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Jacques Langlois
La crise
ça continue et ça va continuer
Article mis en ligne le 17 avril 2009
dernière modification le 12 janvier 2009

Avec la crise des subprimes (juillet 2007) nous assistons à une aggravation des choses malgré des actions désordonnées des banques centrales pour sauver les meubles. La banque centrale européenne (BCE), hier, vient encore d’injecter 100 milliards de dollars dans le système bancaire européen. Les USA (FED) 120 milliards, la banque centrale japonaise 23, etc. Les USA ont mis Freddie mac et Fannie Mae (7 000 milliards de dollars de prêts hypothécaires en cours) sous tutelle étatique et ont garanti les dépôts. Hier, les USA ont sauvé leur système financier en injectant 1000 milliards de dollars de plus après les 1000 déjà fournis depuis juillet 2007. Cela veut dire que la FED achète des titres vaseux aux banques ou assureurs en difficulté contre des bons du Trésor US, ce dernier empruntant à l’étranger pour compenser, ce qui revient à faire tourner la planche à billets. C’est une nationalisation déguisée d’organes privés mais à statut particulier puisque leurs prêts étaient bonifiés par l’Etat et leur solvabilité garantie. Déjà en juillet-aout 2008 il ya avait eu des injections massives de fonds des banques centrales vers les banques privées (Crédit agricole (CA), ayant perdu 5 milliards d’euros, la Société générale 3, etc.). La Northern Bank écossaise a été nationalisée par les britanniques, etc. Lehman Brothers, banque d’investissement et d’affaires américaines avec 620 milliards de dollars de portefeuille, s’est déclarée en faillite. AIGI, premier assureur aux USA, vient d’être sauvé par un prêt de 85 milliards de dollars de la FED (banque centrale des USA). Merrill Lynch (nom prédestiné) vient d’être rachetée. Morgan Stanley bat de l’aile. Les banques suisses, anglaises et allemandes ont-elles aussi essuyé des pertes considérables.

C’est en même temps une crise « systémique » par effet de dominos. Pour le comprendre, il faut remonter aux subprimes US. L’idée de base est typiquement américaine : le rêve individuel d’accéder à la propriété individuelle. Pour ce faire des margoulins ont placé des prêts hypothécaires à taux d’intérêt variable) chez des gens de la petite classe moyenne qui ne pouvaient pas payer, sauf si la valeur de leur bien augmentait. Ce fut chose faite car, sous la houlette du génie Greenspan, alors patron de la FED, les taux d’intérêt étaient très bas (1 % fin 2001, soit un taux réel négatif), ce qui a poussé à acheter de l’immobilier, ce qui a poussé à la surévaluation accélérée de ceux-ci, ce qui a amené les fonds spéculatifs d’investissement à emprunter pour acheter des entreprises. Les prêteurs (banques, assurances) ne prenaient pas de risque puisque en cas de défaillance de l’emprunteur, le bien vendu valant bien plus que le prêt initial. D’où une bulle financiaro-immobilière qui a pété.

Mais ce n’est pas tout. Il se trouve que les Américains peuvent faire de l’emprunt « revolver » (normal au pays de M. Colt et de Columbine) : si la valeur du bien augmente et en fonction de l’amortissement du capital emprunté, on peut emprunter à nouveau et ainsi de suite. Las, en 2006, la Fed a dû augmenter son taux directeur, celui qui détermine tous les autres. En effet, les déficits américains (budgétaires et commerciaux, 1 200 milliards de dollars par an) devenaient tels que les acheteurs étrangers de bons du trésor américain prenaient peur d’être remboursés en roupies de sansonnet. Du coup les taux d’intérêt s’envolèrent car ils étaient variables, ce qui entraîna énormément de défaillances d’emprunteurs de subprimes (prêts hypothécaires pour prolétaires). La valeur des biens immobiliers s’effondra ; les banques ne pouvaient plus se rembourser ; les emprunteurs étaient à la rue. Plus question de prêts revolving à la consommation.

Il faut savoir aussi que la finance avait été très imaginative et spéculatrice : les dettes hypothécaires avaient été « titrisées ». Cela veut dire mult hypothèques détenues par une banque ou un prêteur étaient transformées en une obligation vendable sur le marché financier. Déjà, dans les hypothèques il y avait amalgame entre du peu risqué et du très risqué. Les titres hypothécaires titrisés furent mélangés avec d’autres créances en tout genre, sur toutes sortes de prêts. La titrisation produisait une espèce de millefeuille où aucune chatte n’aurait retrouvé ses petits. Le gâteau a été fourgué partout dans les banques et assurances du monde. L’avantage était que ces titres « titrisés » rapportaient beaucoup à des banques peu regardantes qui les fourguaient à leurs clients sous forme de « sicav dynamiques ». Les banques européennes, qui avaient alimenté la spéculation pour maximiser leur profit, durent provisionner des pertes massives sur les titres garantis et passer par pertes et profits leurs créances douteuses de subprimes. Les assureurs en avaient aussi souscrit (pour alimenter leurs réserves obligatoires, en association avec leurs propres titres et des immeubles).

Et cela va continuer : la faillite de Lehman Brothers engage 620 milliards de dollars largement répartis en Occident, ce qui va causer de nouvelles pertes chez les banques et les assureurs européens. Dexia, en France, va encore prendre 500 millions de dollars dans les gencives. Le CA 270, la Société générale 479, etc.

Il faut donc observer que le mécanisme de la « titrisation » a introduit un risque systémique puisque personne ne peut savoir ce que les différentes banques, assureurs et « rehausseurs de crédits » (Freddie Mac et Fannie Mae) ont mis dedans. Du coup, les banques se méfient les unes des autres et ne se prêtent plus entre elles, ce qui amène une pénurie de crédit et un manque généralisé de liquidités pour financer l’économie. D’autant plus que lesdites institutions financières ont vu fondre leurs réserves obligatoires : leurs propres actions (moins 70 % sur le titre du CA car les bénéfices ont fondu de 90 %), leurs immeubles (baisse de 15 % du marché immobilier en France), leur portefeuille de créances plus ou moins douteuses. C’est pourquoi les banques centrales, aux frais du contribuable qui n’en peut mais, injectent massivement des liquidités pour renflouer la finance capitaliste ! C’est pourquoi les banques essaient de se refinancer en émettant de nouveaux titres. Hélas pour elles les pigeons ont été échaudés, pris à la gorge par la hausse des taux d’intérêt, par les pertes sur leur assurance-vie et par la baisse de valeur des logements, nombre de petits bourgeois ont vendu leurs FCP, leurs Sicav, etc. ce qui contribue à faire baisser les bourses : moins 30 % sur le CAC 40 en France depuis janvier 2008.

Une des conséquences de la crise est donc déjà morale : le libéralisme capitaliste est une tromperie qui ne tient pas ses promesses ; l’Etat n’est pas neutre ; la finance est immorale par nature et ses agissements et spéculations doivent être mis sous contrôle public. La perte de confiance se voit dans le fait que les injections massives d’argent frais par les banques centrales au lieu de rassurer les marchés financiers accélèrent la baisse des actions et autres titres.
Maintenant passons aux conséquences économiques de la crise financière. Les gogos qui ont investi dans des assurances-vie ou des retraites par capitalisation risquent de l’avoir dans le baba de même que les heureux bénéficiaires de fonds de pension privés : d’ores et déjà, ils peuvent songer à économiser au lieu de consommer. Il en est de même pour les petits épargnants qui avaient placé leurs économies dans des médiocres portefeuilles boursiers. Parallèlement, le crédit revolving sur l’immobilier est terminé, ce qui va amener une crise de la construction immobilière et le chômage qui va avec, à ajouter aux licenciements dans les banques et les assurances. Les USA vont vers une crise de sous-consommation (ça tombe bien, ils produisent en Chine ou ailleurs dans le Tiers-Monde). Du reste, nombre de ménages US sont désormais insolvables. Les valeurs immobilières et foncières s’effondrent, ce qui ne peut qu’encourager une épargne de précaution. Les banques de dépôt ne peuvent plus prêter : elles sont tombées en dessous de leurs réserves obligatoires (en gros 10 % des crédits qu’elles peuvent consentir), la valeur de leur titre a fondu ; leurs clients préfèrent mettre leur argent dans une lessiveuse. Du coup le crédit à la consommation et à l’investissement va subir des coupes drastiques, ce qui va accélérer la récession économique et le chômage par mévente de tous les biens d’investissement : autos, frigos, télés, etc. Les beautés de la capitalisation individuelle (retraites, assurances) sont apparues toutes nues.

Déjà, on demande des régulations, déjà on réclame l’intervention de l’Etat sur la circulation des capitaux, la sincérité des comptes, la nature des produits financiers, etc. Ce n’est pas une mauvaise nouvelle et cela amorce un retour à la régulation de l’économie. Gageons cependant que ce retour demeurera capitaliste…jusqu’à la prochaine crise. Cela ne nous amènera pas, hélas, à un changement de logique du système. Et cela pour des raisons que je ne puis expliciter ici. C’est une bonne nouvelle aussi car si la consommation baisse, notamment celles de pétrole et de ciment, la planète aura un court répit. <et bientôt on verra l’effondrement des produits dérivés qui représentent 600 000 milliards de dollars, soit plus de 100 fois plus que le Pib mondial. Vive la crise.