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Georges Sorel et Marie David, femme du peuple
Willy Gianinazz
Article mis en ligne le 30 mai 2023
dernière modification le 15 juin 2023

Choix de classe et engagement socialiste

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« Le choix de la compagne est un des actes dans lesquels se manifeste le mieux la psychologie profonde de l’homme. » (G. Sorel, « Jean-Jacques Rousseau », Le Mouvement socialiste, juin 1907, p. 515.)

Il est peu d’écrivains qui n’ont cessé de témoigner, tout au long de la vie, de l’importance qu’a représentée pour leur œuvre l’épouse ou la compagne. En préparant les Réflexions sur la violence, Georges Sorel demandait à son éditeur si, en France, il pouvait se faire et s’il « n’était pas ridicule » de dédier un volume « au souvenir de [sa] femme1 ». L’ouvrage parut en 1908 avec cette formule : « À la mémoire de la compagne de ma jeunesse, je dédie ce livre tout inspiré par son esprit. » En 1917, Sorel confia à l’un de ses plus proches amis qu’elle en aurait même « approuvé les idées2 ». Un autre livre engagé, qu’il avait publié en Italie, avait déjà été dédié « à la mémoire de ma FEMME ADORÉE qui fut l’initiatrice de mes études sur le socialisme et qui guida pendant toute sa vie mes travaux » (Saggi di critica del marxismo, 1903). La seule autre dédicace qui orne ses livres concerne un ancien ouvrier et sa femme, Paul et Léona Delesalle (Matériaux d’une théorie du prolétariat, 1919).

Après avoir mentionné l’existence des deux hommages rendus à sa femme, Sorel concluait, dans une lettre autobiographique de 1910 à un camarade italien :

« Je puis donc dire que ma femme appartient à mon existence d’écrivain socialiste ; elle a été pour moi une compagne toujours pleine de courage et d’honneur ; je l’ai perdue en 1897 et depuis lors je puis dire que j’ai travaillé pour élever un monument philosophique qui soit digne de sa mémoire. Son cher souvenir me soutient encore dans mes heures de découragement. C’est en pensant à elle que j’ai écrit les phrases suivantes dans un article relatif à J.-J. Rousseau : “Heureux l’homme qui a rencontré la femme dévouée, énergique et fière de son amour, qui lui rendra toujours présente sa jeunesse, qui empêchera son âme de jamais se contenter, qui saura lui rappeler les obligations de sa tâche, et qui parfois lui révélera même son génie3 ! C’est ainsi que notre vie intellectuelle dépend, en très grande partie, du hasard d’une rencontre”4. » Pour appréhender le caractère de Rousseau, poursuivait-il dans la citation, « “sa liaison avec Thérèse doit être invoquée ; je crois qu’il faut tenir grand compte des sentiments qu’il avait de sa nature purement plébéienne pour comprendre son profond attachement pour cette lingère”. »

À l’inverse, avait-il écrit quelques années auparavant : « Malheur à celui qui, trompé par une amourette, n’a pas rencontré la femme forte qui aurait dû lui révéler sa destinée et lui donner du cœur dans les jours de défaillance ! C’est dans l’amour d’une pareille compagne que s’engendre l’âme des hommes qui triompheront de tous les obstacles. » lire la suite