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Jacques Langlois
Des causes de la crise
Les Editions Libertaires
Article mis en ligne le 17 janvier 2010

Modèle libéral et projet proudhonnien

Bases anthropologiques du libéralisme et du proudhonisme

CE QUI EST EN JEU, c’est la conception même de la !"ulle ® nature de l’homme dans les relations entre l’inné et l’acquis. Le libéralisme est fondé sur un inné, une nature donnée et intangible, ayant en outre des caractéristiques spéciales dans le fondement des dispositions des hommes à se conduire et dans, évidemment, la nature des relations qu’ils peuvent entretenir entre eux, dans tous les étages de la vie sociale, du rapport à soi-même, à la relation avec l’autre de proximité (intersubjectivité), à l’autrui généralisé jusqu’au genre humain. Dans cette nature universelle, il y a le caractère irréductible du moi individuel intéressé, pos¬tulé par le libéralisme, lequel cherche en permanence la maximisation de son bonheur, de sa satisfaction en procé¬dant à « un calcul des peines et des plaisirs » qu’il peut attendre des situations dans lesquelles il est impliqué. Ainsi, l’intérêt personnel, en tant que satisfaction recherchée et attendue, devient-il chez les libéraux le moteur des conduites humaines et le ressort principal de la relation à soi-même et aux autres. Tout rapport social est mis sous la dépendance des attentes de l’individu en termes de satisfaction qu’il peut en retirer. Ce n’est pas forcément du bon vieil égoïsme car l’intérêt (prestige, reconnaissance, iden¬tité généreuse, honneur reçu en retour) ainsi conçu peut avoir aussi des motivations altruistes. Il n’en reste pas moins que l’absence de satisfaction, qui est la définition classique du désir comme manque, est à la base des interprétations libérales. C’est à l’opposé de ce que pensait Spinoza pour lequel le désir est la vie, la pulsion de vie comme dirait Freud. Pour Proudhon, le désir est présent comme motivation humaine, comme recherche de finalités et de buts que l’on ne peut atteindre qu’ensemble. Spinoza raisonne en termes de puissance de vie, d’élan vital (le « conatus ») qui implique que tout être veut persévérer dans son être. C’est ce qu’a redécouvert Proudhon.

Malheureusement pour eux, les libéraux utilitaristes ont ajouté à l’intérêt (ou à l’utilité des rapports avec les autres, le mot utilité étant devenu le slogan de l’économie néolibérale et marginaliste) le calcul, la rationalité, la inesurabilité tant pour l’individu que pour le collectif pour lequel il faut « maximiser le bonheur du plus grand nombre » (Bentham).

La recherche de la quantité a produit « l’homme sans qualité •>, ce qui oblige Musil a changer son fusil d’épaule. Or cet ajout invalide la thèse de ce que l’utilité peut aussi être fondée sur des motifs d’altruisme ou du don, c’est qu’il est spontané, non calculé et sans espérance de retour en bonne et due forme.

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