Essai sur le néoTotalitarisme systémique dont les tentacules nous enserrent.
Longtemps, les camarades ont cru que l’abolition du Capital était à portée de fusil, à coups de manifestations, d’élections, bref qu’il suffisait d’une poussée radicale pour renverser le système
Sans historiciser nos échecs cuisants, épreuve longue et déprimante, on peut dire, sans risque d’être démenti, que le monstre froid et sa compagne la bête immonde coulent des jours heureux et que, d’ailleurs, leur progéniture gouverne le monde.
La preuve par l’évidence, ce principe de réalité, souvent décrié, s’affiche en permanence sous nos yeux. De fait, nous pataugeons dans la nuit et le brouillard de notre collaboration à la mondanéité.
Il n’y a plus d’île déserte, d’" Espaces de Liberté " de notre jeunesse de boomer, même les ZAD montrent leurs limites idéologiques et humaines.
Par ailleurs, nous assistons, depuis quelques décennies, à des accélérations, des révolutions techniques, donc sociales, fulgurantes. En 14-18, on décorait un pigeon voyageur émérite, aujourd’hui le dernier artéfact à la mode mérite l’admiration béate des asservis.
Que s’est-il passé ? Qu’avons-nous raté ? Pourquoi ces défaites après avoir fanfaronné " no pasaran ", et s’être égosillés sur l’air éreinté de l’Internationale des cocus de l’histoire.
C’est l’heure de questionner nos convictions, nos idées-reçues.
Avant la thérapie génique, qui promet tant à bigPharma, le diagnostic sans concession ni fol espoir s’impose.
Les sources refoulées de l’aliénation.
D’abord, constater la parfaite adaptabilité de notre ennemi commun. Les révolutionnaires ressemblent plus au lièvre de la fable qu’à la tortue besogneuse.
Le fabuliste énonça un truisme que beaucoup ne comprirent pas. Il suffit de relire Marx et quelques récalcitrants pour comprendre l’énormité du travail à l’œuvre.
Le capitalisme ne sortit pas des limbes, il est l’accomplissement d’un long processus. Il n’appartient à personne. Autophage, il se nourrit de ses contractions/contradictions comme de l’énergie de ses ennemis et de ses propagandistes.
Sa crise est son fondement, il est la crise.
Un soupçon de grécitude.
Sa longue maturation conflictuelle remonte à la grécitude. Déjà Héraclite énonçait le principe du " mobilisme " généralisé, résumant le verdict par la célèbre formule : " La guerre est le père de toutes choses ". Sa modernité, involontaire, ouvre une piste trop vite refermée, celle d’un Logos, loi universelle de la destinée occidentale. Les forces du monde s’écoulent et se réalisent dans les phénomènes. Le monde est ce mélange qui sans cesse remue grâce à nos convulsions.
Même, Platon, l’artisan infatigable des Idées (reçues ?) conserve la notion de flux perpétuel.
Héraclite ne se fit pas beaucoup d’amis, les dogmatiques s’insurgèrent contre cette négation de l’identité canonisée pour de longs siècles par la funeste question de l’être.
Démocrite (-460 -370) rejette radicalement la création ex nihilo (" Rien ne nait de ce qui n’est pas" ). Sa théorie atomiste s’appuie sur l’idée de la nécessité d’un tourbillon incessant de la matière. Ce qui exclut l’idée d’un passé mythique et propose celle d’un progrès (procès) au fil des mouvements tourbillonnaires. Il énonce une conception matérialiste du monde. Ce n’est pas un hasard, si Marx choisira Démocrite comme sujet de sa thèse.
Aristote, du haut de son piédestal, fait du mouvement une manifestation de la mutation permanente du vivant.
Il faut toujours garder à l’esprit cette idée " bougiste", car elle est au coeur de notre héritage.
Une overdose de métaphysique.
Le mot et l’idée rebutent, leur passé commun entrave, souvent, sa compréhension.
Méta et Physique forment un attelage particulièrement retors. Elle relie l’immanence de la matière/vie à une transcendance problématique, car malmenée par ses us, ses apologètes et ses détracteurs, elle souffre d’un syndrome typique de sécularisations successives.
La métaphysique est donc au cœur de l’étude du néoTot : impossible de faire l’impasse. Les gourmets savoureront ses douceurs acides dans Métaphysique I Le sergent recruteur de la Domination
Les chemins vers le wokisme : Amnésie, marxitude fatiguée, anarchisme nostalgique, liaisons dangereuses.
" Être dans le vent " ne suffit plus à combler les errances idéologiques et les tics militants. La machine infernale sait parfaitement renouveler ses pièges. Les " gogo-dillots " ne peuvent résister à l’appât de la nouveauté et de la factualité.
Soyons franc, la résistance, souvent vieillissante, est fatiguée. La désillusion remplace le désir de révolution. Les antiennes d’antan ne font plus recettes. La jeune garde sombre souvent dans l’anti-fa borné ou la " modernite " à tout prix", quel qu’en soit les contradictions.
Revenir aux fondamentaux dans un cadre techno-politique radicalement transformé exige un effort particulier. La critique du néoTot passe par une fastidieuse, mais nécessaire, analyse de l’état des lieux, avant de se lancer dans le "dur ". Il faut donc réinvestir les champs du savoir et de l’action.
La Totalisation .
Il ne suffit plus d’imputer au Capital et à ses promoteurs les maux de la domination généralisée.
Devant nous se déploie une machination systémique capable d’effectuer la Totalisation et sa transformation permanente avec des armes nouvelles redoutables, car séduisantes et auréolées du sceau prestigieux de la Modernité.
Appel à contributions.
Ce vaste chantier sera une partition à plusieurs mains (le plus possible, le " manchot " que je suis, cherche main-forte), donc aussi une " œuvre ouverte " [1] La multiplication des angles d’approche enrichira la démarche tant la problématique envahit notre quotidien et pollue nos méninges.
R-D M