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Christiane Passevant
Madame B. Ma seconde mère
Daniel Prévost (Cherche midi)

Article mis en ligne le 8 juillet 2012
dernière modification le 4 juillet 2012

Un dernier geste d’au revoir à Madame B., une dernière image de la vieille dame à « l’ombre du cerisier de sa cour [qui] la protège du soleil de juillet », l’homme se retourne encore une fois comme pour imprimer la vision de cette figure maternelle choisie dont il pressent déjà l’absence douloureuse.
« Un jour, j’écrirai un livre pour elle. »

Madame B. Ma seconde mère.

Il se souvient, Denis… « Le premier signe extérieur d’affection, hors du champ familial, ce fut d’elle qu’il le reçut. Mais n’est-ce pas exagéré ? Le temps n’a-t-il pas embelli les souvenirs ? »

C’est ainsi que commence le récit de Denis qui, adulte, retourne à son enfance pour retrouver la « petite histoire de Madame B. », celle qui l’a toujours appelé « mon petit » et lui offrait des buvards et des crayons de couleur lorsqu’il apportait, très fier, le cahier de roulement de la classe.
Le récit se déroule, par petites touches, comme se déroulerait un fil d’Ariane personnel, intime, depuis la petite enfance jusqu’à l’adolescence, pour comprendre… Mais comprendre quoi ? Les silences ? L’absence et le déni d’existence du père ? Les non dits ordinaires des adultes qui jalonnent la vie de l’enfant ? Pour le protéger sans doute, mais sans comprendre que ces silences effacent des repères que l’enfant devra (re)construire.

Et puis finalement, Denis finit lui aussi par passer sous silence ce qui l’embarrasse ou bien encore ce qu’il désire garder secret et se refuse à partager. Le monde onirique qu’il s’invente par exemple, auquel
Madame B. participe sans peut-être l’imaginer.

Trois femmes, opposées par la culture, trois femmes habitent l’univers de l’enfant : sa grand-mère et sa mère, et Madame B., la directrice de l’école primaire qui le considère comme son filleul. Sa grand-mère est une paysanne qui l’emmène à la Foire du trône, sa mère travaille et n’a guère
de temps à partager avec lui, et il y a « Madame B. [qui] a accepté son comportement fantasque, étonnant, curieux, dès le début de leur
rencontre » ; elle lui fait aussi découvrir Nerval, la littérature, un autre monde…

Denis observe… les proches, sa famille, les voisins… Et saisit très vite qu’il est différent, ou plutôt qu’il est regardé comme différent. C’est un mot, une phrase prononcée devant l’enfant sans que l’on tienne compte de son écho et de ses conséquences.

Madame B. Ma seconde mère. Un récit comme une quête de soi, entre émotion et recul, entre passé et presque présent… Un récit comme une nouvelle rencontre de tous ceux et toutes celles que Denis a croisé.
Il se souvient qu’adolescent, il a connu des anarchistes, que l’idée d’un monde nouveau l’attirait, « Un monde où il aurait un vrai père »… La Catalogne libertaire, la révolte des Asturies, le massacre de Guernica, il s’approprie [alors] tous ces événements. Il en fait sa guerre juste et non vécue. Il s’imagine espagnol dans une autre existence ! »

« L’Espagne imaginaire devient son autre famille. Son re-père. […] Il marche dans le désordre journalier d’une vie bancale. […] Il manque une pièce maîtresse au puzzle de son existence. » Et la question revient, récurrente, sur cette pièce manquante, au secret de sa naissance et au pourquoi de ce silence qui ne sera rompu par aucune des trois femmes…

Madame B. Ma seconde mère, un récit personnel, mais aussi une peinture sociale et — comment dire ? — une esquisse des mentalités.

Alors, j’ai envie de dire… Merci infiniment… Daniel Prévost.