Monstruosités sportives
Les Jeux de Pékin ont tenu leurs promesses de malheur. Pendant
quinze jours, ils ont offert à 4 milliards de téléspectateurs scotchés
comme des mouches sur le petit écran du monde falsifié, le spectacle
bestial, grotesque et compulsif du capital sous sa forme
musculaire. Biomachines disproportionnées, abominables yétis alinguistiques,
veaux marins à tête d’épingle ou molosses désexués se
sont combattus dans l’arène totalitaire du régime national-communiste
chinois toutes griffes dehors, crocs acérés et éprouvettes d’urine
exhibées piteusement. Leurs records ont alimenté l’affairisme de tous
les secteurs marchands (stabilisation et développement du
capitalisme), leurs larmes de bonheur ou de déception ont stimulé la
peste émotionnelle médiatique (mobilisation mystique, fusionnelle et
mimétique des masses), le décompte maniaco-dépressif des médailles
a réveillé les sentiments nationaux (chauvinisme, opérations de prestige
étatique), la sécurisation des zones de « fête » a ouvert de nouvelles
perspectives aux sciences et aux technologies de contrôle et de
manipulation des individus (unification des appareils techno-scientifiques
et militaro-policier) ; bref, l’ensemble du show sportif intégré
à toute la réalité a magistralement ritualisé le culte international du
muscle agressif. Le devenir-monde du sport est aussi le devenir-sport
du monde. Les Jeux olympiques ont permis ainsi à la Chine de faire
définitivement partie des « grandes nations » qui décideront de l’avenir
de l’humanité avec la mentalité d’un équarisseur. Faut-il vivre
aujourd’hui comme si tout cela n’avait été qu’une image de plus dans
le cinéma exhibitionniste de nos cerveaux ? Faut-il s’empresser d’en
faire disparaître le sens général pour l’histoire des hommes ?