144 p. environ ISBN : 2-35122-000-5 EAN : 9782351220009 Prix public : 17 euros TTC (environ).
Collection "hors sujet"
EDITIONS SULLIVER
Gustav Landauer est le représentant majeur de l’anarchisme allemand de la fin du XIXe siècle, considéré en France, dès la fin du XIXe siècle, comme le "chevalier teutonique de l’Anarchie". Né à Karlsruhe en 1870, ayant fait des études de philosophie et de philologie allemande, il s’engage très tôt dans la réflexion sociale et l’action, fondant le journal Der Sozialist, tout en ne cessant de conduire une réflexion sur l’art, le théâtre (notamment son essai sur Shakespeare) allant jusqu’à initier des expériences de "Théâtre libre populaire". Parallèlement, il expérimentera, en 1895 une coopérative anarchiste de consommateurs. En délicatesse avec les groupes progressistes de son temps, exclu en 1891 du Parti social-démocrate, puis, en 1893 et 1896 des Congrès de l’Internationale socialiste, Landauer ne cesse dans le même temps d’être combattu par un pouvoir politique qui lui reproche d’inciter à la sédition. Mis dans l’impossibilité d’achever ses études, emprisonné à plusieurs reprises, il sera, pour finir, exécuté en 1919 par les Corps francs.
Ce qui caractérise sa pensée, c’est une conception très lucide du pouvoir qui le conduit à mesurer les dangers d’un anarchisme politique fondé sur la théorie d’une part et l’action physique de l’autre. De ce point de vue, par la solitude qu’elles lui imposent, ses années d’emprisonnement jouent un rôle essentiel dans sa réflexion, le conduisant à fréquenter la mystique allemande (Maître Eckhart dont il éditera les œuvres) pour concevoir la révolution sur la base d’une conception volontariste, donc créatrice, de l’esprit. Il retient ainsi la conception de l’action de Marx, mais un Marx qui aurait compris le sens profond de l’anarchisme individualiste de Stirner et se serait nourri de Nietzsche.
Pour Landauer, la révolution vise le bonheur individuel et collectif, "une vie assurant la jouissance de la culture et du plaisir par l’industrie et l’agriculture réunis dans des communautés échangeant et travaillant de manière autonome" et elle ne peut se comprendre que dans le cadre d’un spiritualisme bien compris. Lecteur et éditeur de Bakounine, ami de Kropotkine, époux de la poétesse et traductrice Hedwig Lachmann, Landauer définit ainsi une conception du socialisme bien éloignée de celle qu’il découvre dans le déterminisme marxiste allemand et de celle qui voit le jour, en Russie, au moment même de sa disparition.
Écrit à la demande du philosophe Martin Buber, publié en 1907, La Révolution de Gustav Landauer est un appel à la révolution unitaire de tous les esprits aspirant à un monde socialement constitué. S’étant souvent révélée incapable, par le passé, de dépasser sa négativité non productive, la révolution doit reposer sur le préalable d’alliances communautaires dont la ville médiévale fournit un exemple absolu. Pour Landauer, le modèle des sections et districts qui animent les villes françaises d’avant 1789 expliquent le succès de la révolution. Il importe avant tout que "la classe ouvrière"retire "à cette société les services économiques qu’elle lui rendait" et soit donc "une société organisée librement dans la société". Une révolution se théorise moins qu’elle ne se commence.
Profondément marqué par la lecture de La Boétie dont le concept de "servitude volontaire" marque de nombreuses pages de La Révolution, Landauer montre que l’Etat ne se comprend pas sans les individus qui le composent et que seule la nature viciée de relations interpersonnelles fondées sur l’absence de prise de conscience individuelle explique la peur de la liberté et l’aspiration au refuge dans l’autorité. Dès lors, c’est la prise de conscience individuelle dans les forces individuelles collectivement organisées qui rend au socialisme sa réalité non-utopique. Parce que l’u-topie est ce qui se garde du topos, la révolution est un mouvement qui aspire moins "à imposer un nouvel ordre social" qu’à parvenir à "la régénération mentale et psychique de l’humanité".