Land commence par quelques citations :
David Graeber : « Il me semble que si l’on pousse ce raisonnement jusqu’à sa conclusion logique, la seule façon d’avoir une société véritablement démocratique serait également d’abolir le capitalisme dans son état actuel. »
Marina Sitrin : « Nous ne pouvons pas avoir la démocratie avec le capitalisme... La démocratie et le capitalisme ne fonctionnent pas ensemble. »
Il continue d’explorer le lien entre démocratie et liberté. Malicieusement, Il rappelle que le mot démocratie n’apparaît pas dans la Déclaration d’Indépendance (1776) ni dans la Contitution des États unis de 1789. Selon lui, les pères fondateurs de l’Amérique étaient sceptiques et inquiets à l’égard de la démocratie. Les auteurs de la Constitution ont voulu limiter le pouvoir de l’État fédéral. Ils affichaient une hantise face à la tyrannie de la volonté générale.
Les constituants concentrent leur volonté sur de Locke privilégiant le droit à la vie, la liberté et surtout la propriété.
La Constitution est un simple document structurel et procédural qui précise l’usage du pouvoir. Le gouvernement doit garantir les trois droits fondamentaux, la séparation des pouvoirs comme contrepoids du système. La Constitution sert à gouverner le gouvernement, et non le peuple.
D’autre part, la Constitution insiste sur les garanties dues aux citoyens. On assiste à une sacralisation des principes fondamentaux. Le périmètre de la liberté est concrètement défini sans recours à des idéaux futuristes.
Cette conception s’ancre totalement dans l’univers religieux ultra-protestant. La haine du pouvoir politique présente, elle est même à l’origine des récoltes paysannes Thomas MÜntzer
La démocratie émerge progressivement du modernisme consécutif à l’apparition du développement des techniques. Land considère ce bouleversement comme une " obscénité ". Cette position perdure dans la conception schumpetérienne qui affirme que " le capitalisme industriel tend à engendrer une culture démocratico-bureaucratique qui aboutit à la stagnation ". Cette maladie génère des progrès matériels associés.
Les bénéfices de l’industrialisation engendre en effet une démocratisation progressive. Bref, progrès => démocratie. Land renverse la thèse : " La démocratie consomme le progrès " . Selon le credo de l’illumination sombre, il faut avoir recours à une analyse parasitologique du phénomène démocratique.
En filant la métaphore, la démocratie serait le résultat du virus zombie qui attaque le corps social. La quarantaine s’impose. Il faut se désolidariser de cette société autophage. Les rétroactions amplifient les méfaits du virus.
La bienveillance, l’antidote de la démocratie zombie s’épuise en budgets à destination des personnes en situation de vulnérabilité. La zombiphobie sert à remettre en place le laissez-faire légitime malmené par la démocratie. La démocratie promeut le virus zombie jusque dans l’enseignement supérieur. Elle garantirait des zones réservées aux morts-vivants afin qu’ils ne soient pas victimes de patrons avides de profit et adepte de la performance et " animationnistes irréductibles ", c’est-à -dire traitant les individus comme des animaux.
Les néo-réactionnaires ne sont pas d’accord avec les autres : « Vous savez bien que ces politiques vont faire augmenter beaucoup la population zombie. ". Ces questions difficiles sont rejetées, ignorées, réduites au silence par la honte sociale souvent associée à l’extrême droite.
Les rescapés s’organisent. Certains choisissent le survivalisme, d’autres prennent leur passeport et leur valise.
Land parle de la Grèce antique. Zombiland dure depuis 2500 ans. Si on suit ce chemin, la zombification va mal finir. Il critique l’individualisme en disant : « Vous décidez de ce que vous faites, mais vous votez ensuite sur les conséquences. » Les systèmes de redistribution sont à la fois un remède et un poison.
Après deux siècles d’histoire et trente ans dans l’Union européenne, les Grecs ont accepté ce grand projet de changement social. La grécitude, c’est-à -dire la richesse, s’est mélangée à la mécanique démocratique européenne sous l’influence de la BCE, avant d’être complètement éliminée.
Nous vivons dans la meilleure forme de démocratie. Elle est proche de la perfection et suit le principe de « volonté générale ». Ce principe fait disparaître la réalité par des actes législatifs. Ces actes mélangent les taux d’intérêt allemands et des pays méditerranéens. La seule solution est de suivre le programme de l’Union européenne, même si cela implique de renoncer aux droits nationaux et des citoyens.
Ensuite, Land pose la redoutable question : qu’est-ce qui a mal tourné ?
Suit un passage délicat à résumer. La démocratie serait un " parasite mémétique optimal ", hautement contagieux, morbide et répugnant, une superpeste idéologique (sic). A côté : " le monothéisme vestigial ridiculisé dans The God Delusion ne serait rien de plus qu’un rhume modérément désagréable ". Il s’appuie sur les travaux de Richard Dawkins (voir la notice Wikipédia et la note ci-dessous.)
Lang s’inspire de la mémétique de Richard Dawkins, à la fois biologiste et philosophe attaché à la vulgarisation, auteur d’un retentissant, " le Gène égoïste " (1976), et de Pour en finir avec Dieu " (2006).
Dawkins utilise de le concept de mème inspiré du gène mais appliqué à la culture : un darwinisme culturel en quelque sorte. Le mème est un élément d’une culture transmissibles non génétiquement notamment par l’imitation. Ce serait un acquis transmissible sans passé par les gênes.
La mémétique ouvre un nouveau chapitre la théorie de l’évolution. Cette théorie semble proche de la mémoire collective d’Halbwachs qui consiste à attribuer une faculté mnémique à un groupe, une famille, une nation (?). La mémoire dépendrait également de ses " cadres sociaux ".
Ces deux conceptions permettent de mieux comprendre les phénomènes sociaux/individuels à la lumière d’un mécanisme qui confère au groupe une identité psychologique spécifique. L’exemple de la Nation illustre parfaitement cette idée.
Le mémétisme ne s’apparente pas à la ""mêmeté " de Heidegger ou de Lévinas qui reste dans le domaine étroit de la métaphysique pure (spéculative ?).
La mémétique s’applique également au vaste domaine de la représentation. On peut soupçonner la mémétique de s’approcher dangereuse de l’holisme. Toutefois, son rapport avec la sociobiologie reste hypothétique. La mimétique ne s’inscrit pas dans un darwinisme génétique et éthologique.
https://fr.wiktionary.org/wiki/mém...
https://fr.wikipedia.org/wiki/MémÃ...
https://fr.wikipedia.org/wiki/Richa...
Land détaille la généalogie de cette pensée dont il fait remonter l’origine à la tradition anglaise du XVII jusqu’au XIX èmes siècles. Malgré les influences religieuses qui sous-tendent ses analyses, Dawkins reste un athée radical, comme le souligne Land. Son radicalisme appartient à un athéisme spécifique, celui de la appartenance à l’anglo-calvinisme. Il est à la fois puritain, dissident et un non-conformiste évangéliste. Land démontre que sa pensée est cladistiquement liée aux sectes extrémistes anglaises.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cladi...
L’athéisme pure est une non-pensée, car chaque athéisme dépend de sa ramure idéologique d’origine. Malgré les influences religieuses qui sous-tendent ses analyses, Dawkins reste un athée radical, comme le souligne Land. Son radicalisme appartient à un athéisme spécifique, celui de la appartenance à l’anglo-calvinisme. Il est à la fois puritain , dissident, non-conformiste évangéliste. Land démontre que sa pensée est cladistiquement liée aux sectes extrêmistes anglaises. Si l’athéisme est l’enfant christianisme du christianisme (Ernst Bloch Atheismus im christianismus)
Land remarque que la pensée de Dawkins correspond parfaitement au noyau de la théologie des
Ranter, Leveller, Digger, Quaker, Fifth Monarchist de la période Cromwell.
│ Bienvenu dans l’enfer pavé de bonnes intentions des sectes.
-Rander. Terme anglais dérivé du verbe to rant (extravaguer) et désignant les membres d’un groupe issu du mouvement mystique des seekers et apparu à l’époque de la république d’Angleterre ou Commonwealth (1649-1660). Les Ranters forment l’extrême gauche des sectes qui sont entrées en importance au cours de la Révolution anglaise, à la fois théologiquement et politiquement. Théologiquement, ces sectes se situaient entre les pôles du calvinisme orthodoxe, qui met l’accent sur la puissance et la justice de Dieu, comme illustré dans le grand schéma de l’élection et de réprobation, avec son insistance sur la réalité de l’enfer dans toutes ses horreurs les plus littérales et sur le plus acceptation verbale et dogmatique de la Bible, et de l’antinomie qui met l’accent sur la miséricorde et de l’universalité de Dieu, son rejet de la loi morale, et avec elle, l’enfer dans tout, mais au sens le plus figuratif, et son remplacement par de l’autorité des Écritures en ce que de la lumière intérieure. Les Ranters poussés par toutes ces croyances, et parfois même un peu au-delà , leurs plus éloignés des conclusions logiques, qui, une fois sollicitée, bientôt traduits en conflit avec la loi et de l’autorité. La conviction que Dieu existait dans, et seulement dans les objets matériels et les hommes les conduit à la fois à un mysticisme panthéiste et un matérialisme grossièrement plébéien, souvent incongrue combinés dans la même personne. Leur rejet de la littéralité des Écritures a conduit parfois à une interprétation tout à fait symbolique de la Bible et à d’autres pour un rejet brutal et méprisant.
-Les Seekers, parfois traduit chercheurs, sont un groupe de dissidents anglais apparu vers les années 1620. La véritable origine des Seekers reste obscure, mais ils semblent être le produit d’une culture protestante anglaise en proie à un anti-formalisme radical. persécutés, ils émigrent à New York où ils fondent une société. Auparavant considérés comme hérétiques, ils deviennent dès lors considérés comme des humanistes favorables à la liberté religieuse. La transition vers le quakerisme s’est avérée inévitable pour de nombreux Seekers.
-Levellers. Les niveleurs (ou « Levellers », de l’anglais « to level » qui signifie « niveler » ; mot apparu en 1607 pendant une révolte agraire) étaient un groupe d’hommes qui se réunirent pendant la guerre civile anglaise (1642-1651) pour demander des réformes constitutionnelles et une égalité des droits devant la loi. Ils n’avaient pas de nom précis. « Leveller » était un mot injurieux trouvé par leurs opposants qui les accusaient de vouloir « niveler » la hiérarchie sociale. Leur doctrine inclut : la tolérance religieuse, le libre-échange économique, une extension du droit de vote, des droits garantis par une constitution écrite. Les idées des niveleurs furent répandues par les philosophes libéraux tout au long du siècle des Lumières ; elles ont notamment influencé les rédacteurs de la constitution américaine.
- Diggers, les Terrassiers (bêcheux, Piocheurs), proches des Nivellers, Il s’agit du plus ancien collectif de squatteurs connu à ce jour et considéré comme un des précurseurs de l’anarchisme moderne. Leur nom s’explique par leur croyance en une sorte de communisme chrétien, selon certaines lectures des Actes des Apôtres. Les Bêcheux tentèrent de réformer l’ordre social existant par un style de vie strictement agraire (refusant l’Enclosure Act : l’appropriation privée des prés communaux et plus généralement des terres communales, terres qui étaient auparavant mises en commun par les paysans et habitants), s’organisant autour de petites communautés rurales autonomes et égalitaires.
- Quakers, les Trembleurs, la plus connue des sectes issus du protestantisme, se rapproche des anabaptistes du siècle précédent. https://fr.wikipedia.org/wiki/Quaker. La secte existe toujours, le pacifisme reste une valeur canonique pour les Amis.
- Firth Monarchist. Une faction idéologique de la Première Révolution anglaise, active de 1649 à 1661. Ils tiennent leur nom de leur croyance en la fondation prochaine d’un royaume planétaire par Jésus retournant sur terre. Ils estimaient que cette disparition définitive du pouvoir terrestre des êtres humains interviendrait en 1666, dont la combinaison numérique leur rappelait des passages de l’Apocalypse, dans la Bible. Les Cinquième Monarchistes se considéraient eux-mêmes comme ces saints qui allaient devoir assister Jésus.La Cinquième Monarchie disparut après l’échec de 1661.
│ Le texte de Land et la démarche de la Noircitude sont incompréhensibles sans une culture " réformée " (parfois réformiste !). Land préssuppose chez ses lecteurs une tradition religieuxe peu courante dans nos contrées papistes. Je me suis permis de présenter les différents courants issus de la Réforme souvent plus calvinistes que luthéries. Ces courants de pensée forment en effet l’armature du Dark Enlightenment.
La philosophie française fait l’impasse ce sujet à l’exception des grands noms de la philosophie anglaise de l’époque Hobbes,et Locke. Et pourtant, leur influence fut décisive dans la formation des États-Unis, de ses institutions et de sa " mentalité profonde "
Les théologiens et les penseurs de l’époque de Cromwell a été remarquablement étudiés par C.B. Macpherson dans son étude de 1962 et traduite en français en 1971 chez Gallimard La théorie politique de l’individualisme possessif de HJobbes à Locke. A l’époque déjà passionné par les études sur l’individualisme à la suite de la lecture de Stirner, j’avais été intrigué par ce livre. Macperson décortique l’émergence de l’individualisme intrinséquement consubtanciel à la notion de propriété. D’ailleurs, Stirner traite de l’Unique et de sa propriété.
Land a parfaitement raison de relier cette période au Dark Enleightenment. Cela éclaire d’un jour philosophie ce mouvement qui nous paraît étrange. En Angleterre, surgit une radicalité centrée sur les droits de la personnes : tolérance religieuse, liberté de posséder, de mouvement, de commercer. En fait, les Lumières (Aufklërung en allemand) arrivent sur le continent avec retard et en les décentrant vers une dimension égalitaire et une une croyance nouvelle : le progrès..
│ Land ne précise pas l’absence d’une armée fédérale considérée comme un risque majeur pour les républiques.
il faut se méfier des luttes qui collaborent au système autophage (consumérisme …) Land parle de rétroaction synonyme de collaboration.
Zombie land