2-Le Rassemblement National et le péri-urbain du sud Toulousain
La 9e circonscription de la Haute-Garonne.
Derrière le vote RN, « il y a un vrai malaise social », observe le démographe Hervé Le Bras
Article mis en ligne le 16 septembre 2024
dernière modification le 6 octobre 2024

Le dernier vote pour les législatives a une représentation géographique. On ne vote pas de la même façon suivant qu’on est dans les centres-villes, dans le péri-urbain ou dans les campagnes.

Au nord de la circonscription, il y a les 4 quartiers sud de Toulouse. Bagatelle, Papus, Empalot et St. Exupéry
Les trois premiers sont des quartiers très populaires, le quatrième, au sud-ouest est un peu plus classe moyenne.
La ville de Ramonville, beaucoup plus riche, y est adjointe.
Au Sud on trouve des communes de plus en plus éloignées. Anciennes terres socialistes, marquées par une ancienne émigration italienne de l’entre deux guerres, elles perdent rapidement leurs caractères agricoles pour devenir résidentielles, sous la forme de lotissements.
L’offre de transport ne suit pas cette expansion, ce qui oblige les habitants à utiliser leurs voitures pour se rendre au travail, généralement à Toulouse. Ce qui génère d’énormes embouteillages sur l’axe Toulouse-Muret et sur l’axe Portet-Pamiers.
Une voie de chemin de fer unique dessert Pins-Justaret, Portet, Toulouse. Une autre, double, dessert Muret, Portet, Toulouse.
Les lignes de bus, insuffisantes, desservent les gares de Muret, Pins-Justaret, Portet et Toulouse.
Les entreprises sont massivement implantées dans la capitale régionale. Il y a donc très peu d’emploi dans le péri-urbain et le péri-urbain.

La densité de population n’est donc pas la même entre les quartiers de Toulouse et la banlieue sud. On le remarque par le nombre des inscrits. Des 2100 électeurs inscrits d’Empalot au 845 de Villate…
La richesse de ces différentes communes de banlieue est à peu près équivalente…À l’exception de Saubens et de ses 4% de foyers aisés, on peut remarquer une certaine homogénéité…
On peut voir ici, en pourcentages, la quantité de foyers ayant un revenu fiscal supérieur à 100 000 € par rapport au nombre total de foyers de la commune
Mais ce n’est pas le cas des quartiers sud de Toulouse.
Le taux de richesse de Toulouse doit être examiné par quartiers. Il y a une grande différence entre le centre-ville bourgeois et les quartiers populaires. Or les quartiers sud de Toulouse sont des quartiers populaires.
Bagatelle, Papus, Empalot, sont des quartiers d’HLM… Saint Exupéry est un peu plus aisé.
Sur ce document, qui date de 2018, on peut remarquer (3ème ligne) que le taux de pauvreté d’Empalot est de 43%, tandis que celui de St Exupéry (avant dernière ligne) est de 27,3%
Les différences entre ces communes concernant les catégories socioprofessionnelles ne sont pas très évidentes, Le nombre d’agriculteurs est réduit au minimum. Pour les autres catégories elles sont plus ou moins équivalentes sauf pour le nombre de chômeurs et pour celui des retraités.
Les taux de chômage :
Le taux de chômage diffère totalement entre les communes et Toulouse. Alors qu’à Empalot il dépasse les 11% il n’est que de 6% à Villate. Il semble difficile d’avoir des chiffres plus précis concernant les quartiers de Toulouse où le taux de chômage est de 10%.

Le nombre de retraités est également très différent.
Beaucoup plus élevé dans les communes du péri urbain toulousain que dans la ville, il peut monter jusqu’à 35% à Pinsaguel alors qu’il n’est que de 11% à Empalot.
Il semble difficile d’avoir des chiffres plus précis concernant les quartiers de Toulouse, où la moyenne du taux de retraités est de 15%.
L’offre culturelle est plutôt bien répartie. Chaque commune de la circonscription possède une médiathèque, sauf Villate qui partage la sienne avec Pins-Justaret. Un nouveau centre culturel avec un très beau cinéma vient d’ouvrir à Labarthe. Et Pinsaguel profite de son château pour de multiples animations culturelles. Il y a un théâtre à Roques. Il ne s’agit donc pas de zones abandonnées…
Château de Pinsaguel

Or on peut remarquer une différence sensible sur le vote aux dernières élections législatives. Le vote pour le Rassemblement National est massif dans les communes du sud de la circonscription et pratiquement nul dans les quartiers populaires. Pourtant la candidate du RN était totalement inconnue
Inversement la gauche est majoritaire à Toulouse. Très forte dans les quartiers populaires elle s’étiole au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la ville.
Là, dans la 9eme circonscription, il s’agissait d’une candidate écologiste.
Or les scores précédents des écologistes (hors de l’alliance de la NUPES en 2022 ou du Nouveau Front Populaire en 2024), sont plutôt modestes.
Il faut bien sûr tenir compte également des taux d’abstention qui différent totalement entre les 11 communes du sud Toulousain et les 4 quartiers du sud de Toulouse. Mais on peut rapprocher cette différence à l’âge moyen, car les personnes plus âgés votent beaucoup plus que les jeunes.
On peut comparer ces résultats avec les lieux où se sont manifestés les gilets jaunes, en particulier ceux des ronds-points. Le 17 novembre 2018, les ronds-points occupés par les Gilets jaunes se trouvaient au péage de Muret, au rond-point de Pins-Justaret, à la rencontre de 2 routes importantes, à Roques (devant Leclerc) et à Portet-sur-Garonne devant Carrefour). Celui de Muret a perduré pendant plusieurs mois.

Ce tableau compare l’accroissement de la population entre ces 2 zones. La population des 11 communes du Sud Toulousain entre 1999 et 2021 (recensements) s’est agrandie de 35%.
L’augmentation des votes aux présidentielles de ces 11 communes pour le FN/RN entre 2002 et 2022 est de 3%.
La population de Toulouse entre 1999 et 2021 (recensements) est de 29%. donc très proche.
Alors que la diminution des votes de Toulouse pour le FN/RN entre 2002 et 2022 est de moins 5,11%.
(Il s’agit des seules élections présidentielles pour comparer des zones identiques)

Cette différence très "politique" entre villes, quartiers populaires et le péri-urbain est déjà ancienne. Le contraste entre ville « à gauche » et périphérie « à droite » semble être aussi général en Europe et aux États-Unis. Mais au un niveau national, il a déjà été bien étudié. |On peut lire sur cette problématique :
Tableau historique de la France de Hervé le Bras. Ed Le Seuil. 2022
et l’excellente étude de l’IPSOS du 30 juin 2024


Caillou, 30 août 2024