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Nous contre Eux : une Logique de Polarisation
Article mis en ligne le 14 novembre 2007
dernière modification le 6 novembre 2007

Les grandes attentes suscitées par le pouvoir exécutif du pays et leur matérialisation insuffisante, à l’exception des programmes d’assistance des Missions, la domination charismatique d’Hugo Chavez commence à montrer des signes d’érosion, malgré les 7 millions de votes qui l’ont réélu. Sa première période présidentielle a été caractérisée, entre autres facteurs, par une forte polarisation politique qui a créé les conditions favorables à une dynamique de subordination électorale. Cette loyauté inconditionnelle a persisté à cause de la réitération continue d’une logique binaire : un « nous » révolutionnaire, patriotique et bolivarien pour les « bons » ; contre un « eux », l’impérialiste, le contre-révolutionnaire, le traître dans le rôle des « méchants ». Toute opposition est interprétée comme une manipulation de l’ennemi étranger (l’impérialisme) face auquel une hypothétique confrontation exige la perpétuation de l’unité et de la loyauté. Ce raisonnement modèle non seulement le dialogue avec « l’autre » mais aussi les échanges au sein du « nous », subordonnés à la volonté du leader. Le débat autour de la construction du « Parti Socialiste Unifié » en est une illustration.

La rhétorique de l’exécutif a capitalisé sur le ressentiment à l’égard de la distribution des richesses et du pouvoir durant les quarante années de démocratie qu’a connues le pays. Les actions sur la forte volonté de changement suscitée pendant les années 80-90 ont profité des prix élevés du pétrole et d’une politique fiscale agressive qui ont assuré au gouvernement des revenus parmi les plus hauts qu’ait connu le pays. La timidité des avancées sur les questions sociales ne correspond pas à la manne financière qui s’infiltre à peine dans les secteurs populaires alors qu’elle enrichit toujours plus les élites. Au fil du temps, l’amour, même sous sa forme bolivarienne, ne peut pas supporter trop de promesses non tenues.

Jusqu’ici les protestations populaires ont eu certaines caractéristiques. Elles ont été pour une large part l’oeuvre d’acteurs formés sous l’influence du « processus » et sans expérience politique préalable- ce qui est dû en partie à la substitution et à la cooptation du tissu social depuis 1998. Comme l’écrivait Max Weber, la domination charismatique signifie que la figure présidentielle incarne des attributs magico-religieux et une prédestination historique. Les contradictions et les défauts du gouvernement sont attribuées aux simples limites de ses fonctionnaires. Les manifestants se mobilisent contre des ministres, des maires, des gouverneurs, des agents de la police et de l’armée, mais pas contre le président pour l’instant. En outre, afin de bien se distinguer des « autres », ils clament d’une manière ou d’une autre leur appartenance au « nous ».

Au fur et à mesure de la centralisation du pays, la majorité des protestations ont eu lieu ailleurs qu’à Caracas, ville où la manne budgétauire est plus importante et plus accessible. L’exécutif sait qu’une manifestation dans la capitale, quelle que soit sa taille, est exponentiellement plus visible que si elle a lieu en province, ce qui explique les efforts pour diminuer ces manifestations à Caracas.