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Christiane Passevant
Fred Alpi. Nouvel Album
J’y croyais pas
Article mis en ligne le 2 juin 2011
dernière modification le 5 juin 2011

Présenter le nouvel album, le quatrième, de Fred Alpi n’était pas chose simple, j’avais trop de choses à dire. L’envie m’est venue alors de lui laisser la parole avec l’un des textes que j’ai préféré, Étranges Abysses… Pourquoi ? Parce qu’il se dit aussi bien qu’il se chante, qu’il s’écoute et se regarde aussi comme une suite d’images qui se bousculent…

Il est si rare d’avoir à entendre des textes qui ne soient pas un simple accompagnement de rythmes et de sons, des textes qui veulent dire, qui s’assument.

Étranges Abysses

Chaque fois qu’éjacule le fascisme ordinaire


Celui qui rend le sourire aux actionnaires


Terrorisés par les anarcho-autonomes


Qui voudraient libérer les déviants du génome



On voit disparaître le plaisir de l’instant


Remplacé illico par la terreur d’un présent


Et d’un futur qui se rêvent au passé


Privés des imprévus qui les font angoisser…



[…]

Ces clones décérébrés par la logique militaire



Mais quand je dis non, je ne renonce pas


Me taire serait laisser croire que je ne juge pas


La conscience s’éveille avec la révolte


Celle qui concrétise la colère qu’on récolte


Mais si penser, c’est déjà désobéir


Nos seules intentions ne permettent pas d’agir


Il manque encore le courage et l’intelligence


Qui nous donneront la force de répondre à l’urgence


En choisissant la vie contre le sacré


C’est avec joie que nous allons blasphémer


Nous délivrer de Dieu pour délivrer le monde


Et détruire les gamètes de la bête immonde



Ce n’est pas seulement la vie que nous voulons


C’est également son sens et ses raisons


Et que je sois une femme ou un homme


Je me révolte, donc nous sommes.



La musique accentue la force des paroles… [1]

Fred Alpi : Je passe beaucoup de temps sur les textes. Souvent je pars d’une idée simple, mais ensuite il faut construire le texte pour qu’il soit chanté ou parlé et là, il faut passer du temps. Le fait de le chanter, de faire évoluer la musique permet aussi de trouver les mots. Entre l’idée et la chanson, il y a un travail qui prend du temps.

Quelques bases et lignes mélodiques…

Fred Alpi : Je joue avec Gilles Fegeant depuis cinq ou six ans et les morceaux, nous les faisons mûrir. Quand ils nous paraissent tenir debout, nous les jouons sur scène, ce qui fait beaucoup avancer un morceau. Nous n’avons jamais joué Étranges Abysses sur scène avant de l’enregistrer, et cela a été plus long d’en trouver la structure. En fait, lorsque nous arrivons sur scène avec un morceau imparfait, nous comprenons tout de suite ce qui va et ce qui ne le fait pas.

Mon rapport est d’abord celui de la scène, parce que la musique, c’est d’abord sur scène que ça se passe. Le CD est une photographie à un moment donné, c’est intéressant, mais ce n’est pas un but en soi. Étranges Abysses était linéaire au départ et Gilles, qui vient du blues, a apporté un crescendo, une amplitude en intensité qui donne une force à la musique, et à ce morceau en particulier.

Pas de cadeau dans ce morceau, ni dans les autres d’ailleurs…

Fred Alpi : Il n’y a pas de raison ! Mais derrière les textes, il y a plusieurs significations parce que lorsque j’utilise un mot, c’est tout un univers qui s’y fond, qui s’y perd. Et peut-être ne suis-je pas toujours complètement conscient des images déclenchées… Cela vient de la culture, de l’éducation, des influences. Je peux expliquer quelques idées autour de ce que j’ai voulu exprimer car elles sont, pour moi, évidentes, mais ensuite chacun, chacune interprète les textes, s’approprient les chansons. C’est ce qui est intéressant…

Lancer une métaphore, une image…

Fred Alpi : C’est cela. En général, je préfère poser des questions que donner des réponses. Je veux éviter tout écueil caricatural que serait pour moi imposer des certitudes.

Des convictions et des doutes…

Fred Alpi : Des doutes bien sûr, des convictions aussi. Les remises en question sont importantes. J’ai des principes de base depuis longtemps, qui s’affinent avec les années et en étant confrontées avec la réalité. Je m’enrichis des rencontres avec les unes et les autres. Être péremptoire dans une chanson, c’est dangereux. Soit on accepte d’évoluer, soit on décide de s’arc-bouter sur des positions théoriques, l’on s’enferme alors vis-à-vis de la réalité du monde, et c’est dommage.

Surveiller et punir. Détruire le mental…

Fred Alpi : La prison a fait la preuve de son inefficacité depuis longtemps et ce système est pourtant maintenu. Pour écrire cette chanson, Surveiller et punir, j’ai beaucoup appris d’une émission du mercredi soir sur Radio libertaire, Ras les murs. Je ne suis jamais allé en prison, mais je sais que c’est une destruction de l’individu, de sa volonté, de son intimité et de ses sens. C’est une expérience dont on ne sort pas indemne. Ce n’est pas un instrument de réflexion, de réhabilitation — si tenté que l’on considère que le/la détenu-e ait commis une faute — qui permettrait à la personne de se reconstruire. C’est seulement un instrument de destruction qui frappe les plus pauvres, les plus vulnérables, mais jamais la grande délinquance.

Entre Vichy et Las Végas…

Fred Alpi : En ce moment la France, c’est ça. On a toute l’idéologie vychiste, cette fois anti musulmane, avec d’un côté, travail, famille, patrie, de l’autre Las Végas et son bling bling. Mais derrière le clinquant demeure une idéologie profondément capitaliste, raciste et patriarcale. Cela mène au fascisme, même si cela se présente différemment. C’est plus insidieux, plus sournois, plus habile et cela se répand avec la propagande, l’éducation… C’est bien plus efficace que de mettre des flics à tous les coins de rue. En fait on met des flics dans les têtes. Les moyens sont plus subtils, mais l’idéologie reste la même.

L’influence de Joe Hill…

Fred Alpi : Je parle de Joe Hill [2] dans chacun de mes albums, mais il n’est ni un héros ni une idole. Le hasard fait que nous sommes tous deux nés en Suède, dans la même région, et lorsque je pense à lui, c’est comme si c’était à quelqu’un de mon village. J’ai visité sa maison natale qui ressemble à toutes les autres maisons. C’est un pote du coin avec lequel j’ai des affinités, il était chanteur et militant anarcho syndicaliste.

1. J’y croyais pas

2. Surveiller et punir

3. C’est pour ton bien

4. Entre Vichy et Las Vegas

5. Joe Hill’s Last Will

6. Le fric, la prime, la cocaïne

7. Etranges abysses

8. Deus ex Machina

9. C’était pas un mec pour toi

10. C.R.I.S.T.I.N.A.

11. T’étais mon chien

12. Joe hills sista vilja

13. Äquinoktium

14. Lied für Joe Hill

15. Etranges abysses (feat. Skalpel)