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Les dérives de l’identitarisme
...extrait d’un texte sur ce qui s’est passé à St. Imier
Article mis en ligne le 19 septembre 2023
dernière modification le 9 octobre 2023

L’identitarisme, cette pensée qui résume la domination à une question identitaire déclinable sous différentes formes (genre, nationalité, ethnicité, culture, alimentation).

 L’identitarisme en tant que culture politique de plus en plus dominante est apparue depuis plusieurs années depuis que la classe ouvrière n’est plus considérée, objectivement ou subjectivement, comme la principale force de transformation sociale. Pour la gauche, cela revient à rechercher d’autres sujets porteurs d’émancipation. Pour la droite, cela permet de reformater le principe du « diviser pour régner ». Il est entendu qu’ici gauche et droite sont considérées sous l’angle des forces politiques classiques, et non pas sous le principe de domination qui les caractérisent toutes les deux via les partis et l’État.

 L’identitarisme fragmente la population en différentes catégories, en théorie comme en pratique.
Celle du genre est actuellement l’une des plus visibles pour plusieurs raisons mélangées : libération accrue de la parole des femmes vis-à-vis de leur oppression personnelle (viol, harcèlement, intrafamilial ou non) et systémique (patriarcat) ; prise de conscience croissante de la société vis-à-vis de cette question ; développement du féminisme bourgeois qui veut agrandir le pouvoir politico- économique des femmes bourgeoises (Thatcher, Merkel, Meloni, Lagarde, etc.) au sommet et qui, à la base, permet à l’économie capitaliste de salarier davantage de femmes selon les nécessités et les régions.

 L’identitarisme puise très largement au sein de la première puissance mondiale, les Etats-Unis d’Amérique, qui le formate à travers son histoire spécifique (la question noire, le puritanisme fondateur et ambiant, l’individualisme du self made man/woman, le néo-libéralisme post-fordiste...).

Il est propulsé et répandu grâce à l’impérialisme qui est aussi bien culturel qu’économique. Les universitaires américains, très influents par définition, y tiennent un rôle considérable qui se diffuse sur l’intelligentsia de la planète entière souvent obnubilée par l’effet de mode et avide de progresser sur l’échiquier de la compétition académique, socio-économique et politique par tous les moyens.

 Le néo-libéralisme désormais dominant postule une société où les individus sont censés accomplir librement leurs choix en déniant tout déterminisme social ou collectif, et donc faire leur marché d’idées ou de marchandises. La chirurgie esthétique ou de transformation corporelle ainsi que les méthodes de GPA constituent en outre un secteur très lucratif qui doit être alimenté et justifié idéologiquement. La recherche de mères porteuses est devenu un marché qui touche en priorité des femmes pauvres à la recherche d’un revenu. Autre renversement orwellien : la mère n’est plus une mère. À terme, les femmes désireuses d’être mères pourraient se passer des hommes en utilisant des banques de sperme alimentées par des hommes pauvres qui viendraient y récolter quelques sous comme les personnes pauvres qui vendent leur sang. À terme encore, ces procédés favorisent le transhumanisme cher à certains libertariens.

 L’intersectionnalité entérine finalement la division théorique et politique des différentes questions promue par l’identitarisme au lieu de proposer une synthèse (le socialisme, l’écologisme, l’anarchisme — quoi qu’on en pense). Elle favorise les différents petits groupes qui, certes, pourraient coopérer, ce qui arrive parfois, mais qui, emportés par leur logique spécifique et souvent monomaniaque, perdent de vue la question d’ensemble. Or l’addition de minorités ne constitue pas une vraie majorité, c’est un leurre.

 Les sociétés occidentales sont confrontées à la contradiction d’une civilisation hyper technicienne qui devrait les libérer de toutes les corvées, mais qui ne le fait pas. Au lieu d’une jouissance tranquille de la vie pour toutes et tous, la grande masse subit malgré les possibilités offertes la compétition socio-économique, le chômage, la précarité, les difficultés de logement, l’écoanxiété.

L’angoisse existentielle qui en résulte affecte la psyché de chaque individu. Elle alimente cette « peste émotionnelle » sur laquelle se fondent le fascisme, le néo-fascisme, mais aussi le post-fascisme actuel sous des formes parfois nouvelles qui bouleversent les grilles de lecture habituelles (c’est une femme issue du fascisme qui arrive au pouvoir en Italie, c’est une autre qui risque de le faire en France). Elle alimente une tendance à la victimisation spécifique qui profite aux différents prophètes de malheur (compagnies d’assurance, politiciens et médias avides de morbide, curés, pasteurs ou ayatollahs qui reviennent en force puisque c’est leur domaine de prédilection...)

 La violence ambiante de la société favorise les comportements autoritaires dans toutes les sphères de la société. On peut certes chercher à savoir quelle violence réelle a initialement touché les agresseuses et les agresseurs (de St Imier) dont plusieurs indices ou propos (mon père est cadre) indiquent qu’iels relèvent de la petite bourgeoisie « blanche ». Mais cela ne semble que le symptôme particulier d’une situation d’ensemble, à moins qu’il ne s’agisse d’un jeu propre à une jeunesse qui s’ennuierait et qui ne s’exprimerait que là où elle sait qu’on ne lui rentrera pas dans le chou. Une manifestation « spectaculaire », en somme, pendant des Rencontres qui sont en réalité devenues une sorte de festival post-post-moderne.

 L’identitarisme en apparence d’« extrême gauche » peut parfaitement basculer dans le post- fascisme puisque sa grille de lecture est binaire et autoritaire, ainsi que ses méthodes. N’oublions pas qu’à l’origine du fascisme italien se trouvent des hommes qui viennent des rangs syndicalistes révolutionnaires, et parfois anarchistes. Les autodafés furent l’une des premières expressions visibles des nazis (bien que l’une des agresseuses ne savait manifestement pas ce que sont les autodafés ni que les nazis les pratiquaient).

 Les régimes autoritaires veulent l’unité, les anarchistes qui savent les complémentarités de différence prônent l’union.

C...