Divergences Revue libertaire en ligne
Slogan du site
Descriptif du site
Christiane Passevant
Palestine/Israël. « Mon nom est Juliano »
Article mis en ligne le 2 juin 2011
dernière modification le 1er août 2023

Juliano Mer Khamis, comédien, réalisateur, militant israélien-palestinien et fondateur du Freedom Theatre de Jenine, en Cisjordanie, est assassiné le 4 avril 2011, devant l’entrée de son théâtre.

Spartacus Mer-Khamis accuse le Hamas d’avoir assassiné son frère. Il a précisé que le Hamas avait déjà menacé sa mère il y a une vingtaine d’années. Mais il déclare que « des deux côtés, il y a des assassins, en Israël, il y a un Hamas juif qui est responsable d’autres meurtres ».

Dès la première Intifada, en 1987, il a dirigé des ateliers de théâtre dans le camp de réfugié-es de Jenine et a monté les spectacles de la troupe aux côtés de sa mère, Arna Mer Khamis, militante libertaire et antisioniste. Juliano filmait les répétitions, les différents spectacles des enfants en travaillant sur le projet alternatif d’éducation d’Arna, décédée en 1995.
Dans le Théâtre des pierres, les enfants palestiniens du camp exprimaient leurs peurs et les traumatismes engendrés par l’occupation militaire. « Toute notre énergie [expliquait alors Juliano] s’est portée sur la création de quelque chose qui n’existe pas. Ces ateliers, c’est peut-être la solution pour la fin des guerres. »

« Il n’y a pas de paix sans liberté ».

Comédien très connu au théâtre, Juliano Mer-Khamis a tenu des rôles au cinéma sous la direction d’Amos Gitai dans plusieurs de ses films, notamment Esther, Yom Yom, Kippur ou Kedma. Il est apparu récemment dans le film de Julian Schnabel, Miral et dans la fiction de Félix Olivier, Djihad.

La seconde Intifada éclate en septembre 2000 et, en 2002, une offensive de l’armée israélienne saccage le camp de réfugié-es de Jenine et massacre de nombreux civils. Le Théâtre des pierres est détruit. Lorsque Juliano retourne à Jenine, c’est la désolation : la ville n’est que ruines et la plupart des enfants qu’il a connu des années auparavant sont, soit morts, soit combattent l’armée d’occupation. « Sur la discrimination et le racisme, le pire peut se développer. Le fascisme ou autre chose, peu importe le nom qu’on lui donne », disait Arna Mer Khamis en 1992. En 2002, le pire est arrivé à Jénine.

Il décide alors de réaliser un film documentaire, Arna’s ChildrenLes enfants d’Arna — qui est récompensé par de nombreux prix. Il y montre sa mère qui, même sous traitement contre le cancer, continue à lutter contre l’occupation. Les relations construites avec les enfants, l’expérience extraordinaire du Théâtre des pierres. Il retrouve les jeunes qui ont vécu cette expérience, mais aussi la destruction du camp, de leur maison, la mort de leurs proches. Du théâtre aux attentats, du théâtre à la mort, c’est le drame des enfants perdus de Jenine… Et Juliano Mer Khamis porte dans ce film un regard sans complaisance sur la logique de la violence d’État.

En février 2006, à la suite de la mobilisation provoquée par son film documentaire, Juliano reprend le projet d’Arna et monte le Freedom Theatre — le Théâtre de la Liberté de Jenine. Sous sa direction, le Théâtre de la Liberté donnera des représentations, notamment La Ferme des animaux de George Orwell et, le dernier, une adaptation d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll.

En 1992, lors d’une première rencontre à Jenine, j’ai été impressionnée par l’indépendance de Juliano Mer-Khamis, par son refus des étiquettes, qu’elles soient nationales, ethniques ou religieuses, il avait alors dit : « Pas de religion, pas d’identité, rien, un être humain, c’est tout : mon nom est Juliano. »