La Direction veut fermer 5 langues européennes et une langue asiatique, accusées de ne plus répondre aux réalités géostratégiques depuis la chute du Mur de Berlin. Qui a mis 20 ans avant de réaliser que le Mur de Berlin était tombé ? Qui décide aujourd’hui que la France n’a plus rien à dire aux Européens et aux Laotiens ?
Le tandem Pouzilhac-Ockrent a fait un diagnostic catastrophiste et annonce un déficit de 9 millions d’euros en 2008 pour faire passer un plan social qui prévoit la suppression d’un quart des salarié-e-s de RFI : 206 salarié-e-s.
Et presque autant de CDD dont le contrat ne sera pas renouvelé.
Nous, salarié-e-s de RFI, qui avons construit ce bel outil, refusons le sabotage industriel et le gâchis humain que représente ce plan social.
Nous refusons de payer pour les erreurs de l’État et des directions successives !

Radio France Internationale : des salarié-e-s en lutte
Quand la nouvelle direction de RFI, avec Alain Duplessis de Pouzilhac comme PDG et Christine Ockrent comme directrice générale, est arrivée en juin 2008, ADP a déclaré : « …il n’y aura pas de licenciements à RFI ». Aujourd’hui, un plan de licenciement a été présenté en Comité d’Entreprise, qui prévoit le licenciement de 206 personnes, 24% de l’effectif de 854 CDI, sans compter les 265 CDD (en équivalent temps plein, donc plus de monde concerné que ce chiffre ne l’annonce !).



Oui, Alain de Pouzilhac et Christine Ockrent ont menti. Mais dans toute cette affaire, les mensonges et les erreurs sont chose courante. Revenons un peu en arrière.
Les magouilles du pouvoir
Chirac voulait sa télévision internationale avant de quitter le pouvoir : le 6 décembre 2006, France 24 est née. Cette télévision publique entame un partenariat privé avec le groupe TF1, qui mise 17500 €, pour 50% des parts. En 2008, TF1 veut quitter le navire et réclame 90M €. Finalement, le groupe n’en tirera « que » 2M€ ! Il empoche donc quand même un joli pactole – plus de 113 fois la mise -, qu’il pourra réinjecter par la suite dans LCI, chaîne tout info du groupe, et concurrente de France 24.




Quand Sarkozy arrive au pouvoir, il veut reprendre en main l’audiovisuel extérieur - France 24, TV5 et RFI - et donner à France 24 les moyens d’exister. Pour ce faire, une holding sensée réunir les trois entités est créée en avril 2008.
D’abord, on l’appelle France Monde ; mais pas de chance, on se rend compte plus tard que ce nom est déjà pris. Alors, on la nommera Audiovisuel Extérieur de la France. Si AEF ne vous rappelle rien, il est probable que les auditeurs africains de RFI se souviendront de l’Afrique Equatoriale Française…
Surprise : son PDG, nommé par Sarzozy, est Alain de Pouzilhac, qui est déjà PDG de France 24 (et accessoirement président du conseil de surveillance des casinos Moliflor - renommés depuis Joagroupe - !).



La nomination de la directrice générale de l’AEF et de RFI, Christine Ockrent, donne lieu à un nouvel épisode croquignol : RFI était jusque là sous la tutelle du ministère des affaires étrangères (MAE). Mais la reine Christine est aussi la femme de Bernard Kouchner. Pour faire taire les critiques, RFI passera alors sous la tutelle de la direction des médias (DDM) qui dépend de Matignon.
Même Didier Mathus, qui n’est pas un dangereux révolutionnaire, mais député et rapporteur de la commission Audiovisuel Extérieur pour la loi de finance 2009 à l’assemblée, l’écrit : « La nomination de cette dernière a suscité des commentaires étonnés ou incrédules, en France comme chez nos partenaires, en raison des liens qui l’unissent à l’actuel ministre des affaires étrangères. Cette nomination confirme que l’audiovisuel public français, qu’il soit intérieur ou extérieur, fait l’objet d’une exception souvent incompréhensible pour les regards étrangers. »
Pour quelques erreurs de plus
Un autre objectif inavoué de ces tractations est de financer France 24, qui souffre d’un manque de fonds et de réseau conjoints. En effet, le PDG de la petite télévision convoite l’argent et le savoir faire de RFI, mais également le réseau de diffusion de TV5-Monde, implanté solidement depuis sa naissance en 1983.



À la création de l’AEF, TV5 est intégrée arbitrairement dans le groupe au titre de filiale. Mais c’était sans compter avec les autres partenaires de la télévision francophone – le Québec (Téléquébec), la Suisse (RSR), le Canada (Radio Canada) et la Belgique (RTBF) – qui crient immédiatement au scandale. Résultat : TV5 ne sera finalement que « partenaire » au sein de l’AEF. Et les plus grands perdants de l’affaire sont probablement France Télévision et ARTE, dont les parts au sein de TV5 passent alors respectivement de 47% à 12%, et de 12% à 3%, au profit de l’entrée de l’AEF dans le groupe.



Et l’argent dans tout ça ?
À partir de 2009, la dotation budgétaire de RFI transitera nécessairement par l’AEF. Et pour ADP et la reine Christine, tout irait bien si on les laissait faire à RFI : licencier des personnels qualifiés et coûteux à cause de leur ancienneté, fermer 6 antennes en langues étrangères, couper les ondes courtes et moyennes, diffuser sur internet, permettrait de réduire sensiblement le budget de RFI… pour l’offrir à France 24.



Depuis leur arrivée à la radio, ils communiquent donc à tour de bras : le déficit budgétaire de la radio s’est accru : c’est la faute de la masse salariale !
Mais quand on regarde de plus près les chiffres qu’ils avancent, là aussi : mensonges !
Effectivement, RFI souffre d’un déficit financier car la dotation de l’état stagne depuis 3 ans, mais la plus grosse partie s’est creusée en 2006, quand TDF (alors privatisée) a renégocié un prêt antérieur octroyé par RFI, contraignant la radio, sur ordre des tutelles, à abandonner sa créance à hauteur de 9M €.
Et en 2008, si l’on en croit ADP, ce déficit se serait encore accru de 9M € supplémentaires. Mais qui était aux commandes alors ? Le duo de choc.
Certes, leurs salaires mirobolants (un million d’euros brut annuel avec les charges sociales pour les deux compères, source DDM, citée dans Bakchich info) sont payés par l’AEF. Mais d’où vient alors ce mystérieux déficit ? Seraient-ce les indemnités de départ de l’équipe précédente (Antoine Schwartz, Jean Claude Benoist et consorts) ? Impossible de le savoir, les arrêtés des comptes n’ont pas encore été produits.


L’audience est faible ? Erreurs stratégiques et mauvaise qualité des programmes
Pour le gouvernement actuel et ses supporters, depuis la chute du mur en 1989, il n’y a plus de dictatures, mais des clients potentiels. Pourquoi, dans ces conditions, continuer à émettre en ondes courtes ? Coupons la radio, Internet suffira bien pour la Chine, l’Iran ou la Russie. L’objectif est de communiquer avec les pouvoirs en place pour négocier des contrats, mais ni de parler aux populations locales, ni de retransmettre leur parole.
Les directions précédentes - et avec elle les directeurs qui sont toujours en place - aux ordres des tutelles, auraient donc failli à leur mission ?
Mais heureusement, ADP, ancien PDG du groupe Havas (toujours en procès contre celui-ci, bien qu’il ait reçu la légion d’honneur pour « service rendu à la France » à la tête d’Havas) est là… et vendre, c’est son « spécialisme » !
Pour justifier la refonte des programmes au début du mois de janvier, la direction de RFI communique à tour de bras sur les mauvais chiffres des audiences dans le monde entier, mais les chiffres qu’elle donne sont anciens (2005) et/ou improuvables. D’abord, ADP parle en parts de marché, ce qui est inadéquat dans la plupart des pays en développement, ensuite, les chiffres cités semblent sortir de son chapeau : on ne voit jamais les sondages et lui-même admet qu’ils sont datés !
Mais communiquer est le maître mot de la direction : le lendemain de la manifestation réussie des salarié-e-s, le 22 janvier, ils sortent à point nommé un communiqué sur la chute d’audience à Paris : la seule ville de France qui reçoive RFI en FM serait-elle donc devenue le cœur de cible ?
« RFI coûte cher », disent-ils. Mais avec ses 44 millions d’auditeurs en 19 langues pour un budget de 132M € en 2007, la 3e radio mondiale, après la BBC et la Voice Of America, est la radio est la moins chère du paysage international.
Bilan : des salarié-e-s au bord de la crise de nerfs…
Après 6 mois de communication destinée successivement à les déprimer et à les intimider, les salarié-e-s de RFI sont aujourd’hui directement menacé-e-s. Non seulement la direction piétine leurs compétences, mais elle leur ment sans discontinuer, et ils/elles en sont fâché-e-s, très fâché-e-s.
Pourtant, ADP passe régulièrement serrer les mains dans les rédactions.
Mais cela compense-il le coup de semonce envers un journaliste impudent qui a laissé Noël Mamère dire ce qu’il pense ? Cela compense-t-il l’angoisse qui règne dans les rédactions, où les chefs de services ont déjà commencé à faire leur marché, prévenant les salarié-e-s que des (leurs ?) postes vont disparaître ?



Pourtant, l’équité règne, tous les services sont menacés par les licenciements : rédactions en français, en langues étrangères, services techniques, gestion, affaires internationales, drh…
Mais les salarié-e-s ont décidé de relever la tête. Ils étaient quelques 450 à crier « Pouzilhac démission » à la manifestation du jeudi 22 janvier. Le comité d’entreprise et les syndicats rattrapent à toute allure les 6 mois pendant lesquels la direction a travaillé dans leur dos.
Ils se mobilisent, oubliant les querelles de chapelle, pour faire vivre l’idée d’une radio multiculturelle qui parle à toutes et à tous, sans distinction d’argent ni de classe sociale.
Dans les dictatures du monde entier, quand la presse est menacée, RFI est la voix qui raconte ce qui se passe ailleurs. Une voix qui passe par le média le moins cher (tout le monde possède un transistor), et qui atteint les endroits les plus reculés : la radio. On peut museler internet, fermer des FM, mais on ne peut pas arrêter les ondes courtes.
Alors, pour que RFI vive libre :
– Non au démantèlement de la radio
– Retrait du plan social
– Non aux suppressions de postes
– Maintien de toutes les langues
– Défense du service public
… Ni dupes, ni soumis-e-s !
Le renard noir

(Hélène Maurel)