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Dominique Le Géuitancorétoujour
G8 : Récit et analyse des journées d’Heiligendamm
Article mis en ligne le 30 juin 2007
dernière modification le 27 juin 2007

Une courte analyse des journées d’Heiligendamm...

Ce n’était plus arrivé depuis la naissance du mouvement altermondialiste à Seattle en 1999 : les opposants au Sommet du G8 ont réussi, mercredi, à bloquer de manière effective tous les accès terrestres menant à la conférence des chefs d’Etat. Cette « victoire » marque-t-elle le renouveau d’un mouvement altermondialiste en perdition ?
La grande manifestation unitaire du samedi 2 juin n’avait pourtant pas connu le succès espéré. Quelques 80000 personnes se sont rassemblées à Rostock, alors que les organisateurs en attendaient plus de 100000. On était loin des grandes mobilisations de Gênes ou de Florence. Comme souvent, de violents affrontements ont opposé « black bloc » et police en fin de manifestation. Seulement, à Rostock, il est difficile de parler d’une infime minorité de casseur. Les deux blocs noirs rassemblaient près de 15000personnes, soit une part importante de la manifestation.

A la suite de ces événements, l’éternelle discussion autour des violences repart de plus belle : faut-il se distancier du « black bloc » ou faut-il être solidaire avec lui ? Attac tranche le lendemain dans la presse, en condamnant toute forme d’action violente. Des voix s’élèvent alors contre cette prise de position qui ignorerait les violences policières gratuites et qui, en excluant le « black bloc » s’arrogerait le droit de décider qui fait ou non partie du mouvement. Dans les camps, Attac se retrouve marginalisée, elle n’est plus le point de flexion qu’elle a pu être il y a quelques années. Est-ce dû à sa position moins importante en Allemagne qu’en pays francophone, ou assistons-nous à une transformation du mouvement altermondialiste ?
On peut en tout cas parler aujourd’hui de radicalisation. En effet, si la grande manifestation a rassemblé moins de monde que prévu, les camps autour de Heiligendamm ont été pris d’assaut : près de 20000activistes sont restés durant toute la semaine d’actions. Le nombre de « campeurs » a largement dépassé les attentes des organisateurs. Ils sont venus de toute l’Europe, ont vécu en communauté pendant quelques jours et ont mis en pratique leurs utopies égalitaristes, solidaires et autogestionnaires.

Dans les camps, des entraînements aux blocages permettent d’enseigner la tactique à laquelle la coalition Block G8 réfléchit depuis un an et demi. Il s’agit de profiter de la campagne environnante pour déjouer les barrages de police et atteindre les routes qui mènent à l’entrée de la « zone rouge ». La tactique prévoit d’étendre la police sur des kilomètres et de profiter des trous. Block G8 est clair : le but est d’atteindre les points de blocage de manière pacifique.
Le mercredi 6 juin au matin, environ 15000personnes se mettent en marche. La foule est joyeuse, colorée. Arrivée au premier barrage de police, une partie passe, une autre est retenue par les matraques et les canons à eau. Mais la stratégie fonctionne. Les bonnes nouvelles circulent, et un sentiment de victoire envahit les militants : toutes les voies terrestres qui mènent au sommet sont complètement bloquées pendant des heures. Certains blocages tiennent plus de 24 heures, des milliers de manifestants dorment sur place pour garder les routes occupées.
Cette semaine d’actions réussie, dont les images des blocages pacifiques ont supplanté celles des violences du samedi dans la presse allemande, a atteint un objectif important à court terme : recentrer le débat qui s’était focalisé sur la sécurité, sur le pourquoi des manifestations.

Au-delà de l’étape de Rostock, l’avenir du mouvement de contestation est incertain. Si la tendance dessinée à Rostock se confirme, il sera moins rassembleur mais plus radical. Pourra-t-on encore parler d’altermondialisme, ou faudra-t-il parler d’anticapitalisme ? Dans tous les cas, il faut espérer que la victoire de Heiligendamm saura redonner un souffle salvateur à un mouvement de contestation dont la nécessité n’est plus à prouver.