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Figures de la négation
Avant-gardes du dépassement de l’art
Article mis en ligne le 14 mai 2007
dernière modification le 21 mars 2007

L’internationale situationniste - L’internationale Lettriste - Le Lettrisme - Le Laboratoire d’Alba - Le M.I.B .I. (Mouvement International pour un Bauhaus Imaginiste) - Le comité psychogéographique de Londres -

Jusqu’ici introuvable au Québec, ce catalogue de près de 200 pages d’une exposition qui s’est tenue en France en 2003 au Musée de Saint Etienne, est essentiel pour ceux qui souhaitent connaître la genèse de l’Internationale Situationniste, de l’internationale Lettriste, et pour ceux qui seraient curieux de comprendre les buts du Laboratoire Expérimental d’Alba et du M.I.B.I ou même de découvrir en quoi consistait le Lettrisme.

Composé de textes, analyses et témoignages, dont certains pertinents dans une perspective historique, cette compilation comporte de nombreuses photos, des métagraphies inconnues de Guy Debord et de Gil J. Wolman et des reproductions de peintures d’Asger Jorn, de Pinot Gallizio, de Constant, de Ralph Rumney, etc.

L’importance du travail créatif, de la peinture aux films, ainsi compilée pour la première fois, il est pertinent d’y voir une poursuite constante du dépassement et la beauté de l’insolence dans le détournement pratique des formes esthétiques de l’après guerre au profit d’une critique de la totalité.

Ce magnifique catalogue permet de comprendre la perspective d’un moment transitoire ; il rend compte de l’idée de la tension entre la vision esthétique et artistique du Lettrisme et la volonté de son dépassement dans la négation de toute forme de représentation. Cette seconde tendance fut illustrée avec brio par l’Internationale situationniste, par sa pratique du dépassement artistique liée à un usage révolutionnaire de sa capacité insurrectionnelle.

La pratique non-artistique des situationnistes devait déboucher sur une remise en cause profonde de l’art, de l’urbanisme, du cinéma et de la photographie, remise en cause qui est particulièrement bien montrée dans cette publication puisque la plupart des figures historiques (Vaneigem, Riesel, Kayati, Vienet) de l’I.S. laissent la place aux « artistes » et aux différentes tendances esthétiques expérimentées, abandonnée et exclues tout au long de l’évolution de l’I.S.

Les témoignages et l’évocation du parcours des diverses tendances « artistiques » de l’I .S., permettent une lecture complémentaire de l’I.S. : comme par exemple « la transformation irréversible de la notion d’artiste », notion jusqu’à eux limitée à la seule sphère esthétique, au bénéfice d’une critique de la totalité.

On perçoit alors à cette lecture, les enjeux et les convulsions de cette évolution et le pourquoi de la vigilance des tenants de la tendance insurrectionnelle (Debord, Vaneigem, Kayati surtout) afin que l’I.S. ne devienne un second mouvement lettriste un peu plus dérangeant mais cantonné au domaine artistique et à ses concepts. [Notons au passage que L’Action Terroriste Socialement Acceptable qui sévit malheureusement à Montréal n’a fait que reprendre en l’appauvrissant de tout contenu subversif diverses pratiques situationnistes pour se faire une place citoyenne grâce à la performance artistique]
Durant le début des années 50, la critique de la représentation (à la fois sociale, individuelle et collective) sera théorisée sur un terrain de plus en plus clairement social et dans une perspective historique. La théorie critique qui se construit dans l’I.S., se détache peu à peu, et parfois dans les convulsions, des sphères esthétiques et artistiques.

Le processus de la représentation est alors clairement perçu comme l’ennemi du sujet agissant et donc l’ennemi de toute praxis. Après les travaux de l’Internationale Lettriste et de l’Internationale situationniste, la représentation ne peut plus être abstractisée de son contexte social ni de sa finalité comme contrôle social.
Avec l’idéologie de la consommation qui s’étend comme un voile opaque sur la vie sociale, le langage de la représentation est devenu celui de l’idéologie et le drapeau du règne de la passivité. Cette idéologie s’affirme en écrasant la vie humaine, là où les individus sont réduits à des objets subjugués par les faux choix de la vie aliénée.

Particulièrement bien illustré dans ce catalogue, le double mouvement d’une proposition esthétique et de sa négation verra naître progressivement une aspiration à la critique de la totalité, critique expérimentée à des degrés de scandales divers avec l’internationale Lettriste puis développées avec une force grandissante avec les thèses de l’Internationale Situationniste précisément grâce à l’apport de la théorie du détournement, des tentatives d’une urbanisme unitaire, de la psychogéographie et de la dérive expérimentale.

Ces expérimentations passionnantes, puis leur confrontation avec les itinéraires des principaux protagonistes sont éclairés par la mise en texte et en images de la tension radicale de cette époque qui va s’accroissant puis culmine révolutionnairement en mai 1968.

Il est intéressant de noter que la naissance du plus significatif des mouvements de subversion de la société dominante de la deuxième moitié du XXe siècle, l’international situationniste, s’est constituée au milieu de la grisaille de l’après guerre alors que le stalinisme et la confusion gauchiste obscurcissaient bon nombre de perspectives sociales.

Dans cette logique, il est nettement encourageant d’oser une comparaison même relative avec ce temps qui est le notre, temps où la confusion et la résignation semblent des pratiques bien établies, mais dont le dépassement accélèrera la continuation d’une critique implacable du monde existant.