Sergio de Castro Sánchez
Le mouvement de l’Oaxaca se rassemble au sein d’une initiative sans vocation électorale

Voces Oaxaqueñas Construyendo la Autonomía y la Libertad (VOCAL : "Voix
oaxaquiennes pour la construction de l’autonomie et de la liberté") se
veut un lieu de rencontre avec cette partie du peuple de l’Oaxaca qui
recherche, sur des bases éloignées de tout électoralisme et des partis,
l’autonomie des peuples et des personnes afin de parvenir à un changement
profond des institutions politiques de cet État et des structures
économiques sur lesquelles il repose.

Après l’assemblée de l’Oaxaca qui s’est tenue les 10 et 11 février, on a
pu constater qu’il existe au sein de l’Assemblée populaire des peuples de
l’Oaxaca (APPO) deux façons différentes d’appréhender la manière dont on
veut poursuivre la lutte dans la conjoncture électorale actuelle.
Contrairement à ceux qui, à l’instar du Frente Popular Revolucionario
(Front populaire révolutionnaire, FPR) et du Frente Amplio de Lucha
Popular (Front large de lutte populaire, FALP), cherchent à se situer
avantageusement dans la course électorale, d’autres groupes et
organisations ont préféré poursuivre la lutte en marge des institutions
gouvernementales et des élections, avec la création d’un lieu devant se
construire et se définir à travers le contact "direct" avec les peuples de
l’Oaxaca.

Pour David Venegas, membre du comité de presse de l’APPO, "le principal
objectif de VOCAL est de se rendre partout où existe une lutte et une
rébellion pour relier les tentatives de tous les gens qui participent au
mouvement social dans l’Oaxaca". Et d’ajouter : "Lors de l’assemblée (de
l’ensemble de l’Oaxaca), le désir que le mouvement conserve son
indépendance et son autonomie par rapport aux partis politiques est
clairement apparu au sein de l’APPO. C’est la ferme conviction de l’APPO
de vouloir rester à l’écart du processus électoral, mais aussi la volonté
de tous ceux qui n’en font pas partie mais avec qui nous partageons cette
façon de penser, qui a débouché sur la création de VOCAL."

En effet, VOCAL ne naît pas comme un espace à usage exclusif de l’APPO
mais comme une manière de penser la lutte qui veut renouer avec un
mouvement oaxaquien éminemment populaire éloigné des institutions et de
toute hiérarchie. Pour l’un des membres de la barricade de Cinco Señores,
"l’APPO n’a jamais perché dans une assemblée mais dans la rue, sur les
barricades et dans les quartiers, chez les gens qui ont cru qu’un
changement pouvait avoir lieu. Mais aujourd’hui on voit apparaître la même
rengaine de toujours entonnée par une partie des organisations membres de
l’APPO qui vont aux élections". Et pourtant, affirme-t-il, "toute l’APPO
ne se compose pas de gens qui ne sont mus que par des intérêts personnels,
il y en a qui veulent véritablement un changement et qui le démontrent par
les positions qu’ils adoptent au sein de l’APPO". Ce qui explique que la
convergence entre certains groupes de l’APPO et une partie de ceux qui ont
participé au mouvement en restant à l’écart des différentes organisations
de l’APPO n’a pas été possible. Il s’agit d’une tentative dans laquelle le
combat pour l’autonomie constitue un pilier fondamental. Pour le collectif
"Tod@s somos pres@s" (Nous sommes tou(te)s des prisonniers et des
prisonnières), "ce sur quoi nous sommes d’accord et notre objectif est de
relier les groupes, les individu(e)s, les collectifs et les peuples
autonomes ou ceux qui luttent ou qui veulent lutter pour l’autonomie".
Selon VOCAL, "nous voyons qu’aussi bien à l’intérieur qu’en dehors de
l’APPO la population mobilisée partage cette idée de la nécessité pour
notre mouvement de conserver son indépendance et son autonomie envers les
partis politiques". Une indépendance qui se fonde sur la défense de
l’autonomie et du droit à l’auto-organisation des peuples de l’Oaxaca, en
particulier les peuples indigènes ou originels. Il ne s’agit ni plus ni
moins que "notre mouvement reste fidèle à ses principes [...] pour
constituer une alternative réelle d’opposition au système de gouvernement
autoritaire actuel". Pour Dolores Villalobos, membre du Conseil indigène
populaire de l’Oaxaca-Ricardo Flores Magón (CIPO-RFM), "nous devons réunir
toutes les résistances" et "les indigènes ont une grande expérience et
peuvent apporter beaucoup à VOCAL en matière d’autonomie", qui est "une
des formes qu’adopte la libre détermination des peuples, pour laquelle le
peuple indigène s’est toujours battu".

Une autonomie qui n’en reste pas là, cependant, et à laquelle il faut
ajouter celle que sous-tendent la défense des droits individuels tels que
le droit à choisir son orientation sexuelle et dont les partisans sont
également invités à participer à VOCAL et à partager leurs expériences de
lutte.

Un lieu où existent des activités concrètes qui reposeront, selon le
collectif "Tod@s somos pres@s", sur deux types d’action : "La première
concerne la construction et la consolidation de nos autonomies par la mise
en pratique ce que nous pensons que cette société devrait être, il s’agit
de se mettre réellement au boulot (assez de discours !) dans des projets
qui créent d’autres réalités." La seconde repose sur "l’emploi de la
protestation publique et de la mobilisation sociale comme outil populaire
de lutte".

Au nombre des activités prévues par VOCAL, citons des manifestations dans
la capitale, Oaxaca, mais aussi des déplacements pour se rendre dans les
différentes communes autonomes et là où existe une lutte quelconque, par
exemple contre le Plan Puebla-Panama, afin de pouvoir construire
directement et "d’en bas" une proposition commune opposée aux procès
politiques et économiques dominants.