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EDF ment

Les palinodies de Gadonneix, PDG d’EDF, et les astuces du pouvoir pour préparer le terrain à une hausse des tarifs

Article mis en ligne le 15 septembre 2009
dernière modification le 20 juillet 2009

De la lente transformation d’un ex-service public en boîte privée soumise à la maximisation de la valeur pour l’actionnaire (à 84 %, l’État), foin de la sécurité, foin de l’intérêt public, spoliation des usagers, mensonges ou omissions divers.

Rappelons qu’EDF n’est plus depuis 2005 un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). C’est une SA pouvant avoir des actionnaires privés (et avec des actions vendues à bas prix au personnel volontaire lors de l’introduction en bourse). L’État détient actuellement environ 85 % des titres. Le titre a été offert en bourse pour 32 euros ; il en vaut 31 maintenant (il était monté avant le krach à 85). L’Etat, cela faisant partie du deal syndicats-Sarkozy en 2005, doit conserver au moins 51 % des titres. Il en était de même pour GDF qui a été bradé (donc en plus de l’ouverture du capital, privatisation) à Suez en 2007, ce qui malgré la promesse, a fait descendre la participation de l’Etat à 34 % du capital (et encore il a fallu faire grimper le cours de GDF en augmentant les tarifs de façon disproportionnée et en vendant aussi les stocks achetés plus bas au nouveau tarif). C’est la même évolution que pour France-télécom et ce sera pareil pour EDF puis La Poste, car les promesses des gouvernants n’engagent jamais que les couillons qui les croient.

EDF conserve des missions de service public, mais leur financement a été intégralement reporté sur les « clients » : aide aux familles démunies avec tarif spécial de consommation minimale pour elles, avantages maintenus aux retraites d’EDF (passées au régime général et aux régimes généraux de complémentaires contre une « soulte », mais laissant à la charge d’EDF les avantages non disparus [dont le principal est que le taux de remplacement a été maintenu à 75 % du salaire moyen des 6 derniers mois d’activité], alors que l’État sarkozyen avait promis d’éradiquer les régimes spéciaux), subvention aux énergies renouvelables (dont la production dite des auto-producteurs est obligatoirement rachetée par EDF à un tarif supérieur à son propre coût de production !), aide à la Corse et aux Dom-Tom. Si on additionne toutes ces taxes nouvelles aux anciennes (taxe municipale et départementale variant entre 8 et 12 %), si on y ajoute la TVA, qui ô miracle s’applique non seulement au prix hors taxe mais aussi aux taxes, on arrive à Paris à une taxation de l’électricité, pourtant bien indispensable, à environ 38%. Et tenez-vous bien, dissimulée dans les comptes et inconnue du grand public, il faudrait à Paris y ajouter une « redevance de concession » de 400 millions de francs ! M. Delanoix ne s’en vante pas… (redevance existant aussi à Marseille et à Lyon et qui consiste à faire financer ces métropoles par le reste des régions et villes ou villages puisque les tarifs sont encore uniques sur le territoire au nom de l’égalité de traitement des usagers !).

Or donc, ne voilà-t-il pas que M. Gadonneix, PDG d’EDF, dit « So what ? ou Sot watt, réclame le 8 juillet 2009 une augmentation de 20 % (sur 3 ans) des tarifs (domestiques, industriels ? ce n’est pas dit). Rappelons les taxes à Paris, soit 38 % du tarif hors taxes. Soyons généreux et arrondissons à 40. Cela veut dire que le prix de l’électricité se verrait ajouter 40% de 20%, soit plus 8 % en plus des 20, donc plus 28 % environ. C’est la gabelle moderne ! Évidemment Sot watt n’a revendiqué que l’augmentation hors taxe…

Pourquoi une demande aussi exorbitante ? Rappelons que du temps de l’EPIC, géré par des Boiteux, des Massé, des Delouvrier, avant que les socialos n’y foutent des Ménage (repris de justice pour écoutes illégales) ou des Roussely, dit Brousse-lie car spécialiste de la terre brûlée ou Bruce Lit car c’est le président qu’a raté ou des Alphandéry (moins drôle que Robert), investissaient énormément (par emprunts sur les marchés, donc à un faible taux d’intérêt, emprunts inclus dans les tarifs, donc payés par les usagers, ce qui veut dire qu’EDF, comme les autoroutes payées par les péages, est la propriété desdits usagers !), puis faisait baisser la dette (devenue colossale par suite des investissements nucléaires) tout en diminuant les tarifs. Et ne voilà-t-il pas que sans investissements de production, So What a re-haussé la dette à environ 25 milliards d’euros. À quoi il faut ajouter les 3,2 milliards obtenus grâce au récent emprunt à prix d’or lancé dans le public français uniquement pour des raisons publicitaires et d’image.

Car Gado s’est en fait endetté et même surendetté. Comment ? En achetant des firmes à l’étranger, comme une grosse boîte (il y a cependant une procédure judiciaire aux USA pour cette affaire) aux USA (Continental, prix prévu dans les 4/5 Milliards, largement surévalué et en plus encours de procès US) et surtout British Energy (production nucléaire) pour pas loin de 20 milliards (en partie payés par des ventes d’actifs ; encore que l’on ne sache pas le prix d’achat réel [ce qui en dit long sur la transparence d’un encore service public !] ; mais l’on sait qu’il est très supérieur aux cours des actions !). Gado suit les traces de Brousse-lie qui a racheté Montedison en Italie dans des conditions désastreuses. Gado-watt préfère acheter les concurrents étrangers qui sont plus rentables que la France où les tarifs sont « réglementés » par la puissance publique et inférieurs aux tarifs européens. Et aussi, peut être surtout pour s’emparer des concurrents et implanter le cher nucléaire français à l’étranger en faveur d’Areva et d’Alstom. Ce qui signifie en même temps que ce sont les usagers d’EDF qui vont payer le développement de ces 2 boîtes qui leur sont étrangères, mais que Sarko privilégie au nom de sa politique industrielle.

Et maintenant la cigale se fait fourmi ! Car l’argent dépensé à l’extérieur (facilement plus de 20 milliards à comparer à la dette de 24,5) manque désormais pour investir en France ! Rappelons que la mission d’un service public est de servir la France d’abord. Mais Gado, libéral formé aussi à Harvard après l’X et fervent partisan du benchmarking (comparaison), ment par omission. Car ledit benchmarking (que curieusement l’on n’applique pas dans ce cas) montre qu’EDF n’est pas plus endettée que les firmes multinationales de taille comparable (encore qu’il y ait une fâcheuse tendance à aller au-delà par des acquisitions à l’étranger très surévaluées). Elle peut donc continuer d’emprunter, ce qu’elle vient du reste de montrer, et sa notation est de type AAA (presque le mieux ; non, ce n’est pas l’association des amis de l’andouillette). Le but caché de la hausse des tarifs est donc déjà de ne pas trop augmenter la dette consentie pour acheter des canards boiteux et de retrouver une capacité d’autofinancement positive alors que, actuellement, elle est négative de 2 milliards, toujours par suite de ces investissements indus alors que dans le même temps EDF n’investissait plus en France (d’où l’état des réseaux écroulés lors des tempêtes).

La valeur boursière d’EDF (total de la valeur des titres) est en train de baisser par suite de la crise (baisse des valeurs et actifs mais aussi baisse des ventes, ce qui renforce la 1ère). Il s’ensuit que le taux d’endettement (dette sur valeur boursière propre ou sur l’ensemble des actifs) risque de grimper. La baisse boursière du titre est aussi liée au très maigre rendement des dividendes : en tant qu’ancien agent, j’avais acheté 72 titres (sur le marché pas en tant qu’agent car je ne voulais pas faire usage d’un nouveau privilège). Dividende 2009 : 40,53 euros pour 72 titres achetés 32 euros (2304) soit 1,17 % de rendement. On trouvera mieux, notamment avec le futur emprunt d’État.

Une raison, peut être la seule valable, mais cachée car trop compliquée pour ces ânes de Français, serait que les tarifs actuels ne correspondent plus au « coût marginal de développement ». C’est à vérifier. Mais, si c’est le cas, ce serait un hommage du vice à la vertu car c’est L’Epic (sous Massé puis Boiteux) qui a inventé cette façon de tarifer. Aujourd’hui la SA EDF ne raisonne qu’en termes financiers, de coûts et de charges, de profits. D’où l’achat de British Energy, plus rentable… à court terme, car ses centrales doivent être démantelées en 2017 (à quel coût ? et payé par qui ?) et car des experts indépendants sont très suspicieux sur la qualité de l’entretien et de la sécurité desdites centrales GB.

Peut être croyez vous encore qu’un service public français doit d’abord servir la France. Illusion ; cela doit d’abord servir l’actionnaire. Il y a 2-3 ans, en été une panne accidentelle chez les Teutons a amené EDF à couper les clients d’Ile de France pour honorer le contrat de fourniture passé avec eux ! Couper les Français, malgré l’obligation de continuité du service, pour alimenter les Tudesques sans avoir de pénalité contractuelle, voilà un des bienfaits du libéralisme européen !

Sot watt se plaint de ce que les tarifs n’ont pas suivi l’inflation (soi-disant moins 40 % en francs constants, soit l’équivalent du différentiel de prix des tarifs domestiques avec l’étranger). Remarquons qu’il est normal dans un service public que les tarifs baissent à cause des progrès de productivité et des économies, notamment de personnel. Car ledit service doit obéir à un principe de « mutabilité » ; c’est-à-dire qu’il doit faire profiter ses « usagers » de toutes les améliorations effectuées dans tous les domaines.

Évidemment, dans les SA, ces progrès sont phagocytés par les actionnaires. Adieu donc les principes de service public que le pouvoir continue pourtant d’afficher comme régissant encore l’entreprise. Et des progrès et des économies, il y en a. Déjà la boîte a bazardé tout son système interne d’écoles et de centres d’études, a vendu son parc immobilier pour devenir locataire de ses propres locaux (Roussely, etc., ce n’est pas forcément mieux car il faudrait prouver que louer est moins cher que d’être proprio), a porté la durée de vie des centrales à 40 ans au lieu de 30 (sur le papier, car justement une autorité indépendante est en train de les inspecter pour savoir si ce n’est pas dangereux ; et, tenez-vous bien !, EDF réclame déjà le passage à 60 ans, alors que l’inspection pour 40 n’est pas finie, sous prétexte qu’aux USA les ¾ des centrales ont obtenu les 60. Le benchmarker So what ? oublie que dans ce pays ce sont les lobbys énergétiques qui dirigent et, à l’instar d’Enron, des labos pharmaceutiques, de la finance, obtiennent tout ce qu’ils veulent de l’administration US (dans laquelle du reste ils sont largement implantés grâce à une judicieuse politique d’allers et retours entre le public et le privé).

Autres économies : on rogne sur les salaires, et maintenant les dividendes des salariés et autres. Mais cela n’a pas empêché pas les dirigeants d’EDF d’avoir, par petites étapes (dont en 2009) multiplié leur rétribution par 10 par rapport à ce que touchaient les vrais serviteurs de l’Etat qu’étaient Massé, Boiteux ou Bergougnoux. De faibles augmentations des salaires (0,3 % en 2009 suite à un refus de la direction de négocier, à comparer au plus 20 ou 30 que les dirigeants se sont généreusement accordés avec la bénédiction des représentants de l’État au conseil d’administration), ajoutées à des baisses d’effectifs et à des passages massifs à la sous-traitance, ont conduit à des grèves musclées avec coupures (et on appelle la maréchaussée plutôt que de négocier) et à une grève lors des opérations de maintenance, ce qui a retardé les plannings d’arrêts de tranche (entretien et révision), ce qui conduit à importer du jus cet été chez les Gibbies, les Ibères, les Romains et les Germains. C’est merveilleux ; les dirigeants se sucrent grassement et réduisent les agents à la portion congrue…comme ailleurs.

Car EDF ne fait plus qu’appliquer les canons de l’économie libérale, concurrentielle, libre et non faussée. Le résultat brut d’exploitation, nommé désormais EBIDTA est devenu la bible du management libéralo-capitaliste. Remarquez, ce serait pareil avec un EPIC qui obéirait à la logique libérale pure. Cela a du reste commencé dès 1989. Un secteur est victime tout particulièrement de cette course au profit ; c’est celui de la maintenance des centrales nucléaires sous-traitée à des sous-traitants de sous-traitants de sous-traitants (and so on, comme dirait So what ?) pour faire baisser les prix (et la formation et l’expérience des opérateurs). D’où le joli surnom reçu pas lesdits opérateurs extérieurs : « viande à rems ». Et cela dit sans compter une baisse du taux de disponibilité des centrales (79 % contre 85 visés et obtenus aux USA, certes moins vétilleux sur la sécurité).

Donc, au lieu d’augmenter les tarifs, on pourrait réserver le pognon aux investissements de production en France à la place du rachat de boîtes étrangères (à prix d’or sans doute par surévaluation). On pourrait aussi revenir à la saine politique de productivité par l’investissement et l’organisation comme au bon vieux temps de l’EPIC.

Mais il y a une autre raison aux contorsions de Sot Watt. Les tarifs réglementés vont être supprimés par l’UE en 2010. Car au nom de la concurrence, il faut laisser jouer les prix. C’est magnifique ; d’habitude on invoque la concurrence pour les faire baisser. Là, ce sera pour les augmenter car les Teutons (et autres), munis de centrales au lignite (il faut donc les équiper de coûteux dispositifs de dépollution des fumées et d’enfermement du dioxyde de carbone), ont des coûts de revient supérieurs à ceux des grenouilles. C’est de la concurrence déloyale, pensez-donc ; grâce au nucléaire la France produit (momentanément) moins cher que les Tudesques ! Alors, Gado, sans doute poussé par le pouvoir qui veut lui faire endosser la chose, ou, c’est plus pervers, se donner le luxe de rabattre ses prétentions pour défendre « le pouvoir d’achat » des Français, prend les devants.

Comme disait l’autre : quand on ne peut rien aux phénomènes ou aux mystères, feignons de les organiser. Radio Gado ment, radio Gado est allemand (au lignite). Car Gado vise son renouvellement comme PDG en novembre 2009 ; il lui faut donc complaire au pouvoir en montant au charbon à sa place sous forme de ballon d’essai : si ça marche, il resterait, si ça casse il sera remplacé (à 67 ans, c’est pas un malheur, compte tenu de ce que sa retraite sera indexée sur son dernier salaire (hors primes et bonus), multiplié au moins par 6 par rapport à celui de Boiteux [par 10 avec les avantages annexes non imputables dans la retraite], alors qu’il est très loin d’avoir cotisé pour le montant qu’il touchera).