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Introduction

Article mis en ligne le 17 janvier 2023
dernière modification le 15 janvier 2023
  • OUVERTURE

A partir d’un double et triste constat : la perte des repères de base dans la pensée politique et l’arrière-fond de l’agir (la militance étant une maladie sénile et juvénile d’une pensée en déclin), il nous apparaît nécessaire de remettre les « yeux en face les trous » de mémoire et du savoir.

D’abord, l’anarchisme, depuis ses lointaines origines (an-archontes grecs), a toujours côtoyé les grandes mouvements philosophiques et religieux de son temps. Isoler l’anarchisme dans une bulle a-théorique et le cantonner à la participation exclusive aux luttes nécessaires engendre un risque terrible de dérives (souvent violentes, parfois romantiques et sympathiques) et de déclin.

Certains slogans, comme « Tout est politique » et le centrage sur des disputations sectaires ont sclérosé les concepts et les idées tout faites. De plus, les pièges des instruments numériques à notre disposition (pour ceux qui ont cédé à la fascination de la petite boîte munie d’un écran devenu tactile en attendant les applis sèche-cheveux ou congélo) encouragent une paresse intellectuelle accompagnée d’une baisse du QI et de la criticité. Certains utilisent encore les dictionnaires et les encyclopédies dont la lecture impose un temps « spécifique » de concentration et de réflexivité sur les textes. « Sous les pavés, la plage » disait-on au siècle précédent. « Sous les mots, le piège à cons », la pensée libertaire gagnerait à méditer l’adage.

L’Encyclopédie anarchiste sous la direction de Sébastien Faure (1930 – 1934) représente un énorme travail théorique, de pluralisme et d’organisation sans l’aide de l’informatique. Notre but n’est pas de rivaliser avec ce monument, mais de relancer et de participer à sa perpétuation.
A lire les publications anarchistes actuels, je constate plusieurs écueils :

  • Le nombrilisme crispé sur des positions théoriques, achétypées selon les sectes : la machine à penser tourne en boucle.
    – La prolifération plumitive des thésards et doctorants de troisième cycle dont le narcissisme intellectuel se satisfait à soi-même, ce qui génère une « coupure » entre la tête et les mains. Où sont les Sébastien Faure d’aujourd’hui ? Nous les retrouvons dans les rédactions des revues et sur les plateaux médiatiques
    – L’action pour l’action, violente de préférence, semble le crédo d’une avant-garde ayant perdu ses racines et surtout déconnectée des transformations en profondeur de la société. Le terrorisme de type « Fraction armée » et même l’écoterrorisme en vogue servent de cache-sexe à une pensée creuse.
    – Les ravages des dérives langagières post-derridiennes et le wookisme cantonnent les luttes dans l’écriture inclusive et les dérives des campus américains, ces néo-ghettos branchés.
    – Les interconnexions « action / réflexion » ont perdu leurs repères, la « fabrique des crétins » [1]a contaminé la sphère gauchiste. Enfin, la consommation heureuse sert d’antidépresseur.

Il me semble indispensable de revenir à une pensée libertaire incorporant les transformations radicales de la société (surtout sa prodigieuse capacité à réifier* ses oppositions) et les pertes énormes de connaissances basiques (merci l’Éducation (?) Nationale) en reprenant à la source les idées et les concepts issus de l’histoire et la pensée philosophique des origines à nos jours.
Projet prétentieux, démesuré, mais dans la tradition de l’Encyclopédie anarchiste.

« Qui-suis-je ? » pour oser jeter cette bouteille à la mer ? D’abord, un ex de la JOC, puis un candidat libre (tout en exerçant des petits boulots) au funeste bacho, suivi d’une incursion à l’université section philo. La présence des déconstructeurs issus de la rue d’Ulm et ayant reçus l’onction derrido-heideggérienne me firent fuir les catacombes de l’académisme post-soixante-huitard. Je suis donc fièrement un dés-agrégé de l’université. Un service civil me permis de participer activement à la Scoop Libraire-Bazar-Coopérative sise rue des Veaux à Strasbourg. J’y ai découvert un métier, les luttes intestines entre sectes gauchistes, l’engagement authentique d’individus de tous âges, l’affairisme magouillard de certains. Suivit une carrière professionnelle de réceptionniste à directeur commercial d’une maison d’Edition universitaire. Situation qui me permit de suivre attentivement la production intellectuelle et les crises successives qui secouèrent le monde et particulièrement celui de l’édition.

Laissons aux diplômés la muséographie et l’histoire de la philosophie. Il n’est pas obligatoire de lire les classiques bien qu’un peu de prégnance gréco-juive permette de fixer des repères et de ne pas inventer le fil à couper le beurre. La « docte ignorance » peut s’appuyer sur une prudence en plongeant de temps en temps dans les œuvres. Simone Weil (1909 – 1943) par sa formation classique (Normale Sup, agrégation) illustre parfaitement par son engagement cette approche de la philosophie « enracinée » dans le monde et non enfermée dans le ghetto de l’enseignement et de la pensée sorbonnarde. Grâce à un engagement politique et un travail comme ouvrière, elle dénonce très vite le discours révolutionnaire comme une idolâtrie, leçon qu’elle tire de sa présence au sein d’un groupe anarchiste pendant la guerre civile d’Espagne.

N’oublions jamais que toute pensée s’inscrit dans un contexte ; celui de la Grèce, baigne dans l’esclavagisme et la gynéphobie comme mode de production. Toute l’histoire de la philosophie doit se lire au prisme de sa contextualisation. Depuis la révolution industrielle, cette évidence frappe toutes les pensées « libératrices ». Le Capital génère ses propres théorisations (libéralisme, étatisme, nationalisme…) et utilise les forces d’opposition pour se renouveler. Les nouvelles armes du « totalitarisme gris » (celui de la matière grise, de l’intelligence soutenue par la machine numérique) rendent indispensable l’étude de ce double procès : action / philosophie.
Ces considérations iconoclastes ne répudient pas la philosophie dans « la grande poubelle de l’histoire », le tri des ordures reste une activité citoyenne et intellectuelle indispensable.

Le danger principal de l’enseignement de la philosophie est d’en faire une « discipline », un enseignement, parenthèse scolaire, souvent vécue comme pénible et inutile. Pourtant, réfléchir à son agir, son action, personnelle ou collective demeure un impératif « catégorique ». Patiner dans la semoule, « les deux pieds, les deux mains dans la m… » reste à la portée de toute le monde. Philosopher comporte, à un regard libertaire, une double nécessité : celle d’agir et de comprendre afin d’éviter les pièges de la réification (récupération avec recyclage).

L’anarchisme(s) et les anarchistes se définissent comme des militants, des femmes et des hommes d’actions directes, violentes/non-violentes ou par des actes de désobéissance civile. Cette dernière tend à devenir un fourre-tout, souvent synonyme d’impuissance et de verbalisme, pourtant, elle reste la voie de la réfraction (refuznik) la plus radicale qu’il soit : refus de l’impôt, de l’E-pad, de la carte d’électeur, de l’« incorporation » à un mode de production et de domination. L’armée de métier a fait disparaître l’insoumission et l’objection de conscience. Ce n’est pas un parti d’« Insoumis de salon boboïsés » qui remplacera les actes forts de désobéissance individuelle et collective.
L’anarchiste sait combien est difficile la vraie radicalité.

Philosopher, c’est penser son agir, agir c’est philosopher en "pleine conscience", comme les bouddhistes avertis. A partir de cette aporie, tension fondatrice, s’articule une praxis, une pensée agissante doublée d’un agir construit sur une pensée, une philosophie. Séparer les deux termes signale une « maladie infantile » propre à la politique de bas de gamme. L’anar n’est pas un gamer, un joueur câblé à un cerveau numérisé.

Tout débute par une conscience face à une situation, l’égologie stirnérienne (« j’ai bâti ma cause sur d’autre que moi ») ouvre, à la suite de Descartes (« je pense, donc je suis »), un espace capable d’affronter l’extériorité. La phénoménologie husserlienne approfondit le travail théorique tout en s’attaquant, dès le début du XXième siècles, à « La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale », plus connue sous le nom de Krisis (1935-1936) [2]

Agiter le drapeau de la révolte n’exonère pas de penser les fondements de sa révolte. Dans l’Homme révolté, Camus dresse un premier portrait. Par définition, le libertaire garde toujours un œil critique sur son action et celles des sectes environnantes.

Comme toute activité intellectuelle ou manuelle, la philosophie requiert un apprentissage accessible à tous. On n’utilise pas un tour ou une dégauchisseuse sans un minimum de familiarisation à l’interface technique. Il en est de même avec la philosophie.

  • CONSEIL ET METHODE DE LECTURE

La lecture des textes philosophiques peut rebuter : style, vocabulaire, référent, allusion, sens d’un mot différent selon les auteurs. Bref, de quoi effrayer la bonne volonté de tout à chacun. Une solution permet de pénétrer lentement dans le labyrinthe des textes philosophiques.

    • Choisir un titre court d’un auteur classique de n’importe quelle époque. Prendre un cahier pour noter les différentes couches de lecture et de compréhension. On peut utiliser plusieurs couleurs de stylos. Démarche à suivre :
  • 1 – Numéroter la note en marge du livre.
    2 – Rechercher la définition du mot avec s’il le faut ses variantes et la noter dans le cahier avec le même N° qu’en marge du livre. (On peut chercher l’étymologie ou le mot grec ou allemand, anglais concerné).
    3 – Résumer la phrase ou le passage lu.
    4 – Faire un commentaire personnel ou noter les travaux déjà faits sur ce passage.

La méthode peut paraître longue et fastidieuse, mais rien ne presse. Très rapidement, le vocabulaire et le style de l’auteur devient familier. Au fur et à mesure de la progression dans le texte, la pensée de l’auteur s’éclaire, les contradictions éventuelles sautent aux yeux et l’argumentation devient intelligible. Avancez par petites étapes et progressivement le vocabulaire philosophique et celui de l’auteur se fixeront. La familiarité avec la philosophie est au bout du chemin qui celui-ci ne même pas nulle part (Heidegger).
Il est possible de constituer une table des abréviations personnelles.

Bonne lecture.

    • Seconde méthode, choisir un thème familier ou à découvrir puis lire les ouvrages de références mis à disposition par les éditeurs :
  • – QSJ ? (Puf) comporte de nombreux titres d’initiation.
    – GF Corpus offre l’avantage d’une présentation du sujet avec les extraits des philosophes ayant abordé le thème. En fin d’ouvrage, l’éditeur fournit un vade-mecum précis et une bibliographie. Cette collection destinée aux classes de terminales ou de prépa peut servir de bibliothèque d’initiation. Plusieurs dizaines de titres disponibles.
    – Chemins Philosophiques (Qu’est-ce que …), Vrin, (même format que QSJ ? ,128 pages), propose une analyse plus technique accompagnée de deux ou trois textes commentés.
    – Philosophies (puf, 128 pages) approfondit un thème, à recommander en seconde lecture.
    – Philo-notions, Ellipses, pagination et prix variable, est d’un bon niveau scolaire, avec des textes commentés et un petit glossaire. Cet éditeur propose plusieurs collections, la consultation de son site sera très utile.

– N’hésitez à vous équiper d’une histoire de la philosophie (ex : Bréhier collection Quadrige, puf) ou de dictionnaires, puf offre un grand choix en format poche / Quadrige avec un rapport qualité/prix imbattable. Visiter le site de l’Éditeur.

  • LE PROJET
    Chaque entrée correspond à un terme marqué d’une étoile * dans les articles signés R-D M ou D. Morel. Deux niveaux de traitement :
    – Une définition classique fidèle au canon académique : livres, dictionnaires, encyclopédie. Certain concept, par exemple Philosophie ou métaphysique, nécessitera un développement plus au moins long.
    – Les commentaires, critiques ou les données complémentaires et contradictoires seront notés entre crochets : [1] dans la première partie et reportés en fin d’article afin de ne pas alourdir la lecture. Des notes de bas de page apporteront des précisions utiles à la compréhension.
    – Des abréviations et des signes serviront à alléger l’écriture et la lecture.

TERME Commentaires
§ Signifie la terminaison « té » §
/ Ce signe en fin de mot signifie « isme » ex : K/ = Capitalisme
& Mot terminant par « Tie » &
= Ce signe signifie en fin de mot « tion », « ion » =

Ex :

Absolu* Ab
Absolutisme* Ab/
Anarchie* Ae
Anarchisme* A/
Anarchiste* Anr
Anarque* Aq


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