Technoféodalisme : Repenser la féodalité.

Préambule nécessaire à la compression et la critique du concept de technoféodalisme.

L’apparition récente du terme technoféodalisme en accolant les deux notions temporellement si éloignées l’une de l’autre oblige à reprendre les deux termes sous un angle nouveau. Au premier chef, il lie la technique à une forme définie de système politique.

Le choc des mots titille les neurones de qui veut comprendre le monde que nous créons par notre asservissement volontaire.

Féodalisme/féodalité : une doctrine toujours vivante ?

Raccourci historique et politique.

Le féodalisme fut un système cohérent de possession et d’exploitation d’un bien, souvent une terre. Il décrit à la fois une mentalité, une économie, un système militaire et politique. Certains auteurs y voient une forme d’anarchie féodale instable (Adam Smith) ou un obscurantisme patent (Voltaire)

  1. Le fief est la pierre angulaire du système. Son étymologie allemande Vieh-od signifie bien en bétail, donc par tête, le serf inclus.
     Le fieffage est un bail à rente permanent. Le tenant (le fieffé) est inféodé à son maître.
     Le féodalisme s’appuie sur une pyramide hiérarchique précise à l’origine de la monarchie, elle même application séculière du corpus mysticum. La dimension religieuse se même aux autres dimensions énoncées plus haut. Le vassal fait "aveu" du bien reçu en fieffage.
     Le feudataire (le fieffé) doit à son maître un soutien financier et militaire. Le Servicium largement repris par la république : le célèbre service militaire. A l’origine non-transmissible le fief, il suivra l’évolution de la transmission de l’époque. Donc droit d’usage, mais non de propriété. Ce point est fondamental pour la compréhension du technoféodalisme.
     Les droits féodaux régiront les relations entre le teneur (bailleur à fief) et le tenant (le vassal, le fieffé) jusqu’en 1789.1561 -
     D’origine guerrière, la féodalité inclura des fieffages administratifs et des revenus religieux ou publics. Cela explique, en France par exemple, l’importance démesurée pour la rente comme modèle.
  2. La féodalité repose sur la question de la propriété et de son exploitation. Adam Smith démontre que le féodalisme bloque le développement économique. La propriété doit être une marchandise comme les autres donc échangeable.
     S’attaquer à la féodalité revient à promouvoir une révolution culturelle, une véritable fracture conceptuelle. La redistribution des terres par la Révolution soulève d’énormes difficultés dont l’appropriation par une bourgeoise jalouse et avide de dal symbolique terrienne. Cela oblige à analyser le concept de techno-féodalisme à la loupe.
  3. Le féodalisme s’appuie sur une polarisation de l’espace hiérarchisée avec un centre dont tout dépend. L’extériorité est une menace qui remet en cause le rôle de l’Église. Question où est le centre dans le technoféodalisme ?
  4. La vulgate marxiste de la féodalité, largement reprise par la bourgeoisie avide de biens terriens (et terrestres), a réduit la féodalité à une lutte entre seigneurs et paysans. C’est oublier sa fonction de mode de production d’un type de société complexe et diversifié. Le féodalisme est " une institution totale " (Marcel Mauss) totalement liée à l’Église comme corps mystique.
  5. Le féodalisme fut une manière de fédérer les anciens institutions dispersées et le morcellement des autorités locales. Il est un pas dans la construction d’une accumulation primitive

Reprendre 4043 et compléter les principes du féodalisme.

De la technique à la Tech.

Il faut admettre que de la naissance à la mort nous sommes des objets/sujets de la technique. Ce n’est pas une addiction, mais plutôt une consubstantialité sapientielle. La critique de la technique se transforme obligatoirement en autocritique existentielle.

Philo de la technique

Pourquoi si peu de penseurs n’abordèrent-ils pas la technique ?

 L’apologie vint avant la critique.
Francis Bacon (1561-1626), mêle le droit (il était l’avocat de la Couronne), la science et la politique.Il veut instaurer la puissance de l’homme sur la nature. Il dénonce les logorrhées sur la nature des sciences et met en place des études scientifiques à Cambridge et à Oxford. Pour lui, La vérité et le connaître ne font qu’un. Bacon initie les prémisses du positivisme.

 Le chemin vers le technoféodalisme ne peut faire l’économie d’un survol des étapes de la philosophie de la technique. Les liens suivants peuvent aider.

https://divergences.be/spip.php?article3635
https://divergences.be/spip.php?article3807
https://divergences.be/spip.php?article3297

La technique est l’achèvement de la métaphysique, cette démonstration de Jean Vioulac souligne l’importance de cette problématique pour comprendre les enjeux actuels.

L’anti-technicisme

Jacques Ellul a mis le doigt sur les contradictions et les dangers de la technique sans pour autant la rejeter radicalement. Son technoscepticime ne se réduit pas à une remise en cause radicale de l’archipel techno-scientifique. Il met en valeur l’obligation de réflexivité devant l’instrumentarium mis à notre disposition de la modernitude.

Par sa triple formation de juriste, de théologie et de philosophe, la démarche d’Ellul ouvre depuis les années soixante un débat essentiel. L’instrument existe, mais je ne suis pas obligé de l’utiliser sans réflexion. La tyrannie de la puissance technologique ne doit pas voiler ses objectifs marchands et asservissants.

Le retour à la nature post-68 - reprenant une démarche ancienne - s’est heurté très vite à la dure réalité de l’huile de coude " et du mal de dos que nos anciens subirent à l’insu de leur plein gré.

Les courants survivalistes oscillent entre l’hyper-technicisme permettant de survivre à des catastrophes naturelles ou non et l’isolationnisme plus ou moins intégral de type anachorète / cénobite.

Certains courants religieux proposent un mode vie bloqué à une époque du développement technologie : les Amish ou les Vieux-croyants ( réfractaires à une réforme de l’orthodoxie : https://fr.obsfr.ru/report/15205/12086/ Les vieux-croyants dans la Russie d’aujourd’hui

Ne pas oublier les Naturiens, ces anarchistes de la fin du XIXème siècles refusant l’essor déjà foudroyant de l’industrialisation à marche forcée.
https://shs.cairn.info/revue-mil-neuf-cent-2013-1?lang=fr
https://reporterre.net/Les-anarchistes-naturiens-precurseurs-de-la-decroissance

En fin de compte chaque période d’accélération de la technologie engendre des courants de réfractaires plus ou moins radicaux.