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René Hamm
Nucléaire : Gauche molle à bâbord et tribord
Article mis en ligne le 19 janvier 2012
dernière modification le 10 janvier 2012

Sans la catastrophe de Fukushima, les écologistes encarté-es
n’auraient pas forcément hissé le nucléaire au rang de leurs
préoccupations cardinales. Là, je gage que dans leurs professions de foi
en vue des échéances du printemps prochain, ils/elles jureront
hypocritement viser l’abandon de la filière. À quel horizon ?...

Aberration économique et thermique

Le « contrat » frelaté du 15 novembre dernier, qui a fait couler
beaucoup d’encre et de salive pour presque rien, "n’acte" de facto que
l’arrêt des deux tranches de Fessenheim [1] raccordées au réseau le 6
avril, respectivement le 7 octobre 1977. Cette mesure satisferait d’abord
les militant-es du Comité de sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du
Rhin (C.S.F.R.), qui s’étaient battu(-e)s les flancs à partir du 17
août 1970, un mois jour pour jour après l’annonce de l’installation
de deux blocs sur le ban de la localité haut-rhinoise. Les quatre unités
du Bugey, à peine moins anciennes (8 mars, 10 mai, 21 septembre 1978, 31 juillet 1979) ne figurent a priori pas au programme de la législature
2012-2017. Le texte, approuvé, le 19 novembre, à 74% par le Conseil
fédéral d’EELV prolonge l’usage du Mox, un combustible contenant du
plutonium, entérine la poursuite du chantier de l’EPR à Flamanville
(Manche), celle de l’ITER [2]
à Cadarache (Bouches-du-Rhône) et le
réacteur de 4ème génération à Marcoule (Gard). Le début des prémices
quant à un désengagement aurait une autre allure... En prétendant, sans
rigoler, que la réduction, d’ici 2025, à 50%, de la part du courant
issu de la fission équivaut au débranchement définitif des dix-sept
réacteurs allemands [3] avant fin 2022, François Hollande aurait surtout
dû susciter une levée de boucliers des... professeurs de mathématiques.

En réalité, la formation de la rue de Solférino entretient
invariablement des "atomes très crochus" avec le lobby de la fission. Je
rappelle que les auteurs des fameuses "110 propositions" (mai 1981)
promirent d’organiser un débat démocratique, de veiller à une
diversification du panel, de pair avec une vaste palette d’économies
d’énergie... Au lieu de cela, pour écouler les surplus, corollaires
d’un surdimensionnement des besoins, les gouvernants propagèrent le
chauffage électrique, une aberration, tant économique que thermique, qui
mobilise l’équivalent d’une dizaine de réacteurs et possède un rendement
des plus médiocres (seulement 28% du jus produit emplissent radiateurs et
convecteurs). François Mitterrand abandonna simplement le projet de
Plogoff, à la pointe du Raz (Finistère) de même que l’extension du camp
militaire sur le Larzac. Dans les deux cas, une mobilisation massive de
longue haleine s’avéra fructueuse. Endossant pleinement « l’héritage »
de ses prédécesseurs, le « florentin » s’empressa non seulement
d’enterrer le moratoire, l’idée d’une consultation du Parlement et a
fortiori des citoyen-nes, mais il accéléra les constructions en cours,
en commanda d’autres, tout en ne modifiant pas d’un iota l’option de la
dissuasion. Nous avons loupé le coche du nécessaire tournant à l’été
1981, lorsque l’électricité d’origine nucléaire représentait 38% du
« mix ». Au terme de la première (et unique) législature
socialo-communiste sous la cinquième République, le chiffre avoisina les
60%. Après la cohabitation du 20 mars 1986 au 10 mai 1988, avec Jacques
Chirac à Matignon, le retour du PS aux affaires (jusqu’au 29 mars 1993)
coïncida avec le quasi-bouclage du parc. Depuis, la proportion ne variera
plus guère : entre 75 et 78%, peu ou prou le double de "l’état des lieux"
initial.

Très peu virulents

Comme le rappellent fort opportunément Stéphen Kerkhove et Xavier
Rabilloud, auteurs de l’opuscule "Sortir du nucléaire, c’est possible !"
 [4] cette technologie aussi dangereuse qu’onéreuse génère des
gaspillages colossaux. Seuls 33% de l’énergie primaire issue d’un bloc
alimentent le réseau des lignes à très haute tension. Le reste fait
plouf dans l’eau ou "s’évapore" dans l’atmosphère. Ces neuf cents
térawattsheure (900 milliards de kilowattsheure) perdus dépassent de
quatre-cinquièmes la consommation d’électricité nationale en 2010 (488,1 térawattsheure)... C’est comme si quelqu’un-e réglait en hiver tous
ses radiateurs sur 25 degrés et laissait en permanence les fenêtres
ouvertes. Qui serait cinglé à ce point pour endosser une ineptie aussi
extrême ? Le kilowatt/heure nucléaire relativement bon marché, nous le
devons aux subventions pharaoniques consenties par l’État [5]à la non prise en compte, dans les tarifs, des coûts de l’extraction et du transport du minerai [6], des provisionnements (du reste nettement insuffisants) pour l’assurance, le démantèlement futur des sites [7], et le stockage des déchets. Au-delà des considérations morales sur les
risques liés à un processus difficilement contrôlable, sur le legs aux
générations futurs de tonnes de résidus hautement radioactifs, les seuls
aspects économiques devraient ébranler jusqu’aux partisans de ce type
d’énergie. Contrairement aux allégations fallacieuses et aux
vociférations des nucléocrates de tous bords, l’abandon à très court
terme du "fleuron de notre industrie" s’apparenterait à une œuvre de
salubrité publique. Une hypothèse sur cinq ans suppose toutefois le
recours, durant la phase transitoire, aux vecteurs fossiles (une trentaine
d’usines à gaz très performantes). Que l’efficacité et la sobriété
énergétiques, couplées au boom volontariste des sources renouvelables,
ne nous dispensent pas d’une réflexion sur la notion de « progrès » et
sur une certaine « décroissance », garante de bien-être, de respect de
l’humain et des écosystèmes. Alors, interpeller les Verts pour qu’ils
continuent de peser sur leurs interlocuteurs n’aurait de sens que s’ils
défendaient résolument des positions antinucléaires militantes et
refusaient toute négociation à visée exclusivement « électoraliste ».
Depuis le milieu des années 80, en particulier sous l’impulsion de
Daniel Cohn-Bendit [8], ils ont jeté aux orties la plupart de leurs
principes fondateurs, comme la démocratie à la base et la non-violence.

Très peu virulents sur l’ignoble commerce des armements, ils ne se
bousculent pas non plus pour insister sur l’importance capitale de
circonscrire les expulsions de gaz toxiques dans l’atmosphère. Un clic
sur leur site débouche sur un communiqué de Cécile Duflot, la
Secrétaire nationale, exhortant à la mobilisation sur le climat, "défi
majeur de l’humanité au XXIe siècle". Comment abaisser le seuil de
l’effet de serre et tendre vers une limitation à deux degrés du
réchauffement en s’acoquinant avec les ultra-productivistes
« roses » ?... La nomination de deux Verts au sein du cabinet de Lionel
Jospin en qualité de Ministre de l’Aménagement du territoire et de
l’Environnement, Dominique Voynet (4 juin 1997 – 9 juillet 2001), puis
Yves Cochet (10 juillet 2001 – 5 mai 2002), n’impulsa aucune esquisse
d’alternative. L’actuelle maire de Montreuil signa une dizaine de
décrets concernant cette occurrence, par exemple l’introduction du
combustible MOX dans les installations de Chinon (Indre-et-Loire),
l’érection de deux tranches à Civaux (Vienne) ou encore
l’autorisation d’un chantier en vue de l’enfouissement éventuel de
déchets radioactifs à Bure (Meuse)… Elle consentit par ailleurs à la
culture de maïs et d’un soja transgéniques…