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Patrick MIGNARD
De l’électoralisme en politique
Article mis en ligne le 25 décembre 2006
dernière modification le 9 décembre 2006

Etude de cas

La valse hésitation dans la nomination d’un « candidat unique » représentant ce qu’il est convenu d’appeler la « gauche de la gauche » est pleine d’enseignements.

Les deux principaux acteurs, PCF et LCR, qui structurent et manipulent l’opération en disent long, quant à leur attitude sur les limites et les contradictions des acteurs politiques qui ont l’extravagante prétention de prétendre être les acteurs du changement.

LA « GARDE MONTANTE » ET LA « GARDE DESCENDANTE »

Le PCF est sur son déclin, tout le monde le sait, lui aussi, même s’il ne peut pas le dire. Mis à terre par le PS avec l’Union de la Gauche, dirigé par des individus stupides et sectaires (je pèse mes mots qui sont à prendre au sens étymologique), roulé dans la farine de la participation au gouvernement il est exsangue de militants, d’argent, de soutiens... et d’électeurs. Il s’accroche péniblement à tout ce qui flotte pour ne pas couler.

La LCR qui s’est dépouillée, et se dépouille, du moins dans ses analyses sinon dans son discours (quoiqu’elle dise), peu à peu de son auréole « révolutionnaire » a pris pied dans le champ politique traditionnel après s’en être (à juste titre) longtemps méfié. Elle a réussi à imposer son discours de la radicalité dans le même champ qui a été abandonné par le PCF... En terme industriel on dirait qu’« elle lui a pris des parts de marché ».

Electoralement les deux organisations sont au coude à coude... ce qui était impensable il y a seulement vingt ans.

Ceci explique que le PCF panique car il y va à terme de son existence.

Ceci explique aussi que la LCR « tape du poing sur la table » et soit intransigeante parce qu’elle se sent forte par rapport à son« adversaire » qui s’affaiblit (quoiqu’il dise).

« Et les autres » allez vous dire ? Soyons sérieux, ils ne comptent réellement pas.

Le « mouvement social » est une nébuleuse, certes sympathique, mais qui n’a aucune stratégie et aucune pratique sociale réelle. Les fameux « collectifs unitaires » qui se donnent l’illusion d’exister parce qu’ils se réunissent, débattent et écrivent, n’ont aucun poids au regard des machines du PCF et de la LCR... ce sont ces deux organisations qui font et feront les décisions... seuls les naïfs peuvent croire le contraire.

Ne parlons pas de LO qui s’est toujours mise volontairement hors jeu... mis à part lors du flirt passager, et sans lendemain, avec la LCR.

J’Y VAIS OU J’Y VAIS PAS ?

On comprendra que, dans ces conditions, la nomination d’un candidat « unitaire » est plus que problématique... le contraire serait même surprenant.

Le choix d’un candidat issu d’une des deux organisations sera perçu par l’autre comme un échec.

Le choix d’un autre candidat fait passer au second plan les organisations politiques qui sont sûres, chacune de leur côté, d’être le moteur du mouvement.

Devant cette situation, le PCF, rompu à ce genre de manipulation, présente sournoisement une candidate qui lui est « apparenté »... ce qui ne trompe personne.

La situation est ainsi bloquée, mais elle se complique.

Gardant encore un reste de lucidité, les deux organisations savent qu’elles n’accèderont pas au pouvoir... quoiqu’elles ne le disent jamais... Faut pas désespérer les militants !.

Il faudra bien passer, à un moment ou un autre, des accords avec ce qu’il reste de l’ancienne gauche, PS et MRG qui eux ont des chances d’accéder au pouvoir.

Là, l’histoire des deux organisations joue son rôle :

Le PCF qui s’est largement compromis dans la gestion du système avec le PS, et qui sur ce plan n’a plus aucun honneur à défendre, n’est pas prêt à abandonner cette possibilité d’exister encore un peu... Il n’oublie pas non plus qu’au niveau local, il a encore besoin des désistements du PS pour maintenir ses derniers acquis.

La LCR quant à elle, et qui joue habilement de cette situation vis-à-vis du PCF, maintien une attitude radicale intransigeante et ne veut aucun compromis éventuel avec le PS.

C’est sur ce dernier point que la décision de la nomination d’un candidat « unitaire » accroche. Le bras de fer se joue entre la LCR et le PCF. La LCR fait monter la pression en présentant son candidat, le PCF lui emboîte le pas en présentant le sien (la sienne). La LCR en rajoute en boycottant des meetings « unitaires »...

On fait bonne figure sur scène, quant on est ensemble, et devant les caméras, mais en coulisse on se fait la gueule et on affût les armes. C’est la conséquence de la logique perverse et absurde de l’électoralisme.

LA RANCON DE L’ELECTORALISME

Essayons de raisonner le plus possible logiquement et sans a priori.

En l’absence de toute pratique sociale et stratégie du « mouvement social », il est logique que ce soit les organisations politiques qui mènent le jeu.

La logique du PCF est conforme à ce qui se joue. En effet, n’oublions pas que nous sommes sur le terrain purement électoral. Tout y est piégé, organisé, médiatiquement dirigé par le système. On sait, en gros, ce qui se passera : fondamentalement rien.

Une fois dit cela il faut voir quels sont les enjeux. Ils sont purement politiciens : postes de ministres, puis dans les élections suivantes députés, conseillers généraux et autres strapontins (bien rémunérés) de toute sorte. Le PCF tient à cela, c’est son existence, sa raison d’être. S’il perd tout cela, il disparaît.

La LCR a un raisonnement différent. Malgré l’absence totale de pratique sociale à la base, elle croit encore à un « grand mouvement de contestation » qui déboucherait sur... elle ne sait d’ailleurs pas trop sur quoi, mais elle est sûre qu’elle y jouerait un, sinon le, rôle essentiel. Une telle croyance interdit toute compromission avec celles et ceux qui sont prêts à aller, comme le PCF, « à la soupe »... d’ailleurs les plus radicaux du mouvement ne le comprendraient pas.

En ce sens, la position de la LCR est irréaliste, sur les principes juste, mais électoralement fausse. Elle oublie complètement que le champs sur lequel se joue le jeu auquel elle participe n’est pas l’alternative sociale et politique, mais simplement l’alternance politicienne... ce qu’a compris et pratiqué depuis longtemps le PCF.

Ceci explique qu’aux yeux de nombre de participants à ces « collectifs unitaires », qui vivent sur le mirage du changement politique, en fait politicien, la LCR apparaît comme un élément de division... ce qu’électoralement elle est effectivement.

La situation en est là... Qui cèdera, ou ne cèdera pas ? Peut-être une « côte mal taillée » avec un personnage de compromis... le plus petit dénominateur commun ? L’avenir nous le dira.

Tout cela est profondément affligeant et inessentiel. Se joue simplement la vie et la survie de bureaucraties politiques qui, dans tous les cas de figure, n’accèderont pas au pouvoir contrairement à ce qu’elles racontent aux naïfs. D’autres y voient peut-être la réalisation d’un rêve, un moment magique comme il y en a tant eu au 20e siècle. L’immense gâchis financier et militant n’aura qu’un seul débouché : un profond désarroi et désespoir de celles et ceux qui y ont cru... une fois encore !


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