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Judith Butler, du genre à la non-violence
Mylene Botbol Baum
Article mis en ligne le 1er avril 2023
dernière modification le 1er juillet 2023

DU GENRE À LA NON-VIOLENCE, L’ÉTHIQUE DE LA RELATIONALITÉ.

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Lorsque nous invitons Judith Butler à l’Université catholique de Louvain, en septembre 2014, ses travaux font autorité dans de nombreux domaines : celui des « études de genre » bien sûr – dont elle fut l’une des pionnières –, mais aussi celui de la philosophie sociale et politique, de la sociologie et de la théorie sociale. Philosophe engagée, elle apparaît comme l’une des principales voix de la gauche critique américaine, mais aussi comme une personnalité de premier plan sur de nombreuses questions difficiles – à commencer par la politique sécuritaire de l’Etat d’Israël, qu’elle critique au nom d’une identité juive « diasporique », valorisant l’accueil et la « non-appartenance ». Soutien du mouvement Boycotts, Divestments and Sanctions (BDS), elle est au cœur de nombreuses controverses outre-Atlantique . En Europe, les mouvements conservateurs en ont fait une cible privilégiée, en caricaturant ses analyses et en négligeant leur dimension proprement philosophique.

Mylene Botbol Baum UCLouvain (University of Louvain), Institut supérieur de philosophie, Faculty Member

La non-violence : projet éthique, opérateur critique, pratique corporelle

Qu’est-ce que la non-violence ? Il pourrait être tentant, face à une question aussi difficile, de proposer une réponse arrêtée une fois pour toutes. Or c’est précisément dans ce piège que Judith Butler refuse de tomber. Plus précisément encore, c’est exactement ce piège que la non-violence – comme pratique et non seulement comme théorie, comme pratique corporéisée et non seulement comme expression intellectualisée – entend dénoncer. N’oublions pas : l’un des aspects fondamentaux de la réflexion butlérienne a trait à la critique de l’ontologie. Avec la non-violence, ce travail se poursuit, s’affine, se précise.

De quoi s’agit-il en effet ? Au plan philosophique, la violence renvoie à une ontologie pétrifiée ou pétrifiante, c’est-à-dire à un processus qui entend retirer aux sujets sociaux leur historicité, leur diversité, leur part de complexité aussi, pour les ramener à des « catégories d’être », les inscrire dans des états pré-sociaux dont ils ne pourront jamais sortir. Parallèlement à l’émergence d’idéologies destructrices, en complément de la sophistication perverse avec lequel les crimes de masse sont généralement perpétrés, cette « ontologisation du social » apparaît comme une condition nécessaire à l’émergence de violences multiples. En termes simples, cela signifie que les processus destructeurs ont besoin de faire référence à des catégories figées, déliées de tout rapport aux autres et à la société, pour justifier leur marginalisation, voire leur éradication. Ce fut, de façon paradigmatique, le cas des Juifs d’Europe au XXe siècle, expérience qui constitue l’ancrage biographique de la réflexion de Judith Butler.

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