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HOLTERMAN, Thom. "Anarchisme et l’État de droit démocratique"
Résumé
Article mis en ligne le 12 mars 2008
dernière modification le 29 janvier 2008

De tous côtés et dans beaucoup de pays, on peut constater les défauts quant à la façon dont l’État de droit fonctionne. Mais de quoi parle-t-on en utilisant le mot "État de droit " dans le débat politico-juridique ? Il n’est pas possible de donner une réponse univoque. Il faut sélectionner les éléments les plus importants. Mais quelle est l’importance pour les libertaires ? Le présent essai aborde cette question. Je le fais en quatre étapes : la deuxième (de la critique) et la troisième (de la dynamique) en forment la pièce de résistance.

I Introduction

Quand on discute de l’État de droit démocratique, c’est important de savoir de quelle sorte de démocratie on parle. En écoutant le libertaire hollandais, Bart de Ligt (1883-1938), il faut distinguer la démocratie "sociétaire" de la démocratie politique. Il décrit la démocratie sociétaire comme un système dans lequel toutes les formes d’oppression et de gouvernement, qui viennent de l’extérieur, sont gommées. C’est parce que le peuple se gère lui-même. En effet, la démocratie sociétaire se compose d’associations libres, qu’elles soient économiques, sociales, culturelles. Et ce sont des individus autonomes qui les ont composés. L’ensemble se définit comme une société". Ici, De Ligt parle de la démocratie sociétaire, qui, en final, ressemble à l’anarchisme.

En revanche, il parle de la démocratie politique, qui est étroitement liée avec le pouvoir d’État. C’est cette forme de démocratie qui est sévèrement critiquée.

II Critique

Que signifie “démocratique” dans l’énoncé “État de droit démocratique” ? Qui est “démos” (mot grec pour le peuple)  ? Comment arrive-t-on à ignorer “démos” en pratiquant la démocratie politique ? Toute la critique concerne le parlementarisme. Le “parrain” de l’anarchisme hollandais, Domela Nieuwenhuis (1846-1919) a indiqué que le mot “Parlement” dérivait des verbes italiens parlara (parler) et mentiri (mentir)…

Dans la situation où ”démos” prend vraiment le pouvoir social et économique, comme dans la période de la guerre civile espagnole, les forces anti-libertaires et fascistes sont prêtes à casser ce pouvoir du peuple : alors, comme avec Proudhon, il y a toujours lieu de soutenir ce qui suit : aussi longtemps que les usines, les mines, les banques, etc., seront considérées comme propriété privée, la base de la société ne sera pas démocratique.

En relation avec cette situation sociétaire, l’État de droit a comme fonction de masquer l’existence d’un système d’oppression [1]. Et, quand le masque ne fonctionne pas, on est conduit à implorer l’aide de l’État de pouvoir.

Bien que la critique soit sévère, cela n’indique pas que tous les éléments fondamentaux de l’État de droit soient à rejeter. Là est la difficulté : démonter ces éléments pour en faire émerger quelques-uns qu’on pose avec assez de puissance pour exiger leur mise en oeuvre. C’est l’étape de la dynamisation.

III Dynamiser

En dynamisant, le but est de créer le passage d’un système sociétaire existant vers un système sociétaire libertaire. La structure du système libertaire propose une société, formée par des individus libres et égalitaires (principe d’isonomie). Les individus participent à des fonctions gestionnaires et ils se relayent dans un système rotatif en servant le mandat impératif (mandat révocable). Cette structure s’inscrit dans la trame dont Murray Bookchin (1921-2006) parlait comme “écologie sociale”.

L’ensemble apparaît comme la conception d’une démocratie de conseil et socialiste. Il fonctionne comme pierre de touche dans les débats et comme indicateur de direction pour la marche à suivre. Cela veut dire qu’on utilise la “dynamique transformatrice” immanente aux éléments fondamentaux de l’État de droit démocratique, État non réel à ce jour. Là, on trouve une possibilité pour un passage de “résistance” (la critique) vers l’”émancipation” (la dynamique).

Au passage, on a indiqué également une connexion avec l’anarchisme pragmatique d’un penseur libertaire hollandais, Anton Constandse (1899-1985).

IV Une route sans fin

On ne doit pas imaginer le processus, dans lequel il faut faire passer la transformation, comme un procédé mécanique, avec le but d’une fin définitive (ici pas de téléologie). C’est plutôt un combat sans fin pour un changement radical dans la direction indiquée par la pierre de touche.

Le cumul des changements radicaux va peut-être aboutir à une transformation qualitative. Le processus semble être un tour qui ne finit pas, qui exige d’exercer une pression permanente pour des améliorations et des changements. Là, nous sommes sur les traces, entre autres, du Russe Michel Bakounine, du Hollandais Arthur Lehning et son contemporain anglais Bertrand Russell, de l’Américain Noam Chomsky et tous les autres pour organiser une résistance contre la barbarie du capitalisme.

La pression permanente, la critique permanente ont pour but de :

 poser les points de départ de l’État de droit démocratique comme des exigences ;

 diriger le résultat de la revendication en direction de la démocratie directe avec comme but un rejet des institutions hiérarchiques et l’autogestion dans les décisions collectives.

Ces points ne sont que les quelques exemples qui sont en jeu pour connecter la critique à la dynamique.