N°02 – 08 Décembre 2019
Mêlons-nous ensemble et de tout.
(Slogan vu à la manifestation du 25 novembre 1995 de la journée internationale contre les violences faites aux femmes)
L’affrontement est engagé ! La grève a commencé et se poursuit. Elle fédère – enfin - les salariés de nombreux secteurs. Selon les sondages mêmes commandés par les puissants, une majorité de la population trouverait légitime ce mouvement. Il faut encore que les Gilets Jaunes retrouvent leur modalité d’action propre de l’occupation des ronds-points, pour amener une dynamique supplémentaire. Et que des actions de désobéissance se multiplient, pour créer d’autres formes qui libèreront l’imagination collective et saisiront les mécanismes du Pouvoir de toutes parts. Car il faut bien voir l’enjeu de ce mouvement : ce n’est ni plus ni moins que la sortie d’une ère historique.
L’être humain de la théorie libérale est une abstraction : un être hors de toute relation, qui arrive en société avec juste ses intérêts égoïstes pour rationalité. Faire société consiste alors à organiser les affrontements de ces intérêts égoïstes.
Tout autour, la « Nature » est extérieure à l’humanité et n’est qu’une ressource matérielle à consommer d’une manière ou d’une autre, sans se soucier de ses limites et interactions.
Le capitalisme est le modèle d’économie politique issue de cette conception de l’individu en société.
Or c’est un énorme mensonge, car nous faisons tous l’expérience, en tant qu’être humain, de notre construction dans la relation à l’autre (les parents d’abord, puis progressivement toutes les formes de relations aux êtres – humains, animaux, végétaux – et aux éléments en général). La société et le rapport au cosmos sont les conditions même de notre existence et de notre liberté.
L’on voit aujourd’hui les dégâts sociaux et environnementaux de ce modèle qui a massacré tous les espaces sociaux indispensables à l’espèce humaine : l’environnement, les imaginaires, la langue… Et pour maintenir cette logique de massacre (au seul bénéfice des détenteurs du capital), les Etats sont obligés de mettre en œuvre un système de contraintes (réglementation, répressions, guerres) qui sont l’essence du néolibéralisme.
C’est au contraire dans ce que nous faisons en commun, dans un esprit d’entraide et de coopération, que nous renforçons notre liberté et notre pouvoir sur nous-mêmes.
La mobilisation se fait aujourd’hui contre le projet de retraites par points, car il représente, avec les autres mesures déjà en place (et qui toutes favorisent les systèmes privés par capitalisation), l’acte de décès d’un des appuis qui nous reste pour un peu de justice sociale, de solidarités (générationnelle, hommes/femmes, actifs/inactifs, etc.).
Car il n’y a pas, fondamentalement, de problème de financement d’un système par répartition et par cotisations. L’espérance de vie à 60 ans (qui est la seule qui compte pour réfléchir aux retraites) n’augmente pas. L’espérance de vie en bonne santé aurait même tendance à baisser, ce qui pose le problème non pas des retraites mais du système de soins, de prise en charge de la dépendance, et des causes de l’accroissement des maladies (beaucoup liées à l’activité industrielle et au travail anéanti : les maladies professionnelles, les accidents du travail, le suicides, augmentent ces dernières années). L’accroissement de productivité des actifs est proportionnellement supérieure à la baisse du rapport actifs/inactifs
Et ce sont les avantages conférés aux produits assurantiels et bancaires, et les exonérations diverses de cotisations sociales, qui créent artificiellement le fameux « trou de la sécu », qui est en réalité très faible (5,4 milliards sur un budget de 440 milliards, soit 1,2% de déficit).
Ce contre quoi nous nous révoltons, c’est donc la logique de création de valeur pour le capital, alpha et oméga de ce système mortifère. Rapportée en jours de travail par salarié, la valeur ajoutée accaparée par les dividendes des actionnaires, représentait 45 jours de travail en 2012 contre 10 en 1981. Et lorsqu’on sait que les dividendes ne servent pas à créer l’activité de demain, comme veulent nous le faire croire les dominants, mais à spéculer et à accentuer encore l’exigence de rendement du capital « investi », on retrouve bien le pourquoi de cette machine folle qui va jusqu’à détruire en deux siècles les équilibres environnementaux subtils construits sur des milliards d’années.
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UN MOUVEMENT D’ENVERGURE MONDIALE !
Au Soudan, avec le rôle crucial des Kandakas, manifestations de femmes. En Algérie, contre Bouteflika et tout le système de prédation des caciques du FLN. Au Sénégal, avec le mouvement Y’en a marre. A Hong-Kong. En Indonésie, avec le mouvement Bali tolak reklamasi tout à la fois contre la polderisation aux fins touristiques et la corruption des gouvernements. Au Chili et en Equateur. Au Liban, en Syrie, en Irak, Iran, au Rojhelat (le kurdistan iranien) sur les questions environnementales, etc. Partout, une contestation populaire s’est élevée, chacune issue des circonstances locales, mais combinant toutes, à des degrés divers, le rejet des institutions gouvernementales, et le constat de leur incapacité à relever les défis sociaux et environnementaux, du fait de la soumission à l’idéologie néolibérale.
Si nous plaçons le mouvement actuel dans cette perspective-là, il est évident que les dominants ne remettront pas facilement les clés de leur butin de guerre. Nous devons penser nos actions dans la durée, et avec l’idée d’une bascule vers autre chose.
Nous devons nous dire dès aujourd’hui que ce Noël ne sera pas comme les précédents.
Certains Gilets Jaunes avaient initié l’année dernière des Noël sur les ronds-points. Il nous faudra cette année démultiplier les actions de ce genre, massivement et joyeusement.
Face à l’alternative « est-ce qu’on fait Noël chez tes parents ou chez les miens ? », mettons en commun toutes nos familles, et lançons un grand élan de réappropriation des espaces pour les socialiser dans l’entraide et la coopération :
– Investissons les places s’il ne fait pas trop froid ; sinon investissons les salles polyvalentes, les gymnases, les halles, pour échanger nourriture, idées, manifestions artistiques ou créatrices d’une autre manière, envies,…
– Investissons les gares, qui sont des biens publics, pour y réfléchir ensemble à ce que pourrait être une politique des transports, de l’énergie et de l’aménagement du territoire humainement et écologiquement cohérente.
– Investissons tous les bâtiments vides pour y ouvrir des logements…