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Une larme de Riwka
Laurence Kleinberger
Article mis en ligne le 1er avril 2023

C’est une histoire d’amour et de mort qui lie la narratrice à sa mère. Une histoire parfois tragique, faite d’amnésie et de souvenirs. Ce lien paradoxal entre le drame familial de la Shoah, la maladie d’Alzheimer et l’autodérision caractéristique de l’humour juif, forment le noyau de cette chronique joyeusement mélancolique où le burlesque et la légèreté s’emparent de tout. La fille raconte la vie de sa mère au jour le jour dans son « hôtel de luxe », un EHPAD, avec ses aberrations administratives et ses situations cocasses. Elle raconte le rire de sa mère, le Monsieur-Qui-Pisse-Partout, « Des chiffres et des lettres », les « Vayalé » récurrents du monsieur en fauteuil, René-la-grande-gueule et puis aussi la mort qui rôde.

Biographie : Laurence Kleinberger est « maîtresse des soucis » dans un centre psychopédagogique. Lorsqu’elle ne travaille pas, elle écrit des romans et la nuit, elle invente des histoires pour enfants. Elle affiche à toute heure un optimisme arrogant et presque irrespirable. Une légèreté qui la pousse à des actes insensés, comme d’appuyer sur le bouton afin que le feu passe au vert, planter un ananas en terre en espérant voir pousser un palmier ou faire confiance à l’humanité. Après J’ai pas tué Gérard, enfin je crois... et Le jour où mon alzhei’mère échappa aux griffes d’un nazi constipé grâce à un tueur croate à la coiffure étrange, elle récidive brillamment, avec son humour au vitriol, sa tendresse, son tragique, sa judaïté et sa folie !

Mon avis : Ce qui m’a frappé, ce qui m’a touché, c’est l’universalité du propos. Que l’on soit juif ou shintoïste, que l’on vienne des fins fonds de la MittelEuropa ou du sud de l’Afrique, le moment où faute de pouvoir prendre en charge son ainé-e, son père ou sa mère, il faut s’en séparer pour que d’autres le fasse, ce n’est pas autre chose que de les laisser à "l’orphelinat des vieux" avec la promesse de revenir les voir la semaine prochaine.
C’est injuste, douloureux, culpabilisant. Il/elle m’a nourrit, soigné, changé, lavé je ne sais combien de fois depuis ma naissance, a pris soin de moi jusqu’au moment où j’ai pu voler de mes propres ailes et moi, je ne suis pas en mesure de lui rendre tout ça.

La façon dont l’autrice aborde ce sujet dépasse l’humour juif classique pour être au fond, ce que cet humour à toujours été une forme de distanciation, une forme de protection face à ce qui nous attends tous.