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Jacques Langlois,
Causes exogènes, extérieures ou indépendantes de la volonté des PTM. 
Article mis en ligne le 27 février 2007

Les causes ou les origines de la dette des PTM avec leurs conséquences.

On a en déjà vu quelques unes lors de l’historique.

Récapitulons et synthétisons

On pourrait raffiner en examinant les causes économiques et politiques. Ce serait trop long et surtout cela diminuerait l’appréhension des responsabilités des dirigeants des pays riches et des IF qui ont tout fait pour maintenir la domination du Nord sur les PTM.

+ La libre circulation des capitaux, en tant que condition des placements occidentaux (prêts et investissements) pour permettre leur entrée et surtout leur sortie en termes de retrait des prêteurs et investisseurs en cas de difficulté, pour cause de rapatriement des bénéfices et des royalties. Au passage, cela autorise l’évasion fiscale des nationaux des PTM. Cela conduit aussi à du surinvestissement, donc à des bulles spéculatives qui un jour ou l’autre éclatent provoquant un retrait brutal et massif des capitaux étrangers et nationaux, une crise bancaire et monétaire comme l’ont montré les récentes crises en Asie du Sud-est (97) et en Amérique latine depuis 1992. La libre circulation ouverte à l’étranger nuit à la création de solides banques locales, car elles ne font pas le poids vis-à-vis des banques multinationales. La libre circulation encourage les placements de maîtrise des ressources des PTM par les multinationales, donc la mise sous domination étrangère de l’économie.

+ Les potions des IFI (ajustements structurels préconisés par le consensus de Washington concocté par les IFI) qui ont obligé les pays endettés à privatiser à tout va, à diminuer les impôts sur les riches et les sociétés, à installer une politique d’austérité touchant les plus pauvres avant tout, à ouvrir leurs frontières et à perdre des droits de douanes et qui ont mis en concurrence internationale des productions locales peu compétitives avec des importations d’excédents occidentaux subventionnés ou des produits hyper compétitifs (du genre du lait en poudre de Nestlé, qui a supprimé l’allaitement au sein dans des pays où il n’y avait pas d’eau salubre !). Ceci a empêché le décollage d’industries manufacturières en proscrivant le protectionnisme en faveur des possibles industries naissantes. Les recommandations des IFI et de l’OMC ont conduit à la fois à la spécialisation des PTM et à leur mise en concurrence sur le marché mondial des mêmes productions, ce qui a dégradé les termes de l’échange (en prix et en volume) et amenuisé les ressources d’exportation dans le temps même où les PTM devaient importer plus de biens d’équipement et de consommation (faute de production locale pour ces derniers). De plus ces traitements par les IFI ont profondément ruiné des peuples déjà pauvres : fin des prix subventionnés pour les fournitures de base, dégradation des services publics (le PTM devant consacrer ses de plus en plus maigres ressources à rembourser la dette extérieure), privatisation des entreprises publiques (sur obligation des ajustements structurels et pour trouver de l’argent en vendant les bijoux de famille) et donc dégraissages de personnel. Le peuple se révoltant, les PTM ont accru la répression et ses moyens. En 2000, en Bolivie, le service de l’eau était passé sous la coupe de Bechtel (firme compradore US) qui avait doublé aussitôt les prix. Cela entraîna une grève générale et le blocage des transports, forçant le gouvernement à annuler la concession et à chasser Bechtel. EDF eut quelques ennuis de même type en Argentine et au Brésil...

+ L’action des multinationales pour s’emparer des ressources et des moyens de production « privatisés » par les PTM ou ouverts à l’investissement privé, grâce au libre-échangisme et à la libre circulation des capitaux prônés par les IFI et l’OMC. Par ailleurs, les multinationales maîtrisent les marchés et mettent les PTM en concurrence entre eux sur les mêmes produits. Que, du reste, les IFI ont fait produire dans des pays qui ignoraient ces cultures : le café au Vietnam, par exemple l’huile de palme en Indonésie. Qui ne connaît les agissements de l’United fruit en Amérique du Sud dans les années 70 ? Du coup, les bénéfices s’envolent à l’étranger et ne sont pas réinvestis dans les PTM. Ou pour placer leurs propres productions. Les seuls aspects positifs, si l’on ose dire, furent la création de manufactures locales d’assemblage ou de production dans des « sweat shops » (usines à sueur) de produits à faible valeur ajoutée comme les textiles ou les puces informatiques. Cette action est fondée sur la mise à profit par les multinationales des différentiels de législation sociale, fiscale, environnementale car elles seules maîtrisent l’enchaînement des étapes de la production et car elles peuvent jouer sur les prix de cession interne (prix de transfert, par exemple, là où la fiscalité est plus défavorable, on s’arrange pour produire à perte en minimisant les coûts réels). En outre, les multinationales jouent plutôt sur la sous-traitance, car ce qui est délocalisé, ce ne sont pas des usines, mais des productions intermédiaires. Ainsi, quand une multinationale trouve moins coûteux ailleurs, elle y part laissant les usines sur les bras des investisseurs locaux (grâce le plus souvent à des CP). Ainsi Nike, qui avait été attaquée à cause des conditions de travail a bien failli quitter le Vietnam où le pouvoir agitait les syndicats du parti communiste contre elle suite à une révolte des salariés. Par ailleurs, les multinationales ne délocalisent que les éléments de la chaîne de production, en se réservant la conception, le marketing et la vente. Enfin, les multinationales en profitent pour placer dans les PTM, leurs industries les plus dangereuses et polluantes par suite d’une absence de droit de l’environnement dans ces pays. Cet ensemble d’actions de multinationales, sans morale et sans souci social ou écologique, conduit pourtant les PTM à être d’une prudente lenteur dans l’amélioration de leurs législations, car ils risquent de perdre leurs seuls avantages compétitifs dans la division internationale du travail : faibles frais de main d’œuvre liés aux bas salaires, horaires démentiels, l’absence de syndicats et de protection sociale (retraites, accidents du travail, maladie), pas de coûts de protection de l’environnement et de la santé des travailleurs et des populations (voir Bhopal), surexploitation des terres, des mers et des forêts, etc.

+ Les politiques monétaires des pays occidentaux, très libérales et monétaristes, ont privilégié la rente et le patrimoine en jugulant l’inflation qui amenuise la valeur des prêts et en faisant augmenter les taux d’intérêt réel, ce qui a accru les charges de service de la dette des PTM. Certes, c’est pour tout le monde, mais dans la jungle, ce sont toujours les plus faibles qui s’en sortent le moins bien.

+ L’action des banques, des fonds d’investissement, des fonds de pension, des hedge funds (fonds spéculatifs ou fonds d’arbitrage), etc. Elles ont proposé des prêts car elles avaient beaucoup à placer et à rentabiliser au maximum. Pas folles, elles ont exigé des taux variables d’intérêt (afin de profiter des augmentations des taux directeurs des banques centrales), lesquels ont nettement augmenté par suite des politiques monétaires du Nord. Elles ont aussi obtenu haut la main, le droit de rapatrier leurs fonds. Elles n’ont guère perdu sur le secret des affaires et les paradis fiscaux. Cet argent facile a relancé l’inflation dans les PTM, a amené une surévaluation de certaines monnaies, ce qui a nui aux exportations, et a conduit à des investissements surabondants de même qu’à un manque de prudence dans la sélection des investissements. Les banques locales se sont retrouvées avec beaucoup trop de créances douteuse et les crises spéculatives les ont souvent conduites à la faillite, et, surtout, à l’incapacité de financer l’économie. Elles ont obtenu que les prêts soient rédigés en dollars (ou Euros ou Yen), ce qui a accru vertigineusement les dettes exprimées en monnaie locale quand les monnaies locales se sont effondrées lors des crises. De conserve avec les Etats et les multi-nationales des pays riches, les banques ont financé à tour de bras pour toucher des commissions (OPA, OPE, Fusions, émissions de titres), pour rémunérer des experts et autres conseils, pour recevoir des intérêts, pour percevoir les royalties, pour expatrier les bénéfices, ne laissant presque rien aux PTM pour s’autofinancer et se développer. De plus, les banques privées ont obtenu des IFI d’être privilégiées dans le remboursement des CP ; soit les 2/3 des dettes extérieures. On peut affirmer que les décisions des IFI servent avant tout à « solvabiliser » les CP. Cette politique nocive est appuyée par « les agences de notation » des pays et des grosses firmes quant à leurs capacités de remboursement. Notons que ces agences sont de droit privé et ne s’intéressent qu’au fric et aux dangers institutionnels. C’est pourquoi le CADTM préconise la mise en place d’audits indépendants et citoyens pour l’analyse des dettes (origine, nature, histoire, conditions, etc.).

En conclusion de ce point, il doit être clair que les potions néolibérales ne sont pas du tout vécues de la même façon par les pays riches et les PTM. Cela dépend des ressources, des capacités, des rapports de force, des asymétries de pouvoir et d’information. La lutte entre les renards et les poules conduit inévitablement à la perte des volailles à la merci de capitaux volatiles (eh eh).

Le principal responsable aujourd’hui de la dette exponentielle des PTM est donc l’ordre capitaliste, financier et néolibéral qui s’est installé, système qui par construction est favorable au Nord, d’autant plus que celui-ci, avec hypocrisie, ne s’applique pas les mêmes potions : subventions, vols de propriété biologique et du vivant, normalisation technique, réservation des marchés publics, normes en tout genre, etc. tout est bon pour faire du protectionnisme camouflé. C’est ce qui explique l’échec de l’OMC à Doha, le cycle de négociations qui devaient s’ensuivre (AGCS, sur les services et ADPIC, sur les droits de propriété intellectuelle et les brevets) étant en panne faute d’accord sur les questions agricoles et les médicaments génériques. On a vu aussi que la domination des PTM continuait par d’autres moyens à la fois plus subtils, plus cachés et plus efficaces. Ce n’est pas nouveau. Il y a déjà 30 ans on analysait la dégradation des termes de l’échange. S’y est ajouté l’emprise de la finance mondialisée. Pour ma part, supprimer la dette des PTM, n’aurait que peu d’effet à long terme si le système économico-financier néolibéral actuel continuait à l’identique. Ce n’est pas une raison pour ne pas le faire, ne serait-ce que parce que cela donnerait aux peuples exploités un ballon d’oxygène.


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