Derrière le vote RN, « il y a un vrai malaise social », observe le démographe Hervé Le Bras
Pour beaucoup de libertaires ou d’anarchistes, anti-électoralistes par essence même, étudier les statistiques électorales peut paraitre inutile et dérisoire. Pourtant, ces résultats et leurs différences géographiques peuvent en dire beaucoup sur la situation de l’opinion. Ils sont étudiés avec beaucoup d’attention par les appareils politiques. Il est donc important d’essayer d’en tirer des leçons pour comprendre la situation.
Or depuis plusieurs années un phénomène de géographie électorale est apparu. On ne vote pas de la même façon suivant qu’on habite dans les centres-villes, dans le périurbain ou dans les campagnes. La montée puis l’enracinement d’un vote populaire pour l’extrême droite sont tout à fait inquiétants. Or ce vote gagne de plus en plus le periurbain.
Cette différence, déjà signalée en son temps par le laboratoire d’idées "Terra nova", d’obédience social-libérale, lui permettait de proposer aux socialistes français d’abandonner leurs illusoires racines ouvrières. Puisque les ouvriers et les salariés ne se reconnaissent plus dans le PS et votent de plus en plus pour le RN, construisons avec les classes moyennes des alternatives sociétales plutôt que sociales.
C’est ce même constat qui semble animer la stratégie d’une grande partie de la gauche radicale, et en particulier la France insoumise. Tout en gardant de généreux discours "de classe", ils visent surtout à essentialiser les quartiers populaires habités en grande majorité par des familles et des jeunes issus de l’immigration. Cette perspective électorale oriente leur propagande en rompant avec l’universalisme. C’est ce que regrette, à juste titre, un François Rufin dans cette formule : "À nous de réunir la France des bourgs et la France des tours".
Bien sûr, cette géographie électorale n’explique pas à elle seule la montée de l’extrême droite dans le pays. Les raisons en sont multiples. Mais il serait urgent de l’étudier. Qui vote pour l’extrême droite ? Et peut-on analyser les raisons de ce vote à partir des cartes électorales ?

On ne peut pas se contenter de lire uniquement les pourcentages nationaux, qui en fait ne nous disent rien de la situation réelle.
On ne peut plus calquer sur les électeurs du RN des schémas préconçus. Il faut comprendre pourquoi ce vote s’amplifie et se généralise autour des villes. Il y a urgence.
Et bien sûr, il reste à trouver une solution politique face à la montée de l’extrême droite. Ce mouvement ne pourra pas éternellement être contenu par des manipulations politiciennes.
Mais y a-t-il d’autres solutions que le renouveau du mouvement social, syndical et des luttes pour l’émancipation ?
Avons-nous d’autres choix qu’une révolution sociale ? |
On peut essayer d’illustrer ce phénomène en étudiant une circonscription électorale qui mêle les quartiers populaires d’une grande ville et sa banlieue en pleine expansion :La 9e circonscription de la Haute-Garonne.