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Jean-Luc Debry
D’une Espagne rouge et noire (À contretemps)
Freddy Gomez
Article mis en ligne le 15 novembre 2009
dernière modification le 11 novembre 2009

À signaler la publication par Les Editions Libertaires de l’essentiel des articles parus dans À contretemps une remarquable autant qu’incontournable revue de critique bibliographique et d’histoire du mouvement libertaire animée par Freddy Gomez. Quiconque prétend s’intéresser aux belles figures des mouvements anarchistes et qui ne serait pas abonné à cette revue sans prix ne serait pas digne de l’estime que nous aurions pu lui porter avant d’apprendre cette terrible nouvelle, qu’on se le dise. Voilà une revue exigeante, écrite avec beaucoup soin, d’amour de la langue et de talent qui, lorsqu’elle explore un sujet, le fait avec une rigueur à vous rendre jaloux. C’est donc une œuvre de salut public que nos amis de l’Ile d’Oléron réalisent en nous offrant l’occasion de revenir sur le terrible échec de la révolution espagnole.

Les quatre personnages qui font l’objet de cette étude — Diego Abad de Santillán, Felix Carrasquer, Juan García Oliver, José Peirats — incarnent, chacun à leur manière, la longue histoire de l’anarchisme espagnol qui, le temps "du bref été" 1936, tutoya la légende. Le récit que ces quatre acteurs majeurs de la révolution espagnole nous font de leur vécu de militants, mais aussi la façon - chaque fois singulière - dont ils ont perçu et appréhendé l’événement, nous aident à comprendre ce qu’elle fut, dans toute sa complexité. On retiendra plus particulièrement de celui qui fut si souvent présenté comme “la figure négative de la CNT que la légende romantique oppose volontiers à Durutti, García Oliver.

La volonté des auteurs est de nous inviter à faire connaissance avec ce personnage de premier plan. Nous partageons le point de vue de l’équipe éditoriale lorsqu’elle estime qu’il est important de faire une honnête mise au point, un peu à la façon d’un photographe cherchant la netteté de son cliché et “de le faire au plus près de ses mémoires, en suivant la trame de ses souvenirs de militant”. Le militant révolutionnaire, auteur de El eco de los pasos dont on attend avec impatience la traduction en français (les éditions du Coquelicot sont en train de s’y atteler, mais le travail est colossal et demande du souffle) témoigne de façon émouvante et fort instructive sur les causes d’un échec qui, selon lui, serait antérieur à sa décision de collaborer avec le pouvoir républicain au main des staliniens. Il le fait, regrette Freddy Gomez, en faisant “presque totalement l’impasse sur l’intime, comme si la passion révolutionnaire avait nourri cette existence au point d’éclipser tout le reste. On sait que c’est faux, bien sûr, que la révolution, pas plus que l’érotisme, ne relève de la seule gymnastique, que l’Histoire est tissée d’histoires, que la lutte est désir – de vie, mais aussi de pouvoir.”