Nestor Mollasson
Pour 225 000 dollars, t’as plus rien !

Quelle vie fascinante on mène, devant son clavier ! Un jour on écrit sur les sans-logis, le lendemain sur les prix de l’immobilier à Manhattan. Car, vous l’avez deviné, 225 000 dollars, c’est le prix d’un bien immobilier à Manhattan. Si peu ? La même somme, à Paris, donne droit à un placard et un bidet. Et bien, à Manhattan, ça donne une place de parking.
Pas un parking, avec box et rideau de fer. Non.
Deux lignes jaunes dans un sous-sol.

On pourrait mépriser une telle information, même si elle est solide puisqu’elle vient de l’International Herald Tribune, qui ne rigole pas dès qu’on parle gros sous. Hélas, elle ne révèle pas seulement ce que l’on savait déjà ; que les riches dépensent n’importe quelle somme pour n’importe quoi.
Il faut la prendre très au sérieux, parce qu’elle est une indication, parmi tant d’autres, que la planète prend de plus en plus vite des allures de cage à lapin.

L’espace a toujours été le privilège des riches. Cependant, tant que la population humaine restait dans des limites raisonnables, l’espace représentait aussi la possibilité de fuir. De nombreux ethnologues soupçonnent d’ailleurs que les tribus actuelles de chasseurs-cueilleurs n’ont pas été chasseurs-cueilleurs de toute éternité, mais rassemblent des gens qui ont délibérément fui les rapports sociaux opprimants des sociétés agricoles...

Or de nos jours, pas de doute, l’espace n’appartient qu’aux riches.
À Paris, à Londres, à Tokyo, les centre-villes n’appartiennent plus
qu’aux riches. La montée des prix de l’immobilier a lieu sur toute la planète. De temps en temps, intensifiée par la spéculation, elle monte
à une vitesse telle que même les riches n’achètent plus, comme on le vit en 1992-1993 à Tokyo, en 1996-1997 en France, ou il y a deux ou trois ans en Australie. Ces passages à plat ne durent pas, la remontée reprend toujours.

Il faudra sans doute attendre que, comme les égouts n’arrivèrent à Paris qu’après que les riches eux aussi soient morts dans l’épidémie de choléra de 1832, les riches comprennent qu’ils souffriront eux aussi de leur folie.

Car dans le même numéro de l’International Herald Tribune, on lit un second article, sur les malheurs des athlètes. On s’en fout ? Les crétins
qui ne vivent que pour la gagne peuvent crever ? Certes. Lisons quand même : un athlète en mouvement peut inhaler 10 à 20 fois plus d’air
qu’un mollasson. Ce qui signifie qu’un athlète inhale 10 à 20 plus d’éléments polluants qu’un mollasson.

Or l’université de Brisbane en Australie a démontré que les athlètes pouvaient souffrir de lésions aux poumons similaires à celles dont souffrent les mollassons vivant dans des zones notoirement polluées.
D’où la recommandation aux joggeurs et cyclistes de ne surtout pas suivre de près des camions et des voitures diesel. Car les particules fines émises par ces amis de l’environnement sont si fines (« elles n’ont presque pas de masse, mais elles ont, par comparaison une vaste surface » et attirent donc produits chimiques et molécules de métaux lourds) qu’elles passent allègrement la barrière des poils du nez et se logent dans le nid douillet des poumons. Là, les plus petites se faufilent entre diverses barrières et pénètrent dans la circulation sanguine. Pas de vigiles à l’entrée des poumons des riches.

Bah ! Si vous êtes athlète et très riche, il vous suffira d’acheter une forêt pour votre jogging du matin.