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Est-il possible de faire une critique de "gauche" du "wokisme" ?
Woke et anti-woke, les figures de l’élitisme dévoyé.
Article mis en ligne le 27 mars 2024
dernière modification le 13 mars 2024

Est-il possible de faire une critique de "gauche" du "wokisme" ?

Ma réponse est simple :

La critique de gauche du wokisme ne peut être qu’une autocritique. Tout simplement parce que la pensée de gauche n’existe pratiquement plus, car, au fil des décennies, elle s’est compromise avec toutes les dérives factuelles : le militarisme (1914, 1939,1958 : combien de réfractaires et plus tard combien d’objecteurs de conscience), aveuglement historique devant le putsch léniniste de 1917 et sa participation active au stalinisme et au pacte germano-soviétique (pour certains), l’embourgeoisement (1936,1968), la perte d’identité en tant que mouvement ouvrier autonome (congrès de Tours 1920), parlementarisme et gouvernance (1981), gauchismes de sectes et d’exclusion, fascination pour les idéaux totalitaires malgré un discours souvent antiautoritaire de façade, perméabilité totale aux pires dérives soviétiques ou américaines : le wokisme, le dernier avatar en date.

J’ai lu et écouté le dossier proposé par Pierre et relu mes archives sur le sujet. Inutile de rentrer dans les détails. Ces quelques remarques serviront, je l’espère, à restituer la problématique dans son environnement historique et idéologique.

Points de repères

  1. Le wokisme est la dernière importation particulièrement sévère étasuniennes. Après le jazz, le rock, le western, le chewing-gum, les GI, le plan Marshal, le markéting, l’impérialisme, le consumérisme exalté, la dernière contamination virale atteint la « DZ » (Zone de saut chez les paras) au cœur de la Gauche en mal de dégénérescence gériatrique.
    C’est un juste retour de la mode de la French philosophie de Sartre aux adeptes de Derrida. Les étudiants horsains (étrangers dans ma langue natale) ont adoré la déconstruction[1] qui leur permit de forger une nouvelle batterie de concepts adaptés à leur contexte historique et politique. En bref, déconstruire la pensée pour retourner aux sources et forger une nouvelle idéologie dominatrice. Les principaux rejetons : racialisme, décolonialisme, genre, essentialisme comportemental, culpabilisation, tiers-mondisme revisité en inclusion… Cette armada conceptuelle permet de redorer le blason d’un américanisme dominant, mais fatigué, d’autant que l’économie prime sur la pure action idéologique.

    La French théorie se réduit à une vulgaire équation qui est la clé de voûte du wokisme :
    WOKE = Critique radicale de la trilogie abominable : Phallus + Logos + Occidentalo-centrisme
    Décryptage :
    Phallus, car la pensée occidentale (importée dans les contrées esclavagistes et génocidaires) se caractérise par une mâlitude exclusive, donc profondément inégalitaire côté genre. L’organe est donc proscrit de fait. LA libération est donc vaginale ou pas.
    Logos : l’importation maléfique apporte dans ses bagages le virus de la Raison, sous produit de la grécitude couillue. Il faut donc combattre cette engeance au profit d’une pensée libérée d’une servitude arrière et néfaste. Hélas, pas question de puiser dans la pensée amérindienne exonérée de cette tare, mais "génocidée" par inadvertance. C’est l’entrée de la subjectivité et de l’empathie comme ersatz de méthode de la connaissance. La sororité remplace la mâlitude. ouf !
    Occidentalo-centrisme. C’est bien connu, touts les vice viennent de l’occident que les rejetons de l’émigration blanche ne saurait tolérer. L’imitation est le pire défaut. Sauf, la déconstruction à la française
    qui sauve l’honneur perdu de la blanchitude.

    Beaucoup d’universitaires français ont ramenés dans leurs bagages les idées « radicales » qui leur permirent de briller dans nos sphères académiques éteintes. (Malabou…). Le retour de manivelle fait des ravages dans les esprits délabrés de la post-modernité.

  2. La nécrose avancée du socialisme, la Chute du Mur, l’échec du Programme Commun et la décomposition du gauchisme permirent au wokisme de s’implanter comme la gangrène sur une plaie mal soignée. La militance gauchisme avait besoin de se réarmer, le wokisme fut sa bouée de secours. On connait les ravages du virus dans un corps malade.
  3. Il ne faut jamais oublier le mécanisme fondamental de la pensée politique : ACTION / RÉACTION. La droite étant tout aussi moribonde (avec en prime l’essor du FN/RN devenant la nouvelle droite conservatrice et souverainiste en cours de désintoxication extrême-droitière), l’anti-wokisme mobilisa à l’identique les intellos conservateurs. Les effets de miroirs et de contre-mimétisme fonctionnement parfaitement.
    Si bien que le couple woke/anti-woke devient indissociable, il encombre le paysage politique et il se substitue à la refondation des fondamentaux. Situation gravissime en raison du déploiement d’une nouvelle offensive radicale du capitalisme sous la forme d’un néoTot particulièrement « doté » et « dopé » par les développements fulgurants du numérique et du fantôme I.A (Informatique Avancée)
  4. Le couple W / aW a permis aux élites boboïsées et toujours mégapolisées de garder leur rond de serviette idéologique dans les maisons d’éditions, les plateaux des Médias et surtout de s’incruster dans la hiérarchie des luttes racialisées et internationales (Gaza).
  5. L’hyperaméricanisation devient, sans peine, une culture de grand remplacement idéologique (Disney, Mac Do… avaient déjà largement balisé le terrain.)
  6. Quelques banalités wokes :
  • Retour au vieux sexiste Renversé.
  • Culpabilisation de l’homme-blanc colonisateur et dominateur génital.
  • Passage du tiers-mondisme au décolonialisme.
  • Pulsion à l’exclusion et au néo-totalitarisme, avec un substrat trotskyste évident.
  • Manichéisme comme schéma directeur de pensée. Parti du Bien contre le MAL.
  • Mise en avant du genre, de la sororité, du transgenre au nom d’une liberté organique absolue. A la haine de la nature se joint une haine de soi redoutable.
  • Transformation de l’antiracisme en racialisation. Donc un retour à la race systémique. La race devient un fétiche et le racialisé la victime indispensable à bons sentiments. L’idéologie victimaire peut fonctionner comme un moteur bien huilé. En la matière le wokisme fait preuve d’une inventivité redoutable, il est capable de mixer l’antiracisme basique à une racialisation spéciste et genrée. Il s’appuie sur une rationalité spécifique : l’intersectionnalité comme méthode devenue le nec plus ultra de l’académisme bien-pensant qui règne dans les officines universitaires. La différence fait identité, curieux mélange que met en évidence la notion de « diversité » ! On assiste à un « charlatanisme rémunéré ». L’actualité a permis de mettre en évidence l’antisémitisme latent dans woke-sphère.
  • Refus de voir les composantes obscures de l’islam et adhésion à l’islamogauchisme, sans comprendre l’islamo-fascisme, ni le statut de la femme et autres orthopraxies constituantes. Et danger impardonnable, incompréhension totale de la taqîyya qui fait du wokisme un allié objectif des frangins musulmans.
  • Ruse de l’empathie à des fins pas si nobles que cela.
  • Substitution réussie de la lutte des classes par une militance sociale et sociétale. Ce qui correspond à un abandon des fondamentaux. Gauche et Droite s’affrontent à coups de mots-valises, de néo-platitudes. Maintenant, les deux siamois de la contemporanéité se gargarisent de valeurs, la nouvelle norme vide de sens. L’axiologie, une sorte d’éthique formelle, remplace le corpus doctrinaire traditionnel des deux protagonistes. Leur slogan : « J’agis, donc je pense  ». Le discours devenu métalangage rentre dans la spectacularisation chère aux situationnistes. En poussant jusqu’à l’absurde la valeur, on aboutit à une logique dans laquelle le mot fait sens et réalité. Wokisme : « mouvement d’idées qui appelle à une prise de conscience, puis à une analyse et une élimination des injustices structurelles à l’œuvre dans les sociétés occidentales » peut paraître une évidence. Mais cette définition de Légifrance (J.O) cache en fait un évangélisme moralisateur, plus petit commun dénominateur, malléable et, surtout, manipulable.

7. Le W et l’aW mettent en place une nouvelle sécularisation du théologico-politique. Ils symbolisent donc le couple infernal de la moraline. Les nouveaux catéchismes foisonnent et les anathèmes pleuvent. La laïcité à la française vacille sur ses bases sous les coups vicieux des factions ensoutanées ou à keffieh. Le vieil « opium du peuple » se sent sénile devant les assauts du jeunisme ambiant. Le retour du religieux prend des chemins inattendus, pauvre Malraux !

8. L’abandon progressif d’une vision internationaliste, héritée du XIXème, et l’incroyable hérésie stalinienne du « socialisme dans un seul pays », largement incluse dans les politiques réformistes socialo-gauchistes, aboutissent à un retour du campisme et à l’affrontement binaire excluant les voix dissidentes. Retour paradoxal à un aveuglement néo-nationaliste ayant perdu ses repères.

9. Le W / a-W profite du profond malaise dans le politique qui ne passionne plus les électeurs ni les 10 à 20 millions de non-inscrits sur les listes noires électorales (dont je suis absent avec enthousiasme).

On pourrait se moquer des outrances du couple funeste qui nous occupe. Hélas, le dossier clinique indique de graves perturbations dans l’occidentalo-sphère. On se souvient de l’emprise impitoyables des gaullistes et de ses affidés dans l’Hexagone, puis de la vague socialo-gauchiste qui n’en finit pas de crever. Il est à craindre que le W/a-W ne soit l’héritier profanateur de l’ancien monde et le promoteur de la nouvelle idéologie dominante, le capital a encore de beaux jours devant lui.

R-D M

[1] Une étude critique de la déconstruction permettra de mettre en évidence les ravages qu’elle engendra dans les générations post-soixante-huitardes. Cette idéologie pernicieuse me permit de fuir l’univers renfermé de l’université.


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