Divergences Revue libertaire en ligne
Slogan du site
Descriptif du site
Olivier Le Cour Grandmaison
Politique d’immigration : encore un effort, Monsieur Hollande !
Article mis en ligne le 23 mars 2012
dernière modification le 18 mars 2012

Mercredi 7 mars 2012. Journal télévisé de France 2. Question du journaliste David Pujadas à François Hollande : « Pour que les choses soient claires,
pour ceux qui nous écoutent, vous ne souhaitez pas réduire ce chiffre de 180 000 » personnes qui rentrent en France chaque année ?

Réponse du candidat socialiste : « Si, il y a nécessité de le réduire par l’asile, parce que nous devons aller beaucoup plus vite. Il y a nécessité de dire que les étudiants étrangers doivent venir un an, deux ans, puis ensuite repartir dans leur propre pays. Donc, ce qui compte, c’est la mobilité, c’est que certains viennent et que beaucoup d’autres repartent, c’est ça une politique de la population, c’est ça une politique de l’immigration. »

Stupéfiante réponse de la part de celui qui prétend incarner une autre politique et qui se présente aux Français, comme on dit, en s’affichant avec ce slogan : « Le changement, c’est maintenant. » Est-ce là votre conception du changement lors même que ces propos trahissent des continuités singulières avec les orientations du chef de l’État, notamment en matière d’immigration économique ?

De tels propos éclairent d’un jour particulier vos atermoiements, vous qui n’avez rien objecté aux affirmations péremptoires de Nicolas Sarkozy soutenant, avec le ton docte qu’on lui connaît, « qu’il y a trop d’étrangers en France ».

Vieille antienne xénophobe empruntée à la vulgate du Front national,
qui justifie, depuis cinq ans maintenant, la mise en œuvre de la pire des politiques jamais conduites sous la Ve République contre les immigrés.
Plan quinquennal d’expulsions et prurit législatif et réglementaire incessant qui s’est traduit par un durcissement sans précédent des dispositions appliquées aux étrangers en situation irrégulière d’abord, aux immigrés ensuite, aux demandeurs d’asile, aux étudiants non européens et aux couples dits « mixtes » enfin. Tous sont régulièrement stigmatisés par le
chef de l’État et l’UMP car tous sont jugés responsables de nombreux
maux économiques, sociaux et financiers sans oublier les atteintes supposées à « notre identité nationale », ainsi que le répète de façon pavlovienne Claude Guéant, ce très inquiétant ministre de l’Intérieur.

À cela s’ajoutent, comme moyens d’atteindre les objectifs chiffrés de reconduites à la frontière, la multiplication des contrôles au faciès, les rafles, l’arbitraire policier et administratif imposé à des centaines de milliers d’étrangers et, parfois aussi, à leur conjoint-e français-e soumis-e à des procédures inquisitoriales qui violent leur intimité et leur droit à une vie conjugale et familiale normales. Triomphe de l’exception qui ruine des droits essentiels pourtant reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

À ces orientations xénophobes et liberticides, que le candidat Sarkozy affirme vouloir aggraver s’il est réélu, sont-ce là vos seules réponses, Monsieur François Hollande, vous qui avez cru bon de rappeler, comme
si cet objectif était la priorité du moment, qu’il fallait lutter contre
« les mariages blancs et les mariages gris » ?
Faut-il comprendre que vous acceptez la législation votée hier par le parti majoritaire ?

Il y a peu, vous avez déclaré vouloir garantir les droits des couples
« mixtes » conformément à plusieurs conventions internationales. De même pour les mineurs étrangers placés en centre de rétention avec
leurs parents puisque vous souhaitez développer des solutions alternatives. Soit, mais tous seront reconduits à la frontière s’ils sont en situation irrégulière. Les procédures et les moyens changeront, pas les objectifs poursuivis quand bien même ils ne seront plus dictés par la politique du chiffre. Des expulsions familiales à « visage humain », est-ce là le changement annoncé ? Quant à la régularisation des sans-papiers, vous répétez vouloir établir des critères objectifs mais nul ne sait quels ils sont
car jusqu’à présent vous ne les avez jamais définis. Vous dites non à
« la finance folle », « aux rémunérations indécentes » et aux « avantages fiscaux » dont bénéficient les plus riches mais, relativement à la politique d’immigration, vous louvoyez plus souvent qu’à votre tour.

Vous prétendez vouloir être fort contre les forts et les puissants, mais pour quoi êtes-vous si faible avec les faibles étrangers, exploités, discriminés, pourchassés et pour beaucoup d’entre eux condamnés à une situation irrégulière par la multiplication même des lois et des circulaires auxquelles s’ajoutent les pratiques indignes de nombreuses préfectures ? En agissant ainsi, vous laissez prospérer la xénophobie et l’islamophobie de l’UMP et du Front national. Sur ces sujets, leurs dirigeants, leurs candidats maintenant, s’enhardissent sans fin en raison de vos dérobades réitérées, et de celles de votre parti ; toutes laissant le champ libre à cette offensive ininterrompue depuis 2007.

Jusqu’à quand, Monsieur François Hollande ?