarches à Hébron un héros. Le projet, pour certains, d’un « grand Israël », dont l’ancien président est lui-même partisan.
Pendant les six premiers jours de l’intervention israélienne, 6 000 bombes ont été lâchées sur Gaza, presque autant que les États-Unis et ses alliés en ont utilisé en Afghanistan en une année entière
Dans ce contexte, les attaques palestiniennes contre des Israéliens se sont produites au fil des ans, culminant dans l’incursion meurtrière du Hamas en territoire israélien le 7 octobre faisant 1 400 victimes civiles et militaires et aboutissant à la capture de plus de 200 otages, ce que le représentant permanent d’Israël aux Nations unies a qualifié de « crime de guerre ». La réponse du gouvernement, accusé de n’avoir pas su prévenir l’agression, s’est voulue à la mesure du traumatisme provoqué dans le pays. L’objectif est « l’annihilation du Hamas ».
Pendant les trois premières semaines de la guerre à Gaza, les représailles ont pris deux formes. D’une part, infrastructures civiles et populations civiles ont fait l’objet d’un bombardement massif, causant 7 703 morts, dont 3 595 enfants, 1 863 femmes et 397 personnes âgées, et endommageant 183 000 unités résidentielles et 221 écoles, à la date du 28 octobre. Pendant les six premiers jours de l’intervention israélienne, 6 000 bombes ont été lâchées sur Gaza, presque autant que les États-Unis et ses alliés en ont utilisé en Afghanistan en une année entière, au plus fort de l’invasion du pays.
Pour les plus de 20 000 blessés, dont un tiers d’enfants, ce sont des mutilations, des brûlures, des handicaps avec lesquels il leur faudra vivre. Et pour tous les survivants, ce sont les traumatismes d’avoir vécu sous les bombes, assisté aux destructions des maisons, vu des corps déchiquetés, perdu des proches, une étude britanniquemontrant que plus de la moitié des adolescents souffrent de stress post-traumatique.
D’autre part, un siège total a été imposé, avec blocus de l’électricité, du carburant, de la nourriture et des médicaments, tandis que la plupart des stations de pompage ne fonctionnent plus, ne permettant plus l’accès à l’eau potable, politique que le ministre de la Défense justifie en déclarant : « Nous combattons des animaux et nous agissons comme tel ». Dans ces conditions, le tiers des hôpitaux ont dû interrompre leur activité, les chirurgiens opèrent parfois sans anesthésie, les habitants boivent une eau saumâtre, les pénuries alimentaires se font sentir, avec un risque important de décès des personnes les plus vulnérables, à commencer par les enfants.
Dans le même temps, en Cisjordanie, plus d’une centaine de Palestiniens ont été tuéspar des colons et des militaires, tandis que plus de 500 éleveurs bédouins ont été chassés de leurs terres et de leur maison, « nettoyage ethnique » que dénoncent des associations de droits humains israéliennes. Croire que cette répression féroce permettra de garantir la sécurité à laquelle les Israéliens ont droit est une illusion dont les 75 dernières années ont fait la preuve.
L’annihilation du Hamas, que la plupart des experts jugent irréaliste, se traduit de fait par un massacre des civils gazaouis, ce que la Première ministre française appelle une « catastrophe humanitaire », mais dans lequel un nombre croissant d’organisations et d’analystes voient le spectre d’un génocide.
L’organisation états-unienne Jewish Voice for Peace implore « toutes les personnes de conscience d’arrêter le génocide imminent des Palestiniens ». Une déclaration signée par 880 universitaires du monde entier « alerte sur un potentiel génocide à Gaza ». Neuf Rapporteurs spéciaux des Nations unies en charge des droits humains, des personnes déplacées, de la lutte contre le racisme et les discriminations, l’accès à l’eau et à la nourriture parlent d’un « risque de génocide du peuple palestinien ». Pour la Directrice régionale de l’Unicef pour le Moyen Orient et l’Afrique du nord, « la situation dans la bande de Gaza entache de plus en plus notre conscience collective ». Quant au Secrétaire général des Nations unies, il affirme : « Nous sommes à un moment de vérité. L’histoire nous jugera ».
Alors que la plupart des gouvernements occidentaux continuent de dire « le droit d’Israël à se défendre » sans y mettre de réserves autres que rhétoriques et sans même imaginer un droit semblable pour les Palestiniens, il y a en effet une responsabilité historique à prévenir ce qui pourrait devenir le premier génocide du XXIe siècle. Si celui des Hereros s’était produit dans le silence du désert du Kalahari, la tragédie de Gaza se déroule sous les yeux du monde entier.
Didier Fassin
ANTHROPOLOGUE, SOCIOLOGUE ET MÉDECIN, PROFESSEUR AU COLLÈGE DE FRANCE ET DIRECTEUR D’ÉTUDES À L’EHESS

16/11
Un génocide à Gaza ? Une réponse à Didier Fassin
Par Bruno Karsenti, Jacques Ehrenfreund, Julia Christ, Jean-Philippe Heurtin, Luc Boltanski et Danny Trom
PHILOSOPHE, HISTORIEN, PHILOSOPHE, POLITISTE, SOCIOLOGUE, SOCIOLOGUE
Dans une Opinion publiée par AOC le 1er novembre, Didier Fassin pointait à propos de la situation à Gaza le spectre d’un génocide. Des chercheurs en sciences humaines et sociales lui répondent aujourd’hui dans ces mêmes colonnes.
Le 7 octobre 2023, l’État d’Israël a été attaqué sur son territoire souverain, celui qu’à la suite de ce que Raul Hilberg a appelé « la destruction des Juifs d’Europe » par l’Allemagne et ses complices, la communauté internationale lui avait reconnu lors du partage de la Palestine mandataire décidé à l’ONU le 29 novembre 1947. La zone dans laquelle ont été perpétrés les massacres et les exactions que l’on sait, n’était pas située dans les colonies illégales en Cisjordanie occupée depuis la guerre de juin 1967, mais dans les frontières à l’intérieur desquelles l’Etat d’Israël a le droit et l’obligation de protéger sa population.
Pour cette raison, le soutien à la guerre qu’Israël mène actuellement contre le Hamas à Gaza est légitime, dans les limites posées par le droit international humanitaire. Dans cette guerre il y a certes beaucoup trop de victimes civiles. Israël a le devoir absolu d’épargner chaque vie civile dans la mesure de ses possibilités et de respecter le droit humanitaire. Normalement, cette obligation devrait s’imposer également au Hamas qui est certes une organisation terroriste, mais aussi le gouvernement du territoire de Gaza. À ce titre lui incombe le devoir de protéger la population sous sa responsabilité plutôt que de l’exposer volontairement, de libérer immédiatement les civils israéliens que ses commandos n’auraient jamais dû prendre en otage, et de traiter les soldats capturés en accord avec la convention de Genève. Ici, la symétrie s’impose. Exempter le Hamas de respecter le droit universel revient paradoxalement à mépriser la partie jugée la plus faible.
Depuis le 7 octobre cependant une description concurrente se fait massivement entendre qui reprend une vieille antienne. Elle énonce que ce jour-là, Israël n’a pas été attaqué par un groupe terroriste, mais a été la cible d’un acte de résistance à l’occupant, ou alors d’une offensive militaire inscrite dans une lutte de décolonisation, initiée en 1948, encore et toujours perdue. Ceci revient à contester explicitement le plan de partage de 1947 sur lequel repose toute solution à deux Etats.
Dans un article récent publié par le quotidien AOC, Didier Fassin, professeur au Collège de France, incarne cette narration qui conteste frontalement le droit à l’existence de l’État d’Israël, et par conséquent son droit de se défendre.
Si l’égalité de traitement des victimes des deux parties en conflit qu’il réclame avec force se traduit chez lui par une attention manifeste aux souffrances des Gazaouis et une indifférence complète aux civils israéliens, c’est, semble-t-il, que toute la responsabilité de la violence pèse sur l’État d’Israël : le Hamas en est exonéré par principe. La réaction israélienne aux massacres du 7 octobre n’est pour Didier Fassin qu’un épisode de plus dans la longue série de la répression des guerres de libération initiées par les colonisés afin de s’affranchir de la domination du « colonisateur » juif-israélien. Il s’ensuit que rien ne saurait ternir le prestige d’une opération, fût-elle exterminatrice, dès lors qu’elle vise à libérer la Palestine de « l’occupant ». À cette aune, le crime de masse devient un motif de gloire.
Faire des Juifs des colonisateurs allochtones, qui plus est inscrits dans une logique génocidaire, voilà comment Didier Fassin s’efforce de saper la légitimité même de l’existence de l’Etat d’Israël.
Fort de ce cadre d’analyse colonial, Didier Fassin y introduit une comparaison particulièrement perverse, au sens propre du terme, qui consiste à imputer à la victime la responsabilité du crime qu’elle a subi. C’est pourquoi il tient à inscrire la conduite d’Israël dans l’héritage terrible du colonialisme allemand. Les Juifs israéliens, à l’instar des colons allemands en Namibie au début du 20e siècle, avec le soutien de la métropole – mais comme il n’y en a pas dans le cas présent, nous devons peut-être considérer que la juiverie internationale et les États-Unis qui sont, on le sait, une seule et même chose, remplissent cette fonction ? – disposent des moyens techniques pour écraser les autochtones démunis comme le sont les Palestiniens héroïquement défendus par le Hamas.
Comme les maîtres du deuxième Reich précurseurs du troisième, ces Juifs israéliens, après chaque révolte de ceux qu’ils considèrent à peine comme des hommes, intensifient leur cruelle répression, au point que l’on peut craindre qu’ils ne décident de les éliminer définitivement, comme les Allemands l’ont fait avec les autochtones de Namibie. Et vu l’ampleur des dommages que les commandos du Hamas ont causés aux « colons juifs » le 7 octobre, on peut raisonnablement redouter un génocide des Palestiniens victimes de l’État colonial juif.
Dans ce récit, les Juifs sont donc étrangers à la Palestine. À l’instar des colonisateurs français, belges ou britanniques partout où ils dominaient, ils « occupent » ce qui ne leur appartient pas. Mais le choix du cas allemand correspond à une stratégie assumée : les Juifs sont disposés à éliminer de manière allemande les autochtones. Faire des Juifs des colonisateurs allochtones, qui plus est inscrits dans une logique génocidaire, voilà comment Didier Fassin s’efforce de saper la légitimité même de l’existence de l’Etat d’Israël.
Cette ambition de venir à bout des « deux mythes fondateurs de la politique israélienne », pour parler comme Roger Garaudy dont le militantisme anticolonial avait abouti finalement à un négationnisme assumé, si elle n’était aujourd’hui soutenue par un professeur au Collège de France, ne mériterait qu’un mépris silencieux. Alors que la relativisation de la Shoah fut longtemps portée par l’extrême-droite allemande, à laquelle l’historien Ernst Nolte donna un crédit inespéré, elle est aujourd’hui devenue l’affaire des idéologues décoloniaux qui prolifèrent et dont Didier Fassin est l’un des prophètes les plus éloquents.
En niant leur lien historique avec la Palestine et en prêtant une intention génocidaire à ceux qui édifièrent un État pour se prémunir de toute récidive génocidaire, Didier Fassin réactive un geste antisémite classique qui procède toujours par inversion : accuser les Juifs d’être coupables de ce que l’on s’apprête ou que l’on fantasme de leur faire subir. Sur ce point, la rhétorique du Hamas, hors de portée critique pour Didier Fassin, est limpide.
Faut-il le rappeler, l’accusation d’empoisonner les puits portée contre les Juifs du Moyen-Âge, était à chaque fois le prélude à leur expulsion ou à leur massacre. D’ailleurs, Didier Fassin souligne que la répression en Namibie passa aussi par l’empoisonnement des puits d’eau des Héréros afin de les éliminer, allusion dont il espère probablement que ses lecteurs ne la comprendront pas trop vite, tant elle est indigne. On frémit à l’idée qu’un professeur, doté des plus hauts titres, déchoit à ce point.
Il est juste d’écrire qu’une vie vaut une vie. Voilà une équation simple à laquelle on acquiesce sans réserve. Choisir son camp quand il en va de vies civiles perdues est absurde. Les civils palestiniens qui meurent à Gaza sous les bombardements israéliens méritent autant de compassion que ceux massacrés par le Hamas. Mais la leçon de symétrie humanitaire dispensée par Didier Fassin est surdéterminée par une grille de lecture qui ne cesse de nous signifier qu’une vie juive vaut bien moins que toute autre, et que la réalité de la violence antisémite doit s’effacer derrière le racisme et l’islamophobie.
Et pourtant, il faut choisir son camp quant à la question de savoir si l’on reconnaît ou non un droit d’existence à l’État d’Israël. Si on le lui reconnaît, alors le massacre de civils, visés intentionnellement sur son territoire souverain, lui ouvre le droit non seulement de se défendre, mais de prendre les mesures nécessaires pour que jamais cela ne puisse se reproduire, donc à éliminer le Hamas dont c’est le programme. Qu’il soit irréaliste de penser qu’il y parvienne est une question ouverte ; que le coût pour Israël et les Gazaouis soit trop élevé l’est aussi. Mais cela ne doit pas servir de paravent à ceux qui, sans jamais le confesser publiquement, prêchent les vertus du cessez-le-feu et de la paix en fantasmant la destruction de l’État d’Israël.
Bruno Karsenti
PHILOSOPHE, DIRECTEUR D’ÉTUDES À L’ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES (EHESS)
Jacques Ehrenfreund
HISTORIEN, PROFESSEUR SUR LA CHAIRE D’HISTOIRE DES JUIFS ET DU JUDAÏSME DE L’UNIVERSITÉ DE LAUSANNE
Julia Christ
PHILOSOPHE, CHARGÉE DE RECHERCHE AU CNRS (LIER - EHESS)
Jean-Philippe Heurtin
POLITISTE, PROFESSEUR À L’UNIVERSITÉ DE STRASBOURG ET MEMBRE DU LABORATOIRE SAGE
Luc Boltanski
SOCIOLOGUE
Danny Trom
SOCIOLOGUE, CHERCHEUR AU CNRS, MEMBRE DU LABORATOIRE INTERDISCIPLINAIRE D’ÉTUDES DES RÉFLEXIVITÉS (LIER) ET DU CENTRE D’ÉTUDES JUIVES (CEJ) DE L’EHESS

16/11
Ne pas renoncer à penser
réponse à Bruno Karsenti et al.
Par Didier Fassin
ANTHROPOLOGUE, SOCIOLOGUE ET MÉDECIN
Mis en cause dans l’édition d’hier par Bruno Karsenti, Jacques Ehrenfreund, Julia Christ, Jean-Philippe Heurtin, Luc Boltanski et Danny Trom pour son Opinion « Le spectre d’un génocide » publiée dans AOC le 1er novembre, Didier Fassin leur répond.
Le débat scientifique suppose le respect de ses interlocuteurs et l’intégrité des arguments qu’on leur oppose. Le flot de calomnies déversé à mon encontre ne relève pas de ce que devraient être la rigueur et de la collégialité intellectuelles.
La déformation des propos, la caricature de la pensée, la violence de l’injure, l’incrimination diffamatoire ne sont pas dignes de ce qu’on peut espérer de l’expression légitime d’une contradiction. Là où l’on devrait attendre un échange d’idées, la seule disqualification de l’adversaire, sur lequel on jette l’opprobre en proférant les accusations les plus graves, n’est pas tolérable. Ce n’est donc pas dans ce registre que je vais répondre à mes procureurs. Mais il me semble devoir aux lectrices et aux lecteurs le rétablissement de la vérité sur le sens de ce que j’écris.
Le rôle des sciences sociales est de contribuer à la compréhension du monde. Il est d’autant plus important que les sujets sont sensibles, que les passions remplacent la réflexion, que les dénonciations tiennent lieu d’analyse. Le travail du chercheur repose sur l’enquête et sur l’interprétation. Il vise à apporter des éclairages sur ce qui se joue dans des situations complexes, parfois opaques, et il le fait en ayant recours à ce qui caractérise toutes les disciplines scientifiques, à savoir l’esprit critique. Bien entendu, ce travail ne garantit pas l’accès à la vérité, mais il s’emploie à mettre en cause les fausses évidences. C’est ce que j’ai toujours tenté de faire dans mes recherches, qui portent depuis longtemps sur des questions morales et des enjeux politiques difficiles, autour notamment de l’inégale valeur des vies. Comment, dès lors, peut-on oser écrire que, pour moi, « une vie juive vaut bien moins que toute autre » ?
L’inégalité dont je parle, le conflit israélo-palestinien en est la douloureuse illustration à Gaza. Pendant la guerre de 2009, le rapport entre le nombre de tués israéliens et palestiniens était d’un à cent, plus élevé encore si l’on s’en tient aux seuls civils. Pendant la guerre de 2014, un enfant israélien et plus de cinq enfants palestiniens sont morts. Les événements récents promettent un bilan humain bien plus lourd. Après les tueries perpétrées contre des civils par la branche armée du Hamas dans le sud d’Israël, ce sont les massacres des habitants de Gaza, victimes de bombardements massifs et d’un blocus de toutes les ressources vitales par l’armée israélienne. C’est dans ce contexte, où les gouvernements occidentaux, qui avaient légitimement dit leur horreur des assassinats de civils israéliens mais n’avaient pas eu un mot pour la mort de milliers d’enfants gazaouis, que j’ai écrit l’article « Le spectre d’un génocide ». Alors que responsables politiques européens et nord-américain affirmaient le droit d’Israël à se défendre, sans y mettre aucune des limites du droit humanitaire, j’ai pensé urgent de faire entendre la voix de celles et ceux, juifs et non-juifs, universitaires et experts, qui, dans le monde entier, alertaient sur le risque d’un génocide. Il s’agissait bien d’un risque, car les génocides sont malheureusement toujours une interprétation juridique a posteriori. Il n’y en a pas moins une obligation à les prévenir selon la Convention internationale de 1948 ratifiée par Israël.
Aujourd’hui, la mémoire de la Shoah est salie par celles et ceux, en Israël, qui comparent les crimes du Hamas et la Solution finale, qui traitent les Palestiniens de Nazis ou qui arborent une étoile jaune dans les instances des Nations unies.
Mais je n’en suis pas resté à la seule évocation de ce risque. J’ai voulu montrer ce qui se jouait à Gaza en dégageant ce qui me semble être l’une des structures historiques du génocide. Ayant conduit des recherches en Afrique australe pendant une décennie, je me suis intéressé à l’extermination des Hereros dans ce qui est aujourd’hui la Namibie et qui était alors le protectorat allemand du Sud-Ouest africain. Pendant les premiers temps de ce protectorat, à la fin du dix-neuvième siècle, la coexistence entre les colons allemands et les éleveurs hereros était pacifique et un traité fut même signé entre les deux parties. Mais peu après, les événements qui allaient aboutir à ce que les Nations unies ont reconnu en 1985 comme un génocide font se succéder trois moments. D’abord, les colons, rompant leur contrat avec les Hereros, les dépossèdent de portions toujours plus importantes de leur territoire, commettent contre eux des violences, et les déshumanisent en les comparant à des animaux. Puis, une révolte se produit, les Hereros assassinent plus d’une centaine de colons lors d’une attaque surprise. Enfin, l’armée allemande intervient, le général qui la commande annonce qu’il veut « annihiler » la nation herero, massacre une partie de la population et refoule le reste dans le désert en lui imposant un blocus qui fait mourir de faim et de soif plusieurs dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants.
Il m’a semblé que le déchiffrement de cette structure génocidaire – la commission d’abus par les colons, le raid meurtrier des Hereros, l’écrasement final de ce peuple – pouvait donner à réfléchir sur ce qui se joue à Gaza aujourd’hui, dans l’esprit de ce que l’historien Paul Veyne appelait une comparaison heuristique, à savoir le rapprochement de deux faits, non pour dire qu’ils sont similaires, mais parce que l’un aide à comprendre certains aspects de l’autre. La dépossession des terres palestiniennes par les colons israéliens au cours des décennies récentes, les humiliations par l’armée et la déshumanisation par le gouvernement actuel, puis l’attaque sanglante du Hamas contre des kibboutz, enfin la mise à mort à Gaza de plus d’une dizaine de milliers de civils par des bombes lâchées sur les maisons et les hôpitaux et par un siège privant les habitants d’eau, de nourriture, de médicaments et d’électricité, me paraissait reproduire cette structure et justifier une prise de position publique, alors que les chefs d’État occidentaux refusaient d’appeler à un cessez-le feu. Bien sûr, cette analyse peut se discuter. Des collègues m’ont dit qu’elle ne leur semblait pas fondée, d’autres m’ont affirmé qu’elle leur avait été utile.
À aucun moment, cependant, je n’ai mis en cause « l’existence de l’État d’Israël » qui est un fait acquis tellement évident que le rappeler devrait même sembler suspect. En parlant de colonisation, je me réfère aux pratiques condamnées par de nombreuses résolutions des Nations unies consistant à chasser les paysans et les éleveurs palestiniens, à leur prendre leurs terres et à détruire leurs oliviers, à laisser les colons et les soldats multiplier les vexations, et finalement commettre des centaines d’homicides. La naissance de l’État d’Israël est inscrite dans le droit international. Sa colonisation des Territoires palestiniens en est une violation. Il n’y a rien de décolonial à le dire. C’est simplement rappeler le non-respect des règles juridiques par un gouvernement dont certains des membres ne reconnaissent aux Palestiniens ni le statut d’êtres humains de plein droit ni leur existence en tant que peuple. Quant à la supposée « relativisation de la Shoah » que mon texte impliquerait alors que je rapproche en fait des événements de 1905 et de 2023 – et non avec le génocide des juifs d’Europe – elle me semble totalement hors de propos. Aujourd’hui, la mémoire de la Shoah est salie par celles et ceux, en Israël, qui comparent les crimes du Hamas et la Solution finale, qui traitent les Palestiniens de Nazis ou qui arborent une étoile jaune dans les instances des Nations unies.
Voir, dans le contexte présent, le superbe et terrifiant film d’Amos Gitai Le dernier jour d’Yitzhak Rabin éclaire d’une lumière crue les déchaînements de violence et de haine que peut provoquer le nationalisme religieux dans les actes comme dans les écrits. Mais la scène la plus significative du film est la discussion, au sein de la commission d’enquête sur l’assassinat du Premier ministre israélien, entre l’avocate qui tente de resituer les faits dans une perspective historique, évoquant la politique mortifère de colonisation des terres palestiniennes, et le président qui lui répond qu’il n’est pas là pour parler du passé, mais des événements du 4 novembre 1995. Pour certains, aujourd’hui, l’histoire commence le 7 octobre 2023. Leur dire, comme le fait le secrétaire général des Nations unies, que cette terrible journée « ne vient pas de nulle part », ce que j’ai aussi voulu exprimer dans mon texte, leur est intolérable. Faute de pouvoir contester rationnellement cette réalité, ils lancent des imprécations et salissent le nom de leurs contradicteurs, en les accusant d’antisémitisme avec pour seul but de discréditer leurs analyses.
Mais pour celles et ceux qui voudraient voir l’avènement d’une paix juste et durable pour les Palestiniens comme pour les Israéliens – et j’en fais partie – rien n’est possible tant que l’histoire est niée, avec les responsabilités qu’elle implique.
Didier Fassin
ANTHROPOLOGUE, SOCIOLOGUE ET MÉDECIN, PROFESSEUR AU COLLÈGE DE FRANCE ET DIRECTEUR D’ÉTUDES À L’EHESS

16/11
Voir également cette réponse de Didier Fassin à Eva Illouz sur Philomag :
https://www.philomag.com/articles/genocide-gaza-didier-fassin-repond-eva-illouz?utm_source=Philosophie+magazine&utm_campaign=1907eeb335-mailchimp_COPY_07&utm_medium=email&utm_term=0_dee8ebacdf-1907eeb335-218007497
Yves

17/11
Bonjour à tous.
A quel moment un Etat cesse t il d’être un autre chose (colonie ???) pour devenir un État comme un autre ?
Autrement dit Israël est il un Etat comme les autres ?
Pierre

17/11
« Israël est il un Etat comme les autres ? »
Je vous suggère la lecture du texte ci-joint
Amicalement
René
ISRAËL DOIT-IL DISPARAÏTRE ? INTRODUCTION A ISRAËL — PALESTINE, MONDIALISATION ET MICRO-NATIONALISMES Éditions Acratie, 1998 Rene Berthier

17/11
Texte très intéressant, merci. Il y a quelques points avec lesquels je ne suis pas trop d’accord, mais dans l’ensemble l’analyse me paraît juste et bien meilleure que la plupart des pseudo-experts.

À la question de Pierre : Est-ce que l’État d’Israël est un État comme les autres ? Je répondrais oui, malheureusement. L’État est "le monopole de la légitime violence" (Weber) et "l’institution destinée à perpétuer la division de la société en classes" (Engels). En ce sens, l’État d’Israël est comme les autres. Le projet sioniste aurait pu prendre une autre tournure (non-étatique, communaliste, etc.), mais c’est ainsi.
Quant aux Palestiniens, ils n’ont peut-être pas officiellement d’État, mais ils ont aussi des autorités, des riches et des pauvres, des institutions qui ont le monopole de la légitime violence… Les représentants politiques de la Palestine reçoivent d’ailleurs pas mal de capitaux étrangers (aide au développement, soutien islamique, etc.), mais ces fonds ne sont pas vraiment employés pour le social. On préfère maintenir une certaine misère pour former des soldats prêts à combattre Israël (certains Palestiniens, il me semble, en sont conscients).
Beno Hasopher

17/11
Sujet : israël doit-il exister ?
Je fais référence, ici, au texte de René Berthier.
Avant de répondre à la question, je voudrais apporter quelques éléments de discussions.
 On oublie souvent que l’état d’Israël fut une création par défaut des vainqueurs de la 2° guerre mondiale. Que faire des survivants ne voulant pas rejoindre leurs pays d’origine souvent à justes titres ?
 La pulsion sioniste apparut comme une solution contentant tout le monde sauf les locaux dont les élites avaient largement participé à l’islamo-nazisme. Le Grand Mufti de Jérusalem fut aussi l’ardent défenseur du refus de deux états en « Palestine ».
 L’Onu a donc créé un état sans frontières précises. Je crois qu’il faut attendre 1967 pour avoir un périmètre. La Jordanie gère la Cisjordanie et l’Egypte Gaza.
 Ensuite le Grand Merdier s’intensifie. Jamais les créateurs onusiens n’ont pris le taureau par les cornes. Les Résolutions successives furent ignorées par une population qui en avait vu d’autres (et plus contraignantes). Le « Machin » (de Gaulle) avouait son impuissance et ses tares : la fonctionnarisation de la bien-pensance bien payée.
 1 ou 2 états. Les deux parties n’en veulent pas.
 Du côté juif (qu’est-ce qu’un juif ? La question reste ouverte). Une tradition talmudique interdit le retour en Terre Sainte. Ce qui explique que peu de juifs ont rejoint Israël.
C’est une opposition radicale à l’enracinement. Beaucoup de rabbins sont hostiles à Israël. Leur éventuel soutient après 1967 est surtout une aide financière pour qu’ils restent au chaud. Certains d’entre nous savent comment les juifs français ont accueilli les émigrants de l’Est ( et comment ils ont collaboré plus ou moins aux rafles).
 Le sionisme est une maladie sénile de l’idéologie occidentale remuée par la fausse question des nationalités. Hélas, la mobilisation du prolétariat sur les deux rives du Rhin a commencé la grande déroute du mouvement ouvrier. 1917 a montré la voie militaire et putschiste… Les millions de morts, de blessés, de gazés…témoignent de l’errance idéologique européenne et occidentale.
 Je ne parle pas de la honte coloniale et des nationalismes décolonisateurs.
Le judaïsme a connu, aussi, la sécularisation : le messianisme est devenu nationalisme. Hérésie qui mène au pire que nous vivons aujourd’hui.
 Les juifs ont connu deux destructions du Temple de Jérusalem avant que le judaïsme devienne rabbinique et que l’exil (Diaspora) le sauve de la tentation territoriale. Israël connaîtra-il le même sort ?
 Du côté musulman ( je ne dis pas palestinien, car c’est une abstraction douteuse en raison de sa composition historique multiples — comme la France d’ailleurs — ) Les manipulations anglaises ( et un peu françaises) ont crée après la chute de l’empire ottoman des états sur le modèle de la nation occidentale sans comprendre que la région était composée de tribus nomades et de sédentaires pastoraux. (Relire et revoir Lawrence d’Arabie).
L’islam ne connait pas l’état ou la nation. Sa doctrine politique se réduit au Califat et aux luttes intestines, l’assassinat d’Ali crée le premier schisme à l’origine du shiisme. La gouvernance ne peut qu’être divine ( nos rois étaient aussi oints ). Donc la création d’un état/nation était religieusement et théologiquement inacceptable. On connait la suite.
En terre d’Islam la laïcité (OLP, FATAH) est impossible, Saddate et Béguin ont payé la taxe foncière plein pot.
 Un israélien était-il encore un juif ? Un palestinien peut-être musulman, chrétiens, athées, membres de sectes… La questions religieuse sert de cache misère, les fantasmes occidentaux encouragent les massacres. Le Pays arabes manipulent pour de multiples raisons.
Je crois avoir répondu à la question incontournable.
Je peux choquer. Y-a-t-il une issue au Grand-Merdier, sans changement radical de paradigme ? Les parents boivent, les enfants trinquent ! ! !
R-D M

17/11
Une réflexion en passant à la suite de ces textes. Sur la pointe des pieds (ou du clavier) car je n’ai pas de connaissance profonde du sujet, et ce que je partage ici est de l’ordre de l’intuition, loin d’une affirmation.
Le débat sur la ’qualification’ de l’anéantissement de la bande de Gaza et du massacre de ses habitants doit être mené, mais il est peut-être au fond stérile, s’enlisant dans une argumentation juridique qui finalement rate l’essentiel de ce qui se produit.
Sauf à croire que les mots ont un réel pouvoir et que les instances juridiques internationales mobilisent une éthique satisfaisante. Quand on considère comment Hiroshima/Nagasaki a échappé au TPI, on dispose d’éléments de réponse.
A y réfléchir plus profondément, il me semble que le projet sioniste était en soi problématique dans le sens où il voulait donner une terre à un groupe définit par une religion. La conséquence logique est l’instauration d’un clivage entre "les purs" et "les impurs", qui produit nécessairement l’impossible cohabitation des premiers avec celles et ceux qui "sont d’ici" mais sans "en être". Le critère de légitimité pleine et entière n’est plus "d’habiter là" ou "d’être né là", ce qui justifie la pleine et entière appartenance dans tout pays définit par son territoire et non par une abstraction.
Les musulmans, les chrétiens, celles et ceux, athées ou agnostiques, qui ne peuvent démontrer les bonnes origines sont destinés à être traités comme des en-dehors, et ultimement à être poussés dehors, dans la tombe, sous les balles ou les bombes, ou hors des frontières. Ou alors se convertir. Le résultat, probablement nécessaire, un est mix de purification ethnique et d’ethnocide, pour le cas des convertis.
Le fonds ne m’apparait pas intrinsèquement religieux, mais incarné par un ancrage non-territorial à un territoire. La même difficulté se poserait si les Roms, peuple "sans terre" ostracisé depuis des siècles, décidaient de s’approprier un territoire, pour des raisons similaires. Être rom n’est pas une religion, les roms collent à la religion de leur ancrage territorial.
Il me semble donc que c’est la base même du projet qui coince, il est fondé sur une contradiction dans les termes mêmes qui fait que ça ne marche pas, et ne peut probablement produire que des monstres. Notre époque solutionniste nous habitue à ce que tout problème dispose d’une solution, il semble qu’il y en ait qui n’en ont pas.
L’idéologie solutionniste qui baigne la période nous habitue à tort à croire ce que tout problème dispose d’une solution, il semble que malgré tout, certains problèmes n’en ont pas. Ici, la raison serait que 1/ l’on ne puisse pas remonter le temps, faire "comme si" on pouvait en effacer les effets et 2/ seuls les corps des habitants doivent définir qui est légitime sur un bout de terre, les idées relèvent d’un autre domaine (comme l’a indiqué Platon).
Patrick.

20/11
Effectivement, les médias (en France plus qu’en Suisse) en font parfois trop sur l’antisémitisme, et cette marche aurait dû être plus spontanée plutôt qu’organisée par ou avec des responsables politiques.
Mais d’un autre côté, il faut aussi rappeler qu’en France des Juifs ont été assassinés parce que Juifs (par ex. Ilan Halimi, des enfants d’une école juive, etc.). Sans oublier les insultes, les profanations de tombes, et autres.
Donc l’antijudaïsme existe, ce n’est pas qu’un simple fantasme. Et moi je continue de penser que l’antisionisme est souvent le masque que prennent les antijuifs d’aujourd’hui…
Beno Hasopher

20/11
Cher Beno,
Antijudaïsme, antisionisme, antisémitisme : 3 mots redoutables
L’antijudaïsme a une longue histoire pré-chrétienne. Tu trouveras dans « L’antijudaïsme à l’épreuve de ;a philosophie et de la théologie » sous la direction de D. Cohen-Lévina et d’ A. Guggenheim, Seuil, Genre humain, 2016, 708 pages de quoi te nourrir, notamment un article Les antécédents antiques par M-F Baslez p.335-355.
Il y a même une coupure radicale chez Marcion entre l’AT et le NT. Certains y voient le débuts de l’antisémitisme chrétien. Toutefois, il faut aussi comprendre que Marcion inaugure la triste liste des coupures épistémologiques. Pour mémoire, il fut le premier anti-pape et le fondateur d’une hérésie qui dura quelque temps.
L’Antisionisme ne peut exister avant le sionisme. La tradition juive passionnante et polymorphe mérite de longues heures de lectures si l’on veut pénétrer dans ses richesses intellectuelles même pour un athée, voir un antisémite qui doit connaître son ennemi sous peine d’être un rigolo. (Idem pour les Pères de l’Eglise et l’islam, surtout le shiisme.)
L’antisionisme est partagé par beaucoup de juifs, sinon l’état d’Israël serait surpeuplé.
Le Talmud compilé après la diaspora précise que « le retour en Terre Sainte est interdit » ; l’enracinement n’est pas une option, l’exil reste une quasi Loi. Comme au BHV on y trouve tout et son contraire. Toutefois, les rabbins sauvèrent le judaïsme, la diaspora permit la survie et l’éclosion d’un judaïsme fort et intellectuel. Les penseurs juifs se confrontèrent avec les occidentaux et les arabes musulmans. ( MAïmonide, Ibn Rushd - Averroès- Saint Thomas à travers l’Europe. La liste est longue. )
Le retour sur la Terre d’Israël n’est pas envisagé, d’ailleurs, il suffit de circuler en Europe centrale pour voir les restes des cimetières juifs et la profusion de synagogues.
Un philosophe juif renommé Hermann Cohen (Ecole de Marburg et professeur de Martin le moustachu) a écrit cette phrase terrible en 1915 : « Enfin dans les tranchées, la germanité et la judéité se retrouvent « Il mourut jeune et sa femme périt dans les camps.
Dans les années vingt, le sionisme prend de l’ampleur et les communauté juives sont tiraillées.
M. Buber et G. Scholem émigrent. Cette période est bien documentée.
L’antisémitisme s’implante rapidement dans le christianisme, les Pères à de rares exceptions constituèrent un socle théologique qui perdure.
N’oublions pas que jusqu’à le Djihad vers le Maghreb les communautés judéo-chrétiennes pululent y compris à Médine. Le prosélytisme juif reste actif jusqu’à la conversion des Khazar ( lire le Khazari texte d’un Rabbin qui fait de la pub pour le judaïsme) .
Le monde musulman oscille entre ségrégation et protection (dhimmi). Le panarabisme et la décolonisation éjectent les juifs du Maghreb.
La poussée actuelle du prurit antijuif musulman relance l’antisémitisme religieux ( les chrétiens suivent mais moins ouvertement).
La relance de l’antisémitisme de gauche accouplé au wokisme rajoute une couche idéologique redoutable.
Je ne suis pas d’accord avec toi l’antisioniste n’est obligatoirement antisémite. Je suis un antisioniste (anti-nationaliste), philosémite ,car le judaïsme nous apporte toujours un éclairage sur le monde.
Il faudrait des heures pour faire un tableau complet de cet imbroglio. Dans ces questions, il faut se méfier à mort des idées toutes faites et de la doxa.
Ce qui se passe actuellement remue à nouveau le Grand Merdier. Rien n’est simple et je plains beaucoup ceux qui, sur le terrain, doivent affronter des situations épouvantables. J’admire ceux et celles qui, de chaque côté, osent dire non, pas avec moi, avec les risques majeurs d’êtres incompris et éliminés.
R-D M

PROTOSIONISME

23/11
Je suis preneur d’informations sur le proto-sionisme. Que je connais mal.
L’état de pauvreté et de misère des classes populaires d’Europe centrale, a favorisé deux choses :
 l’adhésion au marxo-léninisme.
 Un nationalisme endogène.
L’enchevêtrement des causes et des effets montre l’énorme difficulté de comprendre les enjeux actuels et de percevoir une issue possible.
Hélas, je crois que la Shoah a fait disparaître les bases de l’analyse de classes. Effectivement, pour nous actuellement, cette approche reste voilée par la II ème GM. 
Au plaisir de te lire.
R-D M

23/11
J’ouvre ce fil suite à la discussion sur l’antisémitisme…
Il y a eu un proto-sionisme, comme il y a eu un proto-anarchisme. C’est-à-dire, un sionisme avant le mot et la création de l’organisation sioniste mondiale (1897).
Le sionisme a d’abord des racines religieuses, voire mystiques : bibliquement, le mont Sion – à ne pas confondre avec celui d’aujourd’hui – fait écho au mont du temple (une des causes du conflit actuel), à Jérusalem, à la présence de Dieu, etc. Après la destruction du second temple et l’exil, les juifs (de chair, de cœur ou d’esprit, qu’importe) ont répété pendant des siècles : "L’an prochain à Jérusalem". Et les plus fervents d’entre eux se sont établis en terre "sainte" bien avant le mouvement sioniste du XIXe siècle. Ensuite, il faut aussi tenir compte des persécutions antijuives qui ont parfois hâté le retour à Sion : à la fin du XVe siècle, par exemple, suite à l’expulsion des juifs d’Espagne et du Portugal, des groupes de réfugiés ont fait route vers Sion. Certains d’entre eux se sont installés à Safed – qui deviendra un grand centre de la kabbale. Et quelques siècles plus tard, les pogroms en Russie ont fait naître le mouvement des Amants de Sion, fondé par Léon Pinsker, lui-même influencé par des rabbins proto-sionistes qui appelaient les juifs à migrer vers l’ancienne Judée (Tsvi Hirsch Kalischer et Yehouda Alkaï). Il y a aussi Moses Hess, théoricien socialiste et proto-sioniste, qui a publié un livre intitulé "Rome et Jérusalem" (livre que je vais essayer de lire prochainement).
On pourrait aussi parler de certains chrétiens qui, pour d’autres raisons, ont été des précurseurs du sionisme (par ex. le revivaliste franco-suisse Émile Guers, le pasteur William Hechler, etc.).
Les problèmes sociaux des Juifs de l’Est ont également favorisé le développement du sionisme. Enfin, l’horreur de la Shoah a malheureusement donné raison aux sionistes de la première heure…
À mon avis, on peut donc difficilement réduire le sionisme à un mouvement nationaliste calqué sur le modèle allemand et italien. Je ne nie évidemment pas cette influence (Herzl était un théoricien de l’État), mais le sionisme a connu différentes branches et s’est nourri de différentes choses. Notez aussi que le courant socialiste fut longtemps dominant, tandis que le courant ultranationaliste de Jabotinsky était d’abord très marginal. La tendance est aujourd’hui inverse (si on peut encore parler de sionisme).
Voilà pour le moment… Beno Hasopher

23/11
Bonsoir,
Merci Beno Hasopher.
Pour tous ceux que la pensée juive intéresse, je conseille l’excellent ouvrage de Pierre Bourretz Témoins du futur (chez nrf essais). On y trouvera des chapitres (qu’on peut prendre dans n’importe quel ordre) très clairs sur Franz Rosenzweig (penseur essentiel pour l’anarchisme), Martin Buber, Hans Jonas, Ernst Bloch, Emmanuel Levinas, etc.
Si cela intéresse certains, j’avais fait un court travail de présentation sur ce dernier penseur.
Paix, joie et liberté à chacune et chacun.
Martin

23/11
Bonjour à tous,
D’abord merci de nous livrer des rappels historiques peu connus
Le proto-sionisme n’était-il aussi ou d’abord un besoin d’identité malgré la dispersion de la diaspora.
Pour le goy que je suis, le judaïsme m’interroge depuis longtemps. Mais surtout pas pour des raisons religieuses ni pseudo-éthniques. Je fais une lecture philosophique de tous les textes religieux, car ils sont une représentation de soi et du nous et une vison du monde dont le décryptage n’est pas facile sans connaissance réelle des langues concernées.
La Jérusalem en question est toujours celle du passé. L’invoquer signifie que l’on espère encore l’évoquer l’année prochaine en soi et en nous. Jérusalem est un continuum mythique et non mystique, l’ombre du religieux.
Les persécutions ont effectivement forcé certaines communautés à migrer de tout temps. Pour entrer dans la vieille ville fortifiée (guerre de 100 ans) ou j’habite, je dois remonter la rue des Juifs avant de passer le pont-levis. Ils étaient là depuis longtemps, ensuite, les marins normands ont ramené du Portugal les juifs chassés. Tous ne sont pas partis pour Jérusalem.
LEs millions de juifs européens ou russes malgré des conditions difficiles et les pogromes n’ont pas cherché à retourner en Sion.
Je reste persuadé que l’influence du nationalisme européen a profondément influencé le sionisme. La nation fut un schème puissant lié à la Révolution française, synonyme de Liberté et d’universalisme.
D’ailleurs, Marx et les courants socialistes n’ont pas compris la force intrinsèque du nationalisme et leur tentative de forger un nouveau peuple-nation (le prolétariat) faut un échec dramatique.
Quel modèle de nation copie le sionisme ? Tu fais allusion à l’Allemagne et à l’Italie qui sont des nations tardives. Leur constructivisme est surement important. La Nation française a bien sûr une autre histoire, d’abord étatique (Louis XIV) .
Pour ma part, le judaïsme me semble apporter une autre dimension politique et une autre vision du monde vus par un anticlérical impénitent.
 Grace à la destruction du Temple, il n’y a plus de clergé. Le judaïsme rabbinique fait un saut qualitatif inouï et riche en enseignements.
 La Diaspora confronte les juifs à des influences de toutes les époques.
 Rôle primordiale de l’étude des textes et de leur exégèse.
 Le juif rend à César ce qui est à César et à Dieu … (parole et musique bien connues Surprise, surprise !
 A force de se ramasser des gamelles guerrières (David c’est dans les textes pas dans la réalité et de tout temps), la sagesse prévalut. PAs d’armée pas de guerre ? ! ? !
 La survie passe par l’exil (déracinement contre enracinement) mais aussi l’exil intérieur, le refus, non pas d’intégration, mais de comportement de Panurge.
 C’est une façon de rompre avec le milieu pour préserver une identité ?
 De toute façon, la vie finit par un exil.
 La séparation renforce. Tout est provisoire.
 Le souvenir du départ se transfert de génération en génération, il faut être prêt à partir.
 La terre, la patrie ont un sens symbolique et non politique.
 L’exil ouvre la porte de l’universalisme..
 l’exil devient une ouverture au monde.
 L’exil rompt l’illusion de l’attachement.
 L’exil contraint prend la forme d’une déchirure, l’exil volontaire fait partie de la vie. Il faut couper le cordon.
 L’identité change de nature, elle devient un récit, une réalité, une mémoire.
 L’enraciné meurt de sa demeurante, l’exilé comme la tortue avance toujours en lui.
 La vraie origine se découvre dans le déracinement.
 L’exil n’est pas l’amnésie, mais la présence intérieure partagée. Avec de rites pour ceux qui les supportent.
 L’exil rejoue la question de l’origine. C’est le présent qui perpétue l’origine qui n’est plus un commencement, mais un mode d’être. L’origine masque sa vraie nature l’originel.
 On part en exode et l’on revient, l’exil est retour vers le futur.
JE m’excuse de la lourdeur de ces lignes. Mais, je pense que nous touchons à un noeud primordial.
LE livre de Moses Hess est-il traduit en français ? A lire en // avec Athènes et Jérusalem de Chestov.
A vous lire tous.
R-D M

24/11
@Martin : Aussi intéressé par ton travail sur Levinas que je ne connais que de nom…
Ernst Bloch a tout mon respect, puisqu’il fait partie de ces rares auteurs qui ont présenté Thomas Müntzer – théologien de la révolution – d’une manière plus objective, contrairement à tous ces protestants qui l’ont diabolisé pendant des siècles (jusqu’à aujourd’hui).
@R-DM : ta lecture "philosophique" est intéressante, en particulier ton approche du déracinement et de l’exil. Tes phrases à la fin sont profondes (exil intérieur, tout est provisoire, la vie finit par un exil, etc.). Encore que selon moi la fin est peut-être moins un exil qu’un retour vers le "pays promis". Comme le dit un Psaume : "Je suis un étranger sur terre…"
Sinon, pour répondre à ta question, le livre de Moses Hess a aussi été traduit en français. Et merci pour ton conseil de lecture pour le livre de Chestov qui m’intéresse beaucoup…
Beno Hasopher

Date ?
Pardon, ce n’était pas sur Levinas, mais Ernst Bloch que je voulais vous partager le document ci-joint !
Levinas m’a un peu déçu quant à ses positions sur l’Etat... (cf. ci-dessous)
La pensée de Bloch a des aspects passionnants. Je n’ai pas lu son livre sur Thomas Münzer qui vient de reparaître (Ernst Bloch a par ailleurs écrit une étude dont le titre me fait mourir -intellectuellement- de rire : Avicenne et la gauche aristotélicienne).
Amitiés !
Martin
La "chose politique", telle qu’elle est actuellement pensée, à l’échelle des Etats, exige que nous nous placions à une dimension qui n’est pas la nôtre, qui n’est pas encore ou qui n’est plus tout à fait humaine parce qu’elle excède l’échelle où l’homme peut réellement faire quelque chose qui soit son action et poser un geste qui soit son geste. La chose politique excède le cadre d’une praxis proprement humaine et nous entraîne dans la démesure. La dimension d’un agir proprement humain, dans l’espace et le temps, le Jésus des Evangiles l’avait donnée, comme en passant : c’est le jour ; et, pour ce qui est de l’espace, le prochain – c’est-à-dire celui qui pénètre le périmètre de ma proximité, mon proche comme l’étranger qui s’approche. Oui, à chaque jour suffit sa peine à qui sait se la donner pour sa femme et son enfant, pour son voisin de palier et son collègue de travail. Le pain de la morale est non seulement quotidien mais partagé de proche en proche.
Voyez maintenant la politique : elle nous place à des échelles qui ne sont plus les nôtres. Une étude demandait aux Français s’ils étaient prêts à accueillir chez eux un réfugié, voire une famille de migrants. La réponse fut globalement positive. Demandez-leur si l’information selon laquelle l’Allemagne s’engage à accueillir un ou deux millions de migrants suscite en eux une certaine angoisse : la réponse aussi est positive. Car ce n’est pas le migrant, en tant que prochain, qui pose problème : quand les villages existaient encore et que l’inconnu, le pèlerin ou l’étranger frappait, on ouvrait. Pas toujours : la morale a ses dilemmes. Mais ils sont à notre mesure. Ce qui pose problème dans l’énoncé « deux millions de migrants », ce n’est pas le migrant, c’est le million, c’est cette dimension proprement politique qui nous laisse les bras ballants – ballants, parce qu’ils ne sont pas assez grands pour embrasser ce qui vient à leur étreinte.
Levinas assignait à la politique (c’est-à-dire, selon lui, à l’Etat) un rôle inattendu : celui de limiter la morale dans ses prétentions, de la sauver de son infinie portée. Pour Levinas, du point de vue de la morale, je suis voué à secourir « l’autre » absolument, inconditionnellement. Levinas parle de responsabilité absolue. Ce voisin qui frappe à la porte, dès lors que le bruit de ses phalanges est venu rompre la paix silencieuse de mon appartement, je deviens le garant de sa vie. Je suis le gardien de mon frère. Plus que de mon frère : de l’autre, quel qu’il soit, et sans qu’on puisse savoir qui il sera. Mais puisqu’il est impossible d’être responsable de tout devant tous, la politique vient comme instituer cette responsabilité et me soulager de son appel infini, de son sublime abîme : il existe des structures politiques qui aideront cet autre mieux que je ne le pourrais en prenant sur moi seul sa détresse. Jamais tranquille (l’autre peut toujours, et à nouveau, faire irruption), je peux toutefois dormir.
Or je crois que c’est exactement le contraire : une bonne intelligence de l’aide qui m’oblige au prochain et que je peux lui apporter vient d’elle-même limiter mon action. Pour le dire autrement : aider vraiment, c’est aussi cesser d’aider. Par exemple : j’écoute ta plainte – mais je dois aussi écouter le moment où cette écoute deviendrait complaisance. Pour paraphraser l’Ecclésiaste, je dirais : je dois écouter et m’arrêter d’écouter ; pleurer avec toi, oui, mais te remettre en route si nous nous noyons dans tes larmes. Dans les choses morales, il y a un temps pour tout.
La relation au prochain est un art difficile, qui suppose le lien et la distance, dans un équilibre à conquérir sans cesse, entre l’indifférence (ton mal ne m’intéresse pas) et l’indifférenciation (je deviens ton mal, je me confonds à lui, « j’en fais mon affaire » comme on dit de façon ambiguë). Mais cet art difficile est un art à portée de nos humaines mains. Quand la politique prend le relais, parce que, par exemple, un million de migrants, ce n’est pas un prochain, mais une catastrophe humanitaire, quand la politique est requise, ce n’est pas, contrairement à ce que dit Levinas, pour nous sauver de notre responsabilité infinie, mais justement pour rendre indéfinie une responsabilité qui, en morale, s’exerçait sur le plan fini de la relation humaine.
(Levinas utilise la catégorie de l’autre comme repoussoir de celle du prochain, dont il pensait qu’elle ne rendait pas assez le caractère inassignable, inattendu et irréversible de cette rencontre qui me découvre à ma responsabilité infinie. Le prochain, c’est ma femme, ma mère, mon voisin, mon enfant : « l’autre », qui échappe à toute appropriation, excite davantage la pulsion morale. Mais, en rejetant la catégorie du prochain, Levinas, subrepticement, politise la morale en lui ôtant sa mesure : c’est le tout-autre qui m’oblige, indéfiniment et obscurément, et non pas d’abord cet homme-ci et cette femme-ci, en chair, qui tombe sous ma main pour la contraindre à s’ouvrir. Ayant politisé la relation morale, en préférant « l’autre » au « prochain », c’est donc logiquement qu’il en appelle ensuite à la politique contre la portée infinie de la morale.)

24/11
Eno,
Merci de tes commentaires,
Peut être, peux-tu mettre à dispo dans DA ta lecture de Lévinas dont la pensée et les lectures talmudiques sont indispensables.
Au psaume, je répondrais : « je suis la terre de tout temps ». Ma tendance animiste me colle aux sabots.
R-d M

25/11
Salut Martin et les autres,
Ouah ! C’est du lourd ! Y-a intérêt à mettre le turbo au clavier avant de répondre.
Juste quelques remarques :
— LEVINAS.
— Auteur, très apprécié dans ma génération. Si ses oeuvres sont d’un lecture facile, toutefois sa pensée dense demande un effort particulier pour en saisir les finesses et les faiblesses. La lisibilité n’implique pas la compréhension immédiate.
— La publication des futures ouvres compètes « aurait montré que Levinas eut, à partir de ses lectures talmudiques, des admirateurs douteux chez les rabbins extrémistes » ( Hypothèse basée sur des ragots entendus pendant mon salariat dans l’édition.)
— La pensée politique de Levinas mérite des éclaircissements. Tes remarques sont utiles.
— BLOCH
— Ton article sur Ernst Bloch fait un exposé concis de la pensée de Bloch peu connue des non-germanistes, malgré des traductions de bonne tenue.
— En te lisant, j’ai eu l’impression de replonger dans la « panzerphilosophie » (Kant - Fichte - Schelling - Cohen - Heidegger-Marx…) dont l’influence a fortement influencer la pensée mondiale.
— Tu mets en évidence l’importance de la médiation qui mérite une étude approfondie jamais faite à ma connaissance .
— Le système hégélien - matrice intellectuelle - aboutit à un conformisme généralisé que tu décris parfaitement et qui perdure dans les courants contemporains même les plus vindicatifs.
— « Mystère du Mal dans le mystère de l’Être ». Sujet passionnant, Ricoeur et Nabert ont apporté des éléments fondamentaux. LA question du mal traverse toute l’histoire de la pensée. L’Etre a subjugué trop de penseurs, à mes yeux, c’est une régression catastrophique. Pendant les spéculations sur l’être, les yeux fascinés n’ont pas vu les mutations du monde et ses implications concrètes (I.A…).
— Musique. Tout à fait d’accord avec toi. Bloch était aussi compositeur. (Si je retrouve les enregistrements dans mon tas de K7, je te feras une copie).
 Malgré les apparences le dodécaphonisme se révèla un hyper classicisme du formalisme. Le camarade Boulez joua le rôle du Petit Père de la modernité. Cela révulsa une grande partie des amateurs et pourtant la musique dite contemporaine est fabuleuse dans sa diversité. (Je suis un inconditionnel).
Merci de tes deux contributions.
Au plaisir de te lire.
R-D M

26/11
Merci Martin pour ce document dense. Le passage à propos de Job m’a particulièrement interpellé, comme l’avait fait il y a quelques années l’essai de Jung "réponse à Job", dans lequel je vais du coup me replonger. Toni Negri avait aussi, du fond de sa cellule, proposé un "Job, la force de l’esclave.
Bloch et Jung avaient eu une controverse, au sujet de la transcendance, qu’ils ne considéraient vraisemblablement pas sous le même angle, et je cherche à me procurer l’ouvrage de G. Bartning, "Das Neue und das Uralte, über das utopisch-archetypische Spannungsfeld in der neueren philosophischen Anthropologie und den Hintergrund der Polemik Ernst Blochs gegen Carl Gustav Jung" Bouvier Verlag H. Grundmann, Bonn, 1978. qui en fait état et analyse les deux positions, mais je crains qu’il ne soit d ifficile à trouver.
Yves

26/11
Encore un article dans Atlantico, désolé !
RDM
INFILTRATION DE L’ISLAMISME
Boualem Sansal : « Pour les islamistes, Paris et Londres sont le plus grand jackpot au monde »

26/11
Désolé mais cet article est à chier… c’est du complotisme raciste anti-musulman de la pire espèce.
Juste un extrait ci-dessous pour ceux qui ont autre chose à faire. Je commence a me demander ce que je fais sur cette liste 😕 !?
Patrick - aka Nuage Orageux.
« Il n’y aura pas de 6e république, et s’il y en une elle sera ou islamique, ce qui signera la mort de la France, ou semi islamique ce qu’elle est déjà un peu[…] »

27/11
C’est trop simple de cracher du venin en utilisant des mots vides et des contresens.
 Complotisme sert à désigner celui qui ne partage ton avis, cela revient à le traiter de juif (errant peut-être) et de l’exclure de ton champ de vision.
Qu’est ce que le complotisme ? En quoi ce texte l’est-il ? Sansal, un musulman algérien qui a connu les pires heures de l’Algérie), refusant l’anathème musulman contre Israël est donc un traître … à quoi ? A la race, si j’en crois ta diatribe.
 Raciste anti-musulman. Bonjour l’amalgame et l’insulte pour les musulmans non arabes ( dont les Berbères, l’islam extrême oriental, les perses etc…). Depuis quand une religion est une race ? C’est surement prendre l’exemple de la race juive dont l’hétérogénéité n’est plus à démontrer. Me revient à l’esprit la boutade de Pierre Dac (merveilleux humoriste juif) : Le peuple élu demande des élections, il en a marre de porter seul le chapeau.
Ton wokisme bas-de-gamme gagnerait à donner des argument utiles à DA. Nous vivons des temps compliqués, les réduire à des slogans « prêts à cuire » (j’aurais pu dire … mais ce serait de l’humour douteux) ne nous avance pas d’un pouce.
Je pensais que l’anarchisme et la pensée libertaire se targuaient d’une ouverture d’esprit non-stalinienne ?
La critique des religions et l’anticléricalisme-pépère font partie de notre ADN.
R-D M

27/11
l’accrochage entre Nuage fou et Dominique m’amène à lire cet article que je n’avais pas lu. J’ai vu et entendu Boualem Sansal plusieurs fois à Strasbourg, j’ai toujours trouvé un homme à la fois mesuré , plein d’humour et profondément meurtri. Cette sortie sur une VIème république islamique m’étonne. Tout le reste de l’article concerne la question de l’électorat musulman. Question dont je n’ai rien à foutre, si ce n’est que l’absence d’une parole stable d’origine des quartiers autre que celle de IR me questionne.
Il est sûr qu’en faisant cette réponse à Atlantico Sansal leur sert la soupe. Mais je ne crois pas que cela vaille le coup de s’éborgner à ce propos. L’accueil très réservé si ce n’est encore moins que la Gôche à fait à Sansal comme à Kamel Daoud à propos de l’emprise islamiste en Algérie (150 000 morts) peut expliquer ce genre de glissement. La droite étant toute contente d’ouvrir alors ces bras.
Voilà pour ce matin.
Pierre

27/11
Berlin, Pâques 1990. le mur est tombe mais pas encore la DDR. La partie est allemande du métro u-Bahn a été récupérée par le mouvement qui a forcé l’ouverture. cf https://divergences.be/spip.php?article3350
Thomas Munzer. J’ai lu ce livre lors de sa parution . J’ai été emballé. Mais, bien des années après une étude historique a paru sur la Guerre des Paysans en Alsace, qui a l"époque faisait partie due l’empire germanique. L’influence de T. M. est presque nulle. Elle n’a pas dépassée les montagnes de Thuringe pour arriver en vallée rhénane. Je fut bien déçu. C’est dans cette vallée que l’on vit l’éclosion de l’anabaptisme, peut être n’y avait il pas place pour autre chose ?
Pierre

27/11
Kaliméra sas,
Le dernier mail de Pierre évoquant la chute du mur me donne envie de vous recommander la lecture du bouquin génial de Lutz Seiner, Stern 111 qui évoque cet épisode de l’histoire et qui n’est lui pas décevant du tout....
Bonne journée,
Pat d’Athènes

29/11
ce qui suit illustre ce que va être le second round de cette tragédie, prévue dans notre dernier édito
Pierre
Mis sous le boisseau depuis le début de la guerre à Gaza le 7 octobre, le dossier explosif des colonies israéliennes en Cisjordanie a brusquement refait surface. Le gouvernement de Benyamin Netanyahou a débloqué 105 millions de dollars en faveur des implantations dans lesquelles vivent un demi-million d’Israéliens, suscitant l’ire de certains ministres, mais aussi de Josep Borrell, le « ministre » des Affaires étrangères de l’Union européenne.
Aux commandes du ministère des Finances, Bezalel Smotrich, chef d’un parti d’extrême droite partisan d’une colonisation à tout va en Cisjordanie, a obtenu cette rallonge lors des discussions sur le budget de guerre amendé, adopté lundi par le gouvernement.
Selon le ministre, cette manne va servir non pas à construire de nouveaux logements, mais à financer des « impératifs de sécurité et des infrastructures » pour faire face « à deux millions de nazis en Judée-Samarie [Cisjordanie, NDLR] qui nous haïssent comme les nazis du Hamas-Daesh ». Il a ainsi fait allusion à un récent sondage selon lequel les trois quarts des Palestiniens soutiennent l’incursion sanglante du Hamas dans le sud d’Israël, qui a fait 1.200 morts.

1/12
Merci Martin, j’ai appris quelques trucs avec ton texte sur Ernst Bloch… entre autres, qu’être juif, philosophiquement, signifie être anti-hégélien. Donc Kierkegaard était juif, je m’en doutais bien 😉.
Dommage que la question du socialisme "utopique" – par opposition au socialisme dit "scientifique" – n’ait pas été abordée. J’ai lu quelque part que Bloch entendait par utopie la vertu d’espérance, et qu’il avait une vision dialectique de celle-ci. J’ai l’impression qu’on retrouve à peu près la même pensée chez Ellul dans L’espérance oubliée.
L’espérance… voilà un des ferments révolutionnaires qui, avec la vérité, manquent cruellement aujourd’hui…
Beno Hasopher

1/12
Attention au syllogisme ( si tout B est A et si tout C est B, alors tout C est A). Kierkegaard n’est pas juif. Autre anti-hégélien : Stirner, un goy pur porc. Marx rentre dans la catégorie juif méga-hégélien.
Bloch a écrit Principe espérance traduit chez Gallimard (3 vol) se munir d’un Doliprane, lecture passionnante, mais cela reste de la panzer-philosophie.
R-D M

1/12
Oui, je sais bien que c’est un syllogisme, d’où le clin d’œil que j’ai ajouté…
Stirner, pur porc ? Voilà qui pourrait expliquer pourquoi je le digère mal (sa pensée est assez proche de celle de Nietzsche)
Beno Hasopher

2/12
Ne serions pas mûrs (comme l’âge qui nous étreint et contraint) pour un Principe de désespérance.
Si le coeur vous en dit Kierkegaard : Traité du désespoir. Le danois était sire triste (pas un triste sire).
Nietzsche a lu Stirner du moins semble-t-il ? Thèse reprise par Arvon A. Levy, Lang, V. Basch. Nietzsche plagiaire de Stirner. L’un concentra sa pansée en l’ Unique, l’autre en pisse-copie dilua la sienne avant de succomber à la syphilis.
CF Arno Münster Nietzsche et Stirner : enquête sur les motifs libertaires chez Nietzsche , Kimé, 1999.
Courage à tous.
R-D M

Salut Pierre,
Effectivement, mais à qui la faute ? Est-ce seulement l’esprit du temps ou autre chose ? En Occident, pratiquement tous les mouvements "révolutionnaires", qu’ils soient spiritualistes ou matérialistes, ont été complètement dévoyés, neutralisés, pour être compatibles avec le techno-libéralisme. La lutte des classes a été remplacée par la lutte des genres et des sexualités, et les plus jeunes sont souvent prisonniers de la technologie (sans forcément s’en rendre compte). Et face à ça, il y a ces vieux discours nationalistes et sécuritaires qui reviennent en force, avec parfois un vernis religieux (faussement spirituels), comme si la "mystique" de la nation pouvait régler quelque chose. Les vrais sujets sont ainsi délaissés, sauf par quelques individus ou groupes éparpillés (quelques rares chrétiens, anarchistes, technocritiques, etc.).
J’en profite d’ailleurs pour dire que le projet pour une nouvelle internationale anarchiste ne va probablement pas aller plus loin (du moins dans l’immédiat), faute de relais.
Bref, comme Ellul, je suis assez pessimiste, mais pas désespéré…
Beno Hasopher

3/12
Bonjour,
Je partage le constat de Beno. Il y a une réelle régression, que nous avons pu constater durant la RIA de St-Imier en juillet. Le plus inquiétant étant la peur de se positionner face à ce courant jeune entre Queer et wokisme),qui tente de nous imposer ses normes liées au genre, anti-hétero, anti-validisme, etc) en rupture avec la lutte de classes, les luttes sociales et anti-capitalistes.
Si une résistance à ce courant a de la peine à émerger, c"est qu’il dispose de sites webs qui se permettent, sous couvert d’anonymat, à attaquer et discréditer ceux et celles qui osent s’opposer à eux. Il n’y a dès lors plus de dialogue possible, ni de débats contradictoires. Ce courant s’appuie de facto sur la pratique de censure qui existe dans les médias et la gauche en général depuis la période covid. Il y a donc un consensus imbécile qui amalgame toute critique envers la Doxa covid à un basculement vers l’irrationnel anti-scientifique, le conspirationnisme d’extrême-droite.
Nous devons donc rassembler les indépendants de diverses formations de gauche, qui par leur résistance à la Doxa covid, au discours des autoritms politiques te sanitaires, ont fait preuve de courage et d"un esprit anti-autoritaire. Outre ces résistants locaux, le plus souvent isolés et même découragés, il y a un vaste potentiel parmi les miigrants de pays du Sud (africains, latinos ; balkaniques) qui sont conscients des méfaits du colonialisme et de l"impérialisme.
Un de nos enjeux est de réunir ces personnes dans un e coordination capable d’organiser des conférences-débats et des manifestations dès février ou mars contre la manipulation en cours dans l"OMS par le pouvoir capitaliste mondialisé, avec notamment Bill Gates (le prinicipal financeur de l"OMS). L"Assemblée générale du 24 mai 2024 sera décisive.
Des mouvements de scientifiques et médecins indépendants s"opposent avec aussi des associations de juristes aux modifications apportées à l"OMS pour doter cette institution basée à Genève, d’un pouvoir contraignant ; supra=national, en cas de déclaration de pandémie : Plusieurs gouvernements de pays du sud, dont Cuba, s"opposent à ce chagement de statut de l’OMS ; au nom de leur souveraineté.
Ce sont aussi nos droits fondamentaux, en tant que citoyens et habitants du monde entier, qui sont en danger, et plus particulièrement notre libre-choix en matière de santé et médication. Déja dans la période covid (sans que l"OMS soit dotée d"un pouvoir contraignant, les médecins ont été privés de leur droit de prescrire et en cas de refus ont subit des pressions inadmissibles et exclusions du corps médical.
En France ; des dizaines de milliers de médecins et de soignants ; et même des pompiers, ont été jetés à la rue sans salaires et droits au chômage, sous le prétexte qu"ils refusaient les injections expérimentales ARNm. Or lMacron et les autorités étaient parfaitement au courant qu’aucune étude n"a été réalisée sur la question de la non-transmissions par les vaccinés. Toute cette manipulation et répression pourrait se reproduire.
Le projet d"une nouvelle internationale anarchiste (ou renforcement de IFA existent) ne pourra donc émerger qu’après l"émergence d’un mouvement de résistance plus large au niveau mondial contre cette nouvelle offensive capitaliste sous l"égide de l"impérialisme étasunien. Notre rôle en tant qu"anarchistes sera aussi d’éviter de tomber sous la domination d’autres impérialismes (notamment chinois). Nous devons être contre tous les i,périalismes et régimes autoritaires et début 2024 contribuer à écarter le danger d"une sorte de totalitarisme imposé par le biais de l’OMS (en plus de l’OMC, du WEF et d"autres cercles de pouvoir).
Il y a donc une lutte à mener sur trois fronts :
 contre la menace d’un pouvoir mondialisé totalitaire (basé qur l’infrastructure techno-scientifique, la censure et la corruption,
 la tendance au repli nationaliste prôné par l"extrême-droite, qui prépare une nouvelle guerre en Bosnie-Herzégovine ;
 la dérive Queer/Wokisme dans la nouvelle génération.
Sur ce dernier point, nous n’avons pas encore trouvé un/e anarchiste en Suisse-romande pour assumer un rôle de médiateur avec ce courant, qui défend la Doxa covid et le pouvoir capitaliste mondialisé (comme on peut le voir sur le site Renverse) afin d"éviter des affrontements au printemps prochain, qui ne feraient que le jeu du pouvoir. Il ne faut pas perdre l’espoir que les tenants de ce courant, comme d’ailleurs de la gauche en général, prennent conscience, au cours des années suivantes, de leur erreur et se joignent à notre lutte.
Avec mes cordiales salutations.
Ivar

13/12
RD-M écrit : « Je voudrais revenir sur un point fondamental. Israël n’est pas le pays des Juifs… Une grande et fabuleuse tradition talmudique explique qu’il n’est pas possible de revenir. L’Exil est le vrai destin des juifs. »
Ce n’est pas tout à fait exact. C’était au contraire presque un devoir religieux que de faire alyah, tant la terre d’Israël est importante pour les juifs. En revanche, il y a bien un texte talmudique (Ketouvot 111a) qui fait débat, selon lequel ils ne devaient pas monter "en tant que mur" (litt. en mur), terme curieux qui fut interprété comme pour dire "en force", "en masse", etc. Et un autre texte de la même section dit en gros que cela ne doit pas se faire sans le concours des nations. Mais les sionistes religieux estiment en général que ce problème est réglé dans la mesure où l’État d’Israël a été reconnu par les Nations Unies.
Je rappelle au passage que les dirigeants arabes ont rejeté le plan de partage de 1947, donc qu’ils n’ont pas voulu de solution à deux États avec Jérusalem sous tutelle internationale. Pour eux, cette terre appartient aux arabo-musulmans et il n’y a pas à discuter… un dialogue est donc compliqué, et les positions se sont durcies au fil du temps.
Au reste, est-ce que l’exil serait le vrai destin des juifs ? Ça se discute (c’est une position somme toute assez "chrétienne" et plus particulièrement catholique). Le problème, c’est que l’exil a eu son lot de malheurs et que le sionisme a offert, à l’époque, une solution pour échapper aux persécutions (foyer national). Je dis bien à l’époque, car aujourd’hui il est peut-être plus risqué de vivre en Israël que dans la diaspora…Beno Hasopher

13/12
Effectivement, les deux traditions cohabitent et les vieux textes réservent des difficulté de traduction, surtout le Talmud qui parfois mélange les idiomes.
La traduction implique l’interprétation (Cf Ricoeur).
Quel terme est-il traduit par nation ? Sauf erreur de ma part, la notion de nation est très tardive. Réflexe franchouillard peut-être !
Cette zone géographique( je n’aime pas utiliser le mot Palestine) fut le lieu d’énormes brassages de populations et des d’idées.
Les dirigeants arabes ? Je préciserai que le grand Mufti de Jérusalem joua un rôle déterminant. De sa collaboration avec Hitler il garde un souvenir « Un peuple, une langue, une religion ». L’enracinement fascisant des arabes-mulsumants locaux est évident : islamo-fascisme bien connu.
De toute façon on peut tripatouiller l’histoire dans tous les sens. Le Merdier c’est le merdier.
Je ne comprends pas ta remarque sur l’exil comme manifestation catholique. Les chrétiens prennent l’exil comme une punition contre les déicides.
Je parle de l’exil en tant que mode de représentation du monde. J’ai beaucoup aimée temps de l’exil de Shmuel Trigano.
L’exil n’est pas l’exode, il est sans retour, une clôture du passé et ouverture radicale au futur.
L’exil renvoie à une origine qui recommence sans cesse.
L’humanité est une réalité essentiellement intérieure, je ne peux qui planter ma tente.
L’enracinement provoque un enkystement et une sclérose. La peur de sortir se transforme en tourisme..
Tu as raison les chrétiens ont transformé l’exil en terre d’accueil réfractaire à une pensée forte et source de persécutions. Le sionisme fut une illusion mimétique.
Heureusement tous les juifs n’ont pas fait leur « Retour ». Jérusalem n’est pas un plan cadastral, mais un point à l’horizon qui avance comme moi. Donc Jérusalem, c’est l’infini et le mystère à parcourir.
Tous les monothéismes ont falsifié le message de l’exil venu du fond de l’humanité errante. La sédentarisation implique la propriété donc le vol.
Beno, merci de tes remarques pertinentes.
Au plaisir de te lire.
R-D M

14/12
@RD-M : En hébreu, c’est simplement le mot goyim, pluriel de goy (nation, peuple, gentil). En fait, c’est une notion assez vieille puisqu’on la trouve déjà dans la Bible hébraïque. Ce mot a parfois aussi un sens péjoratif, un peu comme le mot ethnos dans le grec du Nouveau Testament.
Tu fais bien de rappeler la collaboration du grand Mufti avec Hitler (Ellul l’avait aussi fait à l’époque), car c’est une histoire que les pro-palestiniens passent souvent sous silence. Il y avait d’ailleurs une division SS composée presque exclusivement de musulmans, notamment bosniaques (désolé Ivar, si tu nous lis, mais c’est une réalité historique). Bref, cette alliance islamo-nazie a évidemment desservi la cause du nationalisme arabe dite "palestinienne".
@Patrick : navré que les notions religieuses te dérangent, mais je pense qu’on difficilement comprendre ce qui se passe là-bas sans en parler un peu et surtout sans faire une généalogie du problème. L’analyse strictement matérialiste ne suffit pas, et réagir émotionnellement avec l’actualité et les images non plus (le 7 octobre "tous Israéliens", le lendemain "tous Palestiniens"). Tout le monde ne pense pas à la manière française ou européenne. D’ailleurs, même la politique américaine sur ce dossier est très influencée par les religieux (notamment évangéliques).
Note aussi que lors du massacre du 7 octobre, le message politique que le Hamas a voulu faire passer n’était pas d’ordre social, mais plutôt religieux (déluge d’Al-Aqsa). Le mont du temple – ou esplanade des mosquées – est source de grandes tensions…
Maintenant, est-ce que la résistance palestinienne est légitime ? De leur point de vue, c’est certain. Mais moi je ne suis pas un nationaliste arabo-musulman, donc leur combat n’est pas le mien. En effet, ceux qui mènent cette résistance ne poursuivent pas un objectif de libération réelle pour tous, mais veulent simplement établir une autre domination sur le pays, un autre régime totalitaire. Si l’objectif était simplement de briser le mur, les chaînes, les caméras, bref la prison à ciel ouvert (qui est une réalité aussi de l’autre côté, quoiqu’elle soit plus jolie et qu’il y ait plus de touristes pour prendre des selfies), et ce pour édifier une société un tant soit peu meilleure, alors je pourrais me sentir solidaire de la cause palestinienne. Mais ce n’est pas le cas.
Par contre, j’ai évidemment compassion pour les victimes et les opprimés de chaque côté…
Beno Hasopher

12/12
Je viens de lire l’article de Lemire.
Quelques remarques + ou - intelligibles.
 Que ce genre d’article paraisse dans Médiapart , m’interroge. Revirement idéologique ? Décomposition de la gauche bobo et caviar nostalgique de la belle époque ? Y-a-til de la lapidation dans l’air ?
Plus sérieux :
 Parler de résistance palestinienne suppose une définition de palestinien précise. LA Palestine est une fiction historique et idéologique manipulable à l’envi. Résistance Musulmane ? Résistance chrétienne ? Résistance apostasique ?
 Cette région depuis des millénaires est le résultat de brassages ethniques, claniques, mixant sédentaires et nomades. Région conquise par de multiples envahisseurs. Pour notre malheur à tous c’est ici que sont nés des religions et des mélanges ( Flavius Joseph et Philon d’Alexandrie) explosifs entre la pensée grecque et judéo chrétienne. Bref, notre matrice et notre ADN à l’insu de notre plein gré.
 Ma boule de cristal est en grève et la brume marine sévit. Un ou deux états ? Pour l’instant rien n’apparaît comme réalisable.
Toutes les références, rappels historiques à l’origine du merdier, oublient la lâcheté des institutions internationales. Le « Machin « (l’ONU pour de Gaulle)n’a jamais pris ses responsabilités et les profiteurs successifs ont empoché les mannes.
 On vous donne un état, démerdez-vous ?
 Je voudrais revenir sur un point fondamental. Israël n’est pas le pays des Juifs. Sinon tous les juifs du monde auraient migré ou auraient été expulsé (comme ceux du Maghreb).
Une grande et fabuleuse tradition talmudique explique qu’il n’est pas possible de revenir. L’Exil est le vrai destin des juifs. Le déracinement est la plus grande richesse. Par conséquent, le territoire, la nation sont des erreurs dramatiques. La terre n’appartient à personne. JE vie ou je suis. Hélas, les territoriaux n’ont jamais (ou peu) compris la profondeur de cette pensée. Bien que bouseux dans l’âme, cette tradition me touche et je pense qu’ elle est une pensée sans Etat ni Nation. Donc digne de notre attention.
Bonne soirée à tous.
R-D M

13/12
Il y a bel et bien une résistance palestinienne. C’est celles des gens qui habitaient là et qui n’y sont plus. Difficile de prétendre qu’ils avaient envie de quitter leurs maisons et aller vivre une existence pourrie dans des camps. Gaza n’est pas un territoire autonome mais un nouveau ghetto, et un des plus inhabitables.
La résistance palestinienne est juste légitime, je ne comprends pas qu’on puisse avancer le contraire avec sincérité…
Invoquer le gloubi boulga religieux ne fait que tenter de dissoudre le problème de fond dans un flot de mots. Ça n’éclaire ni ne résout rien. Chaque phrase religieuse peut faire et a souvent fait l’objet d’interprétations radicalement contradictoires. (On peut lire à ce sujet l’excellent livre de Pierre Hadot Le Voile d’Isis. Essai sur l’histoire de l’idée de nature. Paris, Gallimard, 2004)
On a affaire à un crime terrible, et mon avis à une position intenable pour Israël : tenir ensemble un état ethnique et démocratique. Les deux sont incompatibles. La logique d’Israel est celle de l’apartheid. Et ce à quoi on assiste est de l’ordre de la purification ethnique, inévitable.
Le fait que tout les juifs n’aient pas émigré en Israël ne change pas la nature de cet Etat, il indique seulement qu’il y en a qui se trouvent mieux ailleurs. Un copain parisien né dans un kibboutz n’a nulle envie d’y retourner, et la petite file de mon voisin Simon, née en France, est revenue d’Israel il y a deux ans, elle n’en pouvait plus. Ce sont des choix personnels. En tant que fils de chrétiens, je n’ai aucune envie d’habiter au Vatican.
Le vrai sujet est de comprendre comment israéliens et palestiniens vont se sortir d’un tel merdier. Mon avis c’est que ça passe par une redéfinition de ce qu’est Israël. C’est un Etat encore si jeune, adossé à la Shoah, que ça risque de prendre beaucoup de temps. Et de massacres.
Patrick.

17/12
Il y a encore quelques consciences qui s’expriment.
Interview en référence. au livre Antisionisme une histoire juive - édition Syllepse, par l’une des coordinatrices, Michèle Sibony https://www.youtube.com/watch?v=L0OehNkYFBY
Yves