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Albert
Ça chauffe en Nouvelle-Calédonie ?
Article mis en ligne le 13 mai 2008
dernière modification le 29 avril 2008

Oui mais pas plus qu’ailleurs, pas moins non plus. Ce qu’il y a de sûr, ce n’est pas encore la révolution.

L’événement qui provoque des troubles : l’affaire Carsud. C’est l’histoire d’un employé qui a volé dans la caisse des transports en commun de la ville de Nouméa et qui a été licencié. Le syndicat USTKE a manifesté son désaccord devant le siège de la direction, armé de barres de fer.

Les militants se sont frottés aux forces de l’ordre. Affrontements assez sévères. Résultat, des manifestants sont arrêtés et mis en comparution immédiate et incarcérés. Depuis, plusieurs manifs sont organisées pour demander la libération des victimes du « colonialisme ». Ces vols dans les caisses des sociétés sont souvent la cause de tous les débordements.

De toute façon chacun imagine le scénario à sa façon. Il y a aussi toutes ces agressions de part et d’autre, syndicales et patronales, auxquelles s’ajoute la surenchère de la dramatisation. Ce syndicat expert en la matière jubile.

Les médias locaux et métropolitains jettent à pleins seaux de l’huile sur le feu. L’USTKE, premier syndicat local, dramatise à mort le moindre événement. L’administration française en rajoute toujours une louche. Tout le monde est gagnant. Chacun est le martyr de son camp.

Le syndicat indépendantiste a bien sûr tout à gagner de durcir le ton. (Davantage d’adhérents, donc de fric ; il veut rester l’interlocuteur privilégié, occuper par la pression et les menace, le terrain revendicatif, bref… régner en maître sur les pouvoirs administratifs et les travailleurs locaux.)

Ce syndicat ultracorporatiste cherche à provoquer par tous les moyens l’État français et ses représentants en Calédonie et ensuite à se présenter comme la victime du système colonial.

Apparemment c’est super pour un altermondialiste, mais regardons de plus près.

Les responsables syndicaux de l’USTKE (Union des syndicats des travailleurs kanaks et exploités), je les connais très bien depuis dix-huit ans pour les avoir eus dans mes pattes, principalement lors de la venue des boat people chinois dans les années 1990 (voir mes articles dans les ML de l’époque). Ils ont manifesté pour expulser 101 réfugiés chinois venus de Canton. Nous nous sommes opposés à eux sévèrement. Ils ne voulaient pas d’étrangers sur le territoire, ils exigeaient l’expulsion. Seuls les anarchistes de Calédonie et quelques religieux disaient non. Par l’occupation des bâtiments de l’aéroport international et de multiples manifs, nous avons réussi à empêcher le retour des refugiés en Chine.
Jospin avait cédé. Les Chinois sont restés.

L’USTKE nous a toujours reproché nos prises de position sur le terrain social. Nous nous opposons sur presque tout.

Qui sont-ils, ces militants purs et durs ? Des réformistes et des ultraconservateurs.

Ce syndicat est un mélange de staliniens, de cégétistes des plus rétrogrades des années 1950, des mafieux de toutes catégories prêts à toutes les compromissions pour du fric, une promotion, une meilleure baraque, un nouveau poste, très peu de trotskistes, pas de libertaires, mais une présence régulière de Bové. Le Che du Pacifique. Voyages et séjours plusieurs fois par an en Kanaky ? Bové, c’est le chéri du syndicat indépendantiste. Ici, il est à l’aise, tout le monde l’écoute. Il se la joue. Deux ou trois prises de parole incendiaires, et puis il s’en retourne. Mais la merde, elle, reste. Ici, son rôle, c’est d’exacerber les tensions. Les gros bras de l’USTKE lui servent de gardes du corps quand il se déplace dans Nouméa. Si en France il ne vaut plus rien à l’échelon politique, ici, c’est le dieu vivant.

Ce syndicat emploie souvent la force (cailloux, barres de fer) pour faire entendre ses revendications contre l’administration, les petites entreprises et les autres syndicats qui n’acceptent pas de céder au chantage. Il fait régner la terreur sur ses propres militants qui rechignent aux consignes des leaders. Les entreprises qui veulent la paix sociale doivent payer mano a mano. Les responsables politiques locaux et nationaux en profitent pour décrédibiliser cette bande d’agités et de mafieux et pour en tirer profit. Quel cirque !

Ce syndicat n’est pas révolutionnaire, tout juste réactionnaire. Manipulé par l’État, il est l’allié objectif des gros patrons, les grands bailleurs. Son ancien patron, Kotra Ureguié, est à la tête d’une entreprise locale où règne la paix sociale et dans le même temps c’est le président du Parti des travailleurs en Calédonie.

Au final, les Kanaks sont exploités, les travailleurs blancs et noirs et jaunes et multicolores sont exploités, les femmes se font casser la gueule par des connards de chefs kanaks.

Les véritables enjeux de la lutte pour l’indépendance sont mis de côté au profit de combats sans motifs véritables et sérieux. Qui s’insurge contre les cités dépotoirs où s’entassent Kanaks et Wallisiens ? En tribus, les Mélanésiens sont soumis aux grands chefs et aux petits chefs et les femmes sont les victimes des mecs. Silence des indépendantistes. À Nouméa, les travailleurs sans classification sont véritablement exploités, silence radio. Qui réagit face à la mainmise des multinationales sur le territoire ? Qui s’oppose au pillage des richesses en nickel par les groupes internationaux ? Qui parle de la pollution des côtes et de la destruction des mangroves par les boues de traitement du minerai.

Seules quelques associations tentent de réagir. Les chefs indépendantistes tendent l’écuelle et demande à l’État français la redistribution des richesses. En fin de compte, le maître et les dominés font bon ménage.

Débarrassons-nous de ces leaders d’opérette. La classe sociale plus que la race.

La lutte continue toujours en Calédonie. Il ne faut rien lâcher. Mais sachons qui est avec nous et contre nous. L’État français aime bien l’USTKE. L’État français est là pour faire respecter l’ordre capitaliste, les multinationales (Eramet, Falconbridge, Inco, les Brésiliens) exploitent sans vergogne le sous-sol de cette île.

Ne nous laissons pas endormir par le romantisme people de la race exploitée. Moi je m’en fous de désespérer le Billancourt kanak, même s’il y a la promesse de miettes à distribuer.

Ne laissons pas à d’autres (ces syndicats autoritaires, participatifs et corrompus) régler les problèmes à notre place. Ne cédons rien !

Battons nous ! Justice pour tous !

Albert