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Jean-Pierre Garnier
Critique de la « critique » cinématographique
À propos du film Anonymous de Roland Emmerich
Article mis en ligne le 19 janvier 2012
dernière modification le 8 janvier 2012

À l’occasion de la sortie du film Anonymous, Cinémovies.fr, le magazine du cinéma a offert aux cinéphiles qui perdent leur temps à consulter ce site un parfait échantillon de l’indigence dans laquelle a sombré depuis déjà plusieurs décennies en France ce que l’on appelle encore la critique de cinéma. À l’image, il est vrai, de ce que qu’est devenue la majeure partie de la production filmique dans notre pays.

« Anonymous » : la bouillie historique de Roland Emmerich

par Reynald Dal Barco (Publié le jeudi 05 janvier 2012).

« Avec son nouveau film Anonymous, Roland Emmerich rejoint les sceptiques de l’Histoire en tentant de démystifier l’œuvre de William Shakespeare. Sacré Roland ! Mon ami, mon combat, ma peine... » [Avec ces quelques mots de Shakespeare, l’auteur de ces lignes introductives voudrait faire croire qu’il connaît l’œuvre du dramaturge anglais. On verra qu’il n’en a rien retenu, en admettant qu’il l’ait lue.] [1]

« Quelle mouche a piqué Roland Emmerich pour que celui-ci s’intéresse au demi secret constitué par l’œuvre de William Shakespeare ? Le cinéaste en avait-il marre d’être vilipendé par la critique ? » [Laquelle ? Celle qui se contente, en France, d’éreinter les blockbusters étasuniens pour mieux encenser les gâcheurs de pellicule néo-petits-bourgeois, intimistes et narcissiques de l’hexagone ?] « Cherchait-il à redorer son blason après les exaspérants Godzilla, Jour d’après, 10 000 et 2012 ? Tout ce que l’on sait est que sa filmographie démontre son opportunisme ». [À ce compte, il faudrait éliminer 90% de la filmographie française de ces trente dernières années]

« Les Anonymous, vous connaissez ? Nous parlons du mouvement international d’activistes justiciers qui par le Web et se cachant derrière le masque de Guy Fawkes (voir V pour Vendetta) redressent les torts des puissants qui se pensent intouchables » [ce ne sont pas les seuls. À croire ce « critique », il faudrait appartenir à une secte pour oser s’en prendre aux puissante. Se considèrerait-il lui-même comme intouchable ?]. « Le Anonymous de Roland Emmerich, c’est un peu la même chose [En fait, cela n’a rien à voir]. Sous couvert d’une théorie fumiste » [c’est une hypothèse parmi d’autres, choisie par le cinéaste qui, en plus, ne l’a pas prise au sérieux] « selon laquelle l’écrivain de Roméo et Juliette et de MacBeth n’aurait pas été celui que l’Histoire aurait reconnu » [c’est-à-dire les historiens eux-mêmes au-dessus de tout soupçon d’en prendre à leur aise avec la véracité historique], « qu’en fait son œuvre aurait été écrite par Edward de Vere d’Oxford, que l’écrivain célèbre n’aurait été qu’un prête nom pour un Lord censuré par la bienséance de son époque, Roland Emmerich nous présente un Anonymous du 16ème siècle intrigant en secret sur la succession de la Couronne d’Angleterre. »

« Pour le spectateur, il s’agit de faire preuve d’une attention toute particulière » [c’est trop lui demander vu l’ignorance crasse des
Français — qui croient connaître l’histoire — de la période considérée, en général, et du théâtre élisabéthain en particulier]
. « Constitué d’incessants allers et retours dans le temps » [un montage rapide où les temporalités sont entremêlées, voilà qui a de quoi déconcentrer et déconcerter le « critique »], « le film évoque donc, et pêle-mêle, en de courtes saynètes se succédant à un rythme effréné : la vie du Comte d’Oxford (qui il était, ses amours, son histoire, son influence sur le Trône), la vie de Benjamin Jonson (celui à qui Edward de Vere avait prioritairement confié ses écrits), la vie de l’authentique William Shakespeare (selon le réalisateur être vil, aviné et maître chanteur), les intrigues constitués par les influences des Stuart d’Ecosse et la flopée de prétendants (Robert Cecil, Essex, consorts et bâtards), les mœurs dépravés des Tudor. Attendez, ce n’est pas fini ! La place des arts lettrés dans la société d’alors, l’influence du Royaume de France et la grande idée : le Théâtre… » [Comparé au maigre brouet « minimaliste » servi d’ordinaire dans les films français, ce film peut effectivement apparaître indigeste.]

« Tout ceci est passé à la moulinette durant plus de deux heures avec de nombreux personnages et revirements de situations » [débordé, le critique préfère s’en prendre au réalisateur qu’à sa propre incapacité à suivre et à comprendre ce qui se passe à l’écran]. « Quel crédit porté » [porter. L’imbécile qui signe ce compte-rendu indigent ferait mieux s’apprendre le français] « au film ? La communication » [la pub, pour les ignares] appâte le spectateur en observant que de Mark Twain à Charles Dickens en passant par Freud, nombreux sont ceux qui vouèrent leur vie à tenter de rétablir la vérité. Nous n’avons pas le temps ici de trier le grain de l’ivraie [encore faudrait-il en avoir l’aptitude intellectuelle, dans ce domaine comme ailleurs.]. « Mais cela fait longtemps que la question a été tranchée » [Par qui ? Quand ? Où ça ? D’autant que ce n’est vraiment pas le problème !]. « Pour Emmerich, Edward de Vere est un héros : une parabole de nos temps modernes voués au mensonge et au complot » [et l’idiotie, au vu de ce genre de « critique »].

« Points forts d’Anonymous ? L’interprétation des acteurs, des décors véritablement somptueux. Mais en définitive, jouant lui aussi des trous de l’Histoire comme des supputations les plus diverses (ses personnages s’en justifient eux-mêmes à l’écran » [c’est précisément ce qui fait l’originalité et la subtilité de la prise de position d’Emmerich, insaisissables par le tâcheron qui prétend lui donner des leçons d’histoire], « Emmerich ne ferait-il pas la même chose malgré ses bonnes intentions, à savoir... manipuler les masses ? » [La « manipulation des masses » fait partie intégrante depuis des lustres de la domination capitaliste. Et l’auteur de ce compte-rendu y participe pleinement. Mais, le pire est qu’il ne s’en rend apparemment pas compte. Emmerich se garde, dans les entretiens qu’il a accordés pour lancer son film, de dire qu’il avait été guidé par l’intention d’établir ou de rétablir une vérité quelconque sur l’identité de Shakespeare. Il a choisi une interprétation parmi d’autres pour « voir ce que cela pouvait donner ». Et en faire un film shakespearien « plein de bruit et de fureur », et plein d’humour aussi, à la gloire de Shakespeare, indépendamment de qui avait porté réellement ce nom ou le lui avait donné.]

De la « bouillie historique », le film de Emmerich ? Encore faudrait-il que la critique française soit autre chose que de la bouillie pour les chats. Ou, parce que ce serait faire injure à ces derniers, pour les bobos.