Malgré deux exodes de pauvres hors de Paris, celui qui commença sous Haussmann, et celui qui commença sous Pompidou, Paris fut toujours une ville prompte aux barricades. Une raison en est donnée par Dupont-White en 1860 dans La Centralisation et citée par Bernard Marchand :
« l’œuvre [de la capitale] est de créer des idées en dehors des Églises, des académies ; une mode et une société en dehors de la cour, une opinion en dehors du gouvernement (…). L’influence d’une capitale est celle des idées sur les choses, de l’esprit sur le reste : quoi de plus légitime ?(…) Louis XIV ne se doutait pas, en attirant près de lui l’élite de la France, que, s’il désarmait la province, il créait en même temps près du trône une force qui ne serait pas toujours pour le trône. (…)
Une ville n’est pas le siège du gouvernement sans attirer à elle tout ce qui tient au gouvernement par la dépendance, par l’espoir, par la curiosité et même par l’hostilité ; on ne frappe bien que de près (…), si la centralisation crée un gouvernement plus fort que le pays, elle crée aussi bien une capitale plus forte que le gouvernement. Le poids et le contrepoids sont deux œuvres de la même main (…), l’homme n’a toute sa valeur qu’aggloméré (…). Rien n’atteste la puissance éducatrice d’une grande ville comme la différence du paysan à l’ouvrier parisien. »
On comprend mieux l’universelle condamnation morale de la grande ville. Lieu d’échanges et de contacts, la grande ville juxtapose les cultures différentes, les morales différentes, exposant par là leur caractère relatif. Alors les morales se défendent en attaquant son manque de morale.