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Eduardo de Guzmán
La Mort de l’espoir
Article mis en ligne le 12 mars 2008
dernière modification le 1er mars 2008

Eduardo de Guzmán, éditions No Pasaran, février 2008, 250 pages, 12 euros.

À l’heure où les éditions Vosa Sl sont en train de rééditer en Espagne le travail incomparable d’Eduardo de Guzmán, les éditions No Pasaran publient pour la première fois en français une des œuvres majeures de la mémoire de la guerre civile espagnole intitulée La Mort de l’espoir.

L’auteur est un journaliste libertaire connu non seulement pour son engagement militant et ses reportages au cours de la période républicaine et de la guerre, mais aussi pour les analyses postérieures qu’il livrera au lendemain du franquisme et qui feront autorité sur la situation politique de l’Espagne. Mais ça n’est pas de cela dont il est question dans La Mort de l’espoir.

L’auteur nous décrit plutôt comment les Madrilènes se jettent spontanément dans la rue, faisant de leurs poitrines nues une muraille contre les armées franquistes. Il nous montre comment un peuple insurgé, sans chefs ni leaders providentiels, sans armes ni argent, va affronter les unités militaires les mieux équipées et les plus expérimentées d’une armée de métier et offrir ainsi au monde la première défaite des troupes de choc de Hitler, de Mussolini et de Franco. C’est plutôt de cela dont il est question. Comment un mouvement libertaire d’un total de près de 2 millions d’adhérents fondé sur l’entraide et l’abnégation a su, malgré la pusillanimité d’un gouvernement légal, qui au lancement du conflit était même prêt à négocier avec les putschistes, contribuer dans l’auto-organisation à la plus haute expression de la citoyenneté.

Les écrits de Guzmán dérangent, car ils mettent en évidence les hésitations et les tergiversations des gouvernements pris dans les querelles de partis, entre, d’un côté, les républicains et les socialistes modérés et, de l’autre, tout le reste des forces de gauche. Les premiers craignant qu’en armant le peuple ils ne déclenchent une révolution beaucoup plus difficile à réprimer que l’insurrection militaire en cours ; les autres considérant que les travailleurs organisés par les deux grandes centrales syndicales que sont l’UGT et la CNT sont les seuls qui puissent encore sauver la République. La révolution pour gagner la guerre, ou gagner la guerre pour faire triompher la révolution ?
C’est tout cela que raconte La Mort de l’espoir.

La première partie dévoile heure par heure les quatre premiers jours de l’insurrection antirépublicaine. Le texte débute à Madrid avec l’annonce du soulèvement militaire. D’emblée, l’auteur nous plonge dans l’expectative dans laquelle se trouve l’Espagne aux premières heures au moment où les rumeurs les plus folles se mêlent aux véritables informations. On vit les premiers instants de l’agitation populaire et, en même temps qu’on voit se mettre en place l’organisation de l’autodéfense des quartiers de la ville, on comprend la dissolution du gouvernement républicain. On assiste enfin à la prise des casernes de la Montaña et de celle de Campamento ainsi qu’au départ des miliciens vers le front.

Dans la seconde partie, ce sont les cinq derniers jours du conflit qui nous sont contés. Eduardo de Guzmán nous fait vivre les dernières heures de Madrid précédant l’entrée des troupes de Franco, l’organisation de la douloureuse évacuation des républicains vers la côte, le doute et l’angoisse qui habitent près de 20 000 d’entre eux sur les quais du port d’Alicante. Pour finir : la torture de l’attente !

Mais, comme l’écrit Rafaël Cid, collaborateur à Rojo y Negro, dans l’introduction à la présente édition qu’il a bien voulu signer : « Ce qui différencie La Mort de l’espoir des autres magnifiques témoignages de ce tragique épisode qu’a connu l’Espagne, c’est qu’on a l’impression de vivre les événements, d’être au cœur de l’action ; Guzmán prend ses notes à chaud et les organisera plus tard pour construire l’œuvre qu’il nous livre ici. Ce style direct est celui d’un témoin à charge de la cause des insurgés, condamné à mort par les tribunaux militaires. Voilà pourquoi, quand tant d’anciens staliniens se donnent l’air d’historiens et s’emploient à faire vivre le cliché éculé des “masses irresponsables”, se plonger dans les pages du récit d’Eduardo de Guzmán suppose revendiquer des émotions plus nobles, authentiques et héroïques qui montrent de quoi sont capables les êtres humains lorsqu’ils se reconnaissent comme tels et qui luttent, main dans la main, pour la liberté et contre l’injustice. »

Kaocen