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Larry Portis
Les Industrial Workers of the World
Autour de Wobblies & Hobos de Joyce Kornbluh (L’Insomniaque)
Article mis en ligne le 8 juillet 2012
dernière modification le 29 août 2012

Rares sont les livres en français qui parlent des IWW et de la lutte syndicale révolutionnaire aux États-unis en dépit de sa place dans l’histoire étatsunienne, d’où l’importance de cette traduction de l’ouvrage de Joyce Kornbluh publiée par les éditions de L’insomniaque, Wobblies & Hobos. Industrial Workers of the World : agitateurs itinérants aux Etats-Unis (1905-1919) [1]. L’iconographie y est remarquable de même que l’ajout d’un CD de chansons liées, influencées par les Wobblies. Pour mieux connaître ce mouvement révolutionnaire et son influence, voir IWW. Le syndicalisme révolutionnaire aux États-Unis de Larry Portis (Spartacus, 1985, réed. augmentée 2003) et Joe Hill. Les IWW et la création d’une contre-culture ouvrière révolutionnaire de Franklin Rosemont (éditions CNT, 2008) [2].

Les IWW sont le seul mouvement révolutionnaire qui ait existé aux États-Unis. Formé par des travailleurs conscients de leur pouvoir en tant que classe, il est né de leur détermination à fonder une nouvelle société. Dépassant le militantisme rhétorique, les IWW ont su traduire leur programme révolutionnaire dans une action collective efficace sur le terrain et lui donner ainsi des bases solides. Sans aucun sectarisme, le mouvement rassemblait des participant-es révolutionnaires autour de l’action directe et de la lutte de classes. Jamais, les IWW ne tentèrent de s’ériger en parti, mais cherchèrent en revanche à provoquer une prise de conscience politique des travailleurs de toutes les nationalités pour susciter la solidarité, lutter contre l’oppression, pour revendiquer leurs droits et remettre en question la propagande des classes dirigeantes.

Entre 1905 et 1924, les IWW était l’organisation la plus dynamique au sein du mouvement ouvrier étatsunien. Grâce à leur programme révolutionnaire, leur succès sur le terrain des luttes et auprès des ouvriers, leur impact sur l’opinion publique, les IWW ont tenu un rôle historique dans l’évolution politique des États-Unis. Le syndicat comptait environ 100 000 adhérents et, entre 1905 et 1917, l’estimation du nombre cumulé des adhésions s’élève à 1 000 000. Il est difficile de faire le compte de celles et ceux qui furent influencés ou politisés par la détermination et la rigueur des IWW dans la lutte syndicale. Les IWW, surnommés wobblies [3], ont laissé dans la mémoire collective de la classe ouvrière une image de révolutionnaires intègres et efficaces, champions de l’action directe.

Que représentait les IWW ? Première manifestation du syndicalisme révolutionnaire, les IWW étaient une réponse au corporatisme des syndicats en place et à leur politique excluant les ouvriers non qualifiés. C’était une tentative importante d’unifier tous les travailleurs dans un mouvement ayant des objectifs révolutionnaires et prônant l’action directe. Les IWW ont écrit l’un des chapitres les plus héroïques de l’organisation de la classe ouvrière étatsunienne, et leur expérience reste une source d’inspiration. Ils ont montré qu’il était possible de favoriser la prise de conscience des masses et l’émergence d’un mouvement anticapitaliste. Preuve est faite que la culture étatsunienne n’est pas imperméable au concept de lutte des classes dans sa forme la plus active.

Dès leur formation, les IWW se démarquèrent des autres organisations en rejetant tout préjugé ethnique, racial ou de genre. Le syndicat révolutionnaire a joué un rôle héroïque au début du XXe siècle, l’exemple de sa stratégie internationaliste est un des plus intéressants aujourd’hui. La conjoncture a changé, mais les principes des IWW restent tout à fait actuels. Ces principes, ils ne sont pas les seuls à les défendre. Dans la lutte contre la globalisation du système capitaliste, tous les partis politiques sont complices. La résistance passera obligatoirement par une participation de plus en plus active des populations pour une démocratie véritablement directe.

C’est cette volonté, à la fois idéaliste et pratique, que les IWW léguèrent aux futurs mouvements sociaux et révolutionnaires. Les pratiques innovées par les IWW — piquets volants et occupations des lieux de travail — se généralisèrent dans les années 1930, adoptées par un autre syndicat, le CIO. Les tactiques de désobéissance civile furent reprises par le mouvement pour les droits civiques des Noirs dans les années 1950 et 1960. Résister physiquement aux agressions inspira les Panthères noires dans les années 1960 et 1970. Dans la mémoire radicale, les IWW tiennent une place importante.

Depuis les années 1970, les mouvances politico-écologiques ont adopté l’action directe et le mode d’organisation fédératif. Des organisations comme l’Alliance Clamshell, l’Alliance Abalone, le Livermore Action Group, Earth First ! et d’autres s’inspirent des IWW. Vers la fin des années 1980, les IWW établirent des contacts directs avec Earth First !, le plus radical des groupes écologistes. Les IWW étaient actifs dans les manifestations de Seattle en novembre 1999, de Washington en 2000 et participent depuis aux luttes contre le capitalisme et sa globalisation.

À l’heure actuelle, seul un mouvement populaire et de la base syndicale serait en mesure de se dresser contre la législation et de braver gouvernements et patronat pour un changement des rapports sociaux. L’expérience des IWW illustre les possibilités et les difficultés de l’action révolutionnaire aux États-Unis. Devant les obstacles rencontrés tout au long de la lutte syndicale, les IWW apportèrent la preuve de leur détermination et de leur efficacité. La pensée et la pratique des IWW sont, pour une multitude de raisons, toujours adaptées à la situation présente dans tous les pays capitalistes industriels.